Nous avons récemment décidé d'entrer dans le marché de l'électricité de la concurrence, après de longs débats internes liés au caractère régulé de celui-ci. Nous constatons effectivement que ce marché est plus régulé. Tous les pays n'ont pas fait leur entrée dans ce marché de la même façon. En raison de sa volonté historique de contrôler une partie du marché, la France a fait le choix de mettre à disposition une partie de la rente nucléaire à des concurrents comme contrepartie, avec un mécanisme qui allait jusqu'à proposer une option gratuite. Je me suis opposé à cette option, qui a donné naissance à un grand nombre de petites entreprises qui récupèrent à un prix fixe maximum un volume et qui développent un portefeuille de clients en pensant faire la différence. Or, il s'agit de matières premières dont les prix peuvent varier ; aussi, lorsque les prix augmentent fortement, comme cette année, ces sociétés commerciales ne peuvent résister. Ce modèle opportuniste ne nous convainquait pas. Nous avons hérité en partie de Direct Énergie, qui avait déjà racheté la société d'énergies renouvelables Quadran et quelques centrales à gaz. Si nous avons racheté Direct Énergie à cette époque, c'est précisément parce que le portefeuille commençait à se construire. J'ai rapidement compris que nous devrions augmenter nos capacités de production. Il me paraissait impératif de contrôler le coût de production des moyens de nos ventes.
Cette crise soulève en réalité une réflexion plus profonde : le partage de la rente nucléaire était selon moi lié à cette volonté d'ouvrir les marchés à la concurrence, et il doit nous interroger sur les contreparties des entreprises qui en bénéficient, en matière d'investissement ou de valeur. J'avais assisté à l'ouverture du marché des télécommunications lorsque j'étais directeur de cabinet du ministre des technologies de l'information et de la poste. Le débat était similaire : quelle obligation d'investissements devions-nous faire porter sur les opérateurs alternatifs ? L'ouverture de ce marché avait donné lieu aux mêmes questionnements lorsqu'une entreprise avait accédé à des volumes d'interconnexions de télécommunications de la part d'Orange sans avoir investi. Le niveau d'investissement requis des nouveaux entrants doit faire l'objet d'une réflexion lors de toute ouverture de marché. Pour résister à cette volatilité, la seule solution est de construire un outil de production à l'échelle française et européenne compte tenu des interconnexions. Nous avons également acheté des centrales à gaz en Espagne et en Belgique, dont certaines, ont alimenté des implantations d'électricité en France.