Au fur et à mesure que l'on construit un puits de pétrole, ce dernier perd en pression et il produit de moins en moins. Les courbes de production des puits de pétrole sont déclinantes. Il ne s'agit pas d'une installation à capacités constantes. Le puits perd en moyenne 4 à 5 % par an à échelle mondiale. Nous luttons donc en permanence contre ce déclin naturel. Il est certes possible de forer de nouveaux puits sur un champ pétrolier pour remplacer ceux qui produisent moins, mais cela ne suffit pas à échelle mondiale. Il est par conséquent nécessaire de mettre en production de nouveaux champs. TotalEnergies est confrontée à cette situation. Dans le scénario dit net zéro de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), il est projeté que 25 millions de barils de pétrole seront produits par jour, contre 100 au niveau mondial. Nous avons cependant déjà commencé à réduire la production, en diminuant quasiment par deux les investissements dans le domaine pétrolier au niveau mondial en l'espace de sept à huit ans. Le renouvellement total de la production à échelle mondiale n'est donc pas assuré, ce qui a conduit à un ajustement des prix, étant donné que les consommateurs continuent à utiliser des véhicules thermiques et que la population mondiale est en croissance. Ce phénomène est donc physique et naturel. TotalEnergies n'a pas d'ambition de croître sur le pétrole, mais simplement de maintenir sa production, ce qui suppose tout de même d'investir chaque année.
Le GNL est une énergie de transition. Il s'agit d'un moyen simple de se substituer au charbon. Une centrale électrique à gaz émet deux fois moins de CO2 que l'équivalent d'une centrale au charbon. Notre marché du GNL n'est pas l'Europe, mais plutôt la Chine, le Vietnam ou encore l'Inde, où TotalEnergies a investi cinq milliards pour construire des terminaux de regazéification et des énergies renouvelables. Ces pays achètent notre gaz pour le substituer au charbon ou pour compenser la demande additionnelle d'électricité — soutenue par la croissance de la population — par du gaz plutôt que du charbon, sachant que ce dernier coûte moins cher, ce qui est à l'origine d'une concurrence économique. Cependant, pour que le GNL soit réellement une énergie de transition, il est nécessaire de maîtriser les émissions de méthane sur toute la chaîne, car son potentiel de réchauffement climatique est supérieur à celui du CO2.
La transition énergétique suppose une électrification croissante des usages. Nous allons introduire de plus en plus d'énergies renouvelables, mais ces dernières fourniront une électricité intermittente. Le nucléaire, en France, est une base d'électricité peu flexible. Il est difficile d'ajuster la production d'une centrale nucléaire, contrairement à celle d'une centrale à gaz. Une première solution consisterait à construire des batteries. Sans cela, il sera nécessaire de s'appuyer sur des centrales à gaz. À ce titre, l'expérience de la Californie est intéressante. Alors qu'il avait été décidé d'éliminer les centrales à gaz du mix énergétique et de s'appuyer sur des énergies renouvelables, la Californie a demandé aux usagers de voitures électriques de laisser leur véhicule chez eux, car le réseau n'était pas capable d'assurer leur recharge. En outre, la Californie a décidé de reconstruire des centrales à gaz pour garantir la flexibilité nécessaire. Ces choix d'investissement ne sont pas évidents, car les centrales à gaz serviront de complément. En période de crise, la centrale de Landivisiau fonctionne ; d'ordinaire, le taux d'utilisation d'une centrale à gaz est plutôt de l'ordre de 30 %. Cependant, plus le système sera intermittent, et plus des moyens de génération flexibles seront utiles.
Pour mieux maîtriser le prix du gaz, une solution consiste à recourir à des contrats à long terme, en contradiction avec la trajectoire climatique européenne. Nous vendons en 2022 sur la base de contrats longs termes, sur quinze à vingt-cinq ans, et sur la base de marchés au comptant. Le prix moyen de vente du GNL au Japon en 2022, qui mêle des contrats long terme et du marché comptant, s'élevait à 60 euros le mégawatt contre 130 en Europe. En effet, les contrats de longue durée permettent des contreparties sur des prix, tandis que les à-coups de l'offre et de la demande affectent immédiatement le marché au comptant.