L'Union européenne compte 27 États membres, dont les positions et les intérêts diffèrent. Néanmoins, le Parlement européen est capable de dégager des consensus forts. Grâce à lui, plusieurs dossiers de « Fit for 55 », paquet législatif visant à accélérer la décarbonation à l'horizon 2030, ont progressé. Ainsi, des décisions fortes sont susceptibles d'être prises à Bruxelles. En revanche, les conflits peuvent être virulents entre les États membres. L'Autriche et le Luxembourg sont profondément antinucléaires, par exemple.
D'après moi, la France a largement sous-investi les enjeux européens. Cela se ressent à tous les niveaux, y compris celui de l'information du grand public. Ainsi, en France, Bruxelles fait souvent figure d'épouvantail. En outre, nos médias sont sous-représentés à Bruxelles. En définitive, nous ne parlons pas assez et pas suffisamment en détail des enjeux européens. Par ailleurs, nos élites parlementaires et politiques manquent de culture européenne. Tel n'est pas le cas dans d'autres pays. Certains pays parviennent davantage à mettre les sujets qui les préoccupent sur le devant de la scène. En effet, leurs moyens étant plus limités, ils font en sorte de se mobiliser davantage.
A cet égard, un réinvestissement stratégique s'impose. Cela ne doit pas reposer uniquement sur le gouvernement. Les think tanks ont également un rôle à jouer. D'ailleurs, plusieurs pays européens poussent leurs think tanks à s'installer à Bruxelles, mais tel n'est pas le cas en France. L'IFRI existe avant tout grâce au mécénat de grandes entreprises françaises et étrangères, alors que nos concurrents bénéficient de financements importants de la part des États. L'influence se construit par l'intermédiaire de nombreux jalons. Pour être crédible à Bruxelles, un pays doit être capable de montrer qu'il met en œuvre les transformations pour lesquelles il plaide sur son propre territoire.
La France doit admettre que la décarbonation ne sera pas facile à mettre en œuvre, mais qu'il existe des opportunités industrielles formidables en lien avec les énergies renouvelables et qu'il faut aller au-delà de l'acquis nucléaire. L'Europe ne doit pas être considérée comme un problème, mais comme une solution. Malheureusement, nous n'en sommes pas encore là.
Nous entendons souvent dire que le marché européen est responsable des prix élevés de l'électricité. Néanmoins, il faut avoir conscience que les interconnexions avec d'autres pays européens permettent de sécuriser l'approvisionnement en électricité. La situation de crise que connaît l'Italie s'explique par le fait qu'elle ne parvient plus à importer d'électricité.
La plupart des formations politiques en Europe envoient à Bruxelles leurs meilleurs députés. Or en France, le fait de devenir député européen n'est pas considéré comme une réelle opportunité. Ce sujet fait partie de l'équation.