Les records d'audience réalisés par les chaînes de télévision françaises à l'occasion de la Coupe du monde de football l'ont une nouvelle fois démontré : les compétitions sportives exercent toujours un attrait indéniable sur un grand nombre de nos concitoyens. Or, autour de ces grandes compétitions sportives, s'exerce également une intense activité de paris – vous l'avez dit, monsieur le rapporteur –, dont les chiffres de l'Autorité nationale des jeux prouvent, ô combien, elle connaît une dynamique indéniable.
Ainsi, en 2021, le pari sportif en ligne a connu une croissance de plus de 44 % par rapport à l'année précédente ; les mises ont atteint un niveau record de 7 milliards d'euros et leur produit s'est élevé à près de 1,4 milliard. Alors que le nombre de joueurs en ligne ne cesse de croître, ces sommes sont amenées à augmenter d'autant, comme le montre la dernière édition de l'Euro de football, qui s'est déroulée l'année dernière et au cours de laquelle le montant des paris en ligne s'est élevé à 435 millions d'euros, soit un montant plus de trois fois supérieur à celui constaté lors de l'Euro 2016.
Il va de soi que de telles sommes ne pouvaient qu'attiser l'avidité des réseaux de criminalité organisée, qui n'hésitent pas à attenter à la probité des compétitions sportives afin de s'approprier des gains substantiels. Ces gains, issus de pratiques illégales, se chiffreraient, on l'a dit, en dizaines de millions d'euros. Or, par leurs pratiques d'une malhonnêteté systématique, ces organisations criminelles attentent à l'honneur de l'ensemble de la communauté sportive et à l'éthique même du sport.
Face au défi que représentent la répression contre des réseaux de nature souvent internationale et la difficulté inhérente à la régulation numérique, les États ne pouvaient qu'être amenés à se coordonner, afin de lutter plus efficacement contre le phénomène de manipulation sportive. Plus encore, cette nécessité de coopération s'est imposée à tous les acteurs de la lutte contre les manipulations sportives, non seulement la police et les réseaux de procureurs mais également les opérateurs, les régulateurs de jeux d'argent et bien évidemment l'ensemble des associations sportives.
C'est dans cette perspective que la convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives, à propos de laquelle nous sommes ce matin invités à nous prononcer, représente une avancée indéniable. Signée dès 2014 par la France, elle demeure le seul outil juridique international en la matière ; par conséquent, elle constitue une base d'une pertinence indéniable pour mieux harmoniser les pratiques de lutte contre ce phénomène délétère, et ce à tous les échelons.
En effet, la convention engage les États à prévoir non seulement des moyens de prévention et de détection, mais aussi des sanctions significatives à l'égard de la manipulation sportive. Il faut également saluer les dispositions cherchant à impliquer dans cette lutte tous les acteurs concernés, qu'ils relèvent de l'autorité publique ou du monde du sport. Soulignons par ailleurs que la France n'a pas attendu la ratification de la convention, en 2022, pour appliquer les préconisations prescrites par le texte, puisqu'elle a notamment créé dès 2016 une plateforme nationale.
Celle-ci a permis de favoriser les échanges entre les différents acteurs de la lutte contre les manipulations sportives, et ce jusqu'au niveau international, grâce à la création du groupe de Copenhague – vous y faisiez référence, monsieur le rapporteur –, qui compte désormais une quarantaine de pays. Car une telle convention, aussi complète soit-elle, ne démontrera toute sa pertinence qu'au moyen d'initiatives concrètes que devront prendre les États et les acteurs de la lutte contre les manipulations sportives.
À cet égard, l'officialisation, à l'initiative du Conseil de l'Europe, le 25 novembre dernier à Strasbourg, d'un réseau des magistrats et procureurs responsables du sport (Mars) de différents pays, dont le nôtre, est une nouvelle qu'il convient de saluer. Nous pouvons espérer que ce nouveau cadre de coopération internationale s'avérera décisif s'agissant des enquêtes et des procédures pénales ayant trait à l'intégrité sportive.
Alors que notre pays accueillera très prochainement la Coupe du monde de rugby – en 2023 – et les Jeux olympiques et paralympiques – à Paris en 2024 –, la ratification tant attendue de cette convention à l'élaboration de laquelle la France a, rappelons-le encore, activement participé, est un geste fort en faveur de la coopération internationale et de l'éthique sportive, que le groupe Renaissance ne peut que soutenir.