L'Assemblée nationale est saisie du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives, également appelée convention de Macolin, signée par la France, à Strasbourg, le 2 octobre 2014.
Au cours des dernières décennies, les progrès de l'informatique et de l'industrie numérique ont favorisé le développement des jeux et des paris en ligne, en particulier des paris sportifs. En France, le nombre de joueurs actifs a été multiplié par cinq en huit ans, passant de 765 000 en 2012 à plus de 3,8 millions en 2020. Quant aux mises, leur total a été multiplié par 7,5, passant de 705 millions d'euros en 2012 à plus de 5,3 milliards en 2020. La même dynamique est relevée aux niveaux européen et mondial, le chiffre d'affaires global des paris en ligne s'élevant à 1 450 milliards d'euros en 2021, dont 955 milliards pour le seul continent asiatique et 220 milliards pour le continent européen. Le football représente plus de la moitié de ce chiffre d'affaires mondial, soit 745 milliards d'euros, devançant ainsi de très loin le tennis – 190 milliards –, le basketball – 185 milliards – et le cricket – 68 milliards.
L'essor des paris en ligne a été propice à la manipulation des compétitions sportives. Ce phénomène, lié à la fraude, au crime organisé et à la corruption, porte atteinte à l'intégrité du sport en compromettant son caractère imprévisible. Or, lorsque les passionnés ne croient plus à la « glorieuse incertitude du sport », celui-ci perd, outre ses valeurs, tout pouvoir d'attractivité.
La menace des manipulations de compétitions sportives n'a cessé de s'aggraver au cours des dernières années. Selon un rapport d'Europol datant de 2020, les recettes annuelles de la criminalité liée aux paris sur des matchs truqués sont estimées à environ 120 millions d'euros au niveau mondial. Europol souligne que les organisations criminelles utilisent de plus en plus les paris en ligne pour manipuler les compétitions : elles ciblent en général des rencontres sportives de niveau inférieur, dans différents sports, le football et le tennis demeurant les pratiques sportives les plus exposées.
Ce fléau global, qui n'épargne aucun État, constitue un véritable danger pour le sport dans toutes ses dimensions – sociale, culturelle, économique et politique –, de même qu'un défi pour les autorités publiques, les organisations sportives, les athlètes et les opérateurs de paris sportifs. Pour faire face à cette menace, le Conseil de l'Europe propose, avec la présente convention, une réponse commune et harmonisée. Ce texte bénéficie d'un champ d'application très large puisqu'il concerne tous les sports et toutes les compétitions sportives et dépasse la seule question des paris sportifs.
La convention de Macolin a deux objectifs principaux : tout d'abord, la prévention et la sanction des actes de corruption, de fraude et de paris illégaux dans le cadre de compétitions sportives ; ensuite, le renforcement de l'échange d'informations et de la coopération nationale et internationale entre les différents acteurs du monde du sport. Ce texte enjoint ainsi aux États de prendre les mesures adéquates pour lutter efficacement contre les manipulations de compétitions sportives, que ce soit en amont, avec un volet préventif, ou en aval, avec un volet répressif, et de manière collective, grâce à la promotion du dialogue, des échanges et d'autres pratiques coopératives ; à cette fin, la convention de Macolin veille à impliquer l'ensemble des acteurs du monde du sport.
L'une des mesures phares du texte est l'incitation faite aux États de mettre en place une plateforme nationale de lutte contre la manipulation de compétitions sportives, permettant un échange fluide des informations détenues par chacun des acteurs du monde du sport. Vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, dès janvier 2016, la France a lancé sa propre plateforme nationale, démontrant ainsi sa forte implication. Cette plateforme, appelée Signale !, est accessible sur le site internet signalesport.fr.
Sur le volet préventif, le texte reconnaît l'autonomie des organisations sportives en matière de sensibilisation, mais souligne la responsabilité des opérateurs de paris dans la prévention de la manipulation de compétitions sportives. Sur le volet répressif, la convention établit un cadre minimal permettant d'identifier les comportements répréhensibles et précisant les sanctions pouvant être prononcées, sans toutefois créer d'incriminations. Le premier objectif de la convention, découlant de sa volonté d'harmonisation, est de permettre la reconnaissance mutuelle des décisions et des sanctions prises par les États et de ne pas les cantonner à un seul territoire.
La France a activement participé à l'élaboration de ce texte, qui constitue le premier instrument international contraignant ciblant spécifiquement le trucage de matchs. Notre pays dispose d'ailleurs d'un arsenal législatif important en matière de lutte contre la manipulation de compétitions sportives, ce qui en fait l'un des États les plus avancés dans ce domaine. Ainsi, la plupart des dispositions de la convention trouvent d'ores et déjà une traduction dans le droit français. Seules quelques évolutions législatives, non urgentes, devront être envisagées à l'avenir afin de renforcer la norme en vigueur et de parfaire la conformité de notre droit interne à la convention de Macolin.
À l'approche des deux événements sportifs majeurs qui seront organisés en France – la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 –, la ratification de cet instrument de lutte contre la manipulation de compétitions sportives permettrait de marquer l'engagement de la France sur cette question. À ce jour, quarante et un pays ont signé la convention, dont trois pays tiers, l'Australie, le Maroc et la Russie – mais la signature de cette dernière est considérée comme suspendue depuis le 16 mars 2022, date de sa sortie du Conseil de l'Europe –, et sept États l'ont ratifiée, trois États membres de l'Union européenne, la Grèce, l'Italie et le Portugal, et quatre membres du Conseil de l'Europe, la Moldavie, la Norvège, la Suisse et l'Ukraine. Conformément à l'article 32, qui prévoit que la convention entre en vigueur après cinq ratifications, dont trois au moins par des États membres du Conseil de l'Europe, le texte est entré en vigueur le 1er septembre 2019 après sa ratification par la Norvège, le Portugal, l'Ukraine, la Moldavie et la Suisse.
Pour mémoire, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, qui a examiné le texte le 23 novembre dernier, l'a approuvé à une très large majorité. Afin de renforcer la lutte contre la manipulation de compétitions sportives et d'impliquer encore davantage notre pays dans ce combat, je vous invite, chers collègues, à voter sans réserve en faveur de l'approbation de la convention.