Nous voterons certainement en faveur de la ratification de cette convention. Toutefois, il faut dire ici clairement l'hypocrisie de la chose.
La pratique sportive est source d'émancipation et de sociabilisation. Le respect de règles qu'on s'impose collectivement ne peut que faire écho à notre fonction de législateurs. Le sport porte en lui des valeurs positives ; hélas, le capitalisme noie tout dans les eaux glacées du calcul égoïste, y compris la glorieuse incertitude du sport ! Si les paris sportifs existaient dès l'Antiquité, l'ère industrielle a vu se développer un véritable commerce de la misère liée au jeu : pas de paris d'amis quand il s'agit d'argent ! Les familles sont ruinées, des bandits s'organisent pour récupérer les mises par la violence, truquent les compétitions et en profitent pour blanchir l'argent d'autres activités frauduleuses. Le législateur, par sagesse ou par intérêt, s'est alors penché sur la question. L'État devenait bookmaker – cela remplit les caisses – et, en retour, tentait de réguler les tripots et jeux clandestins par la police des jeux, la surveillance des casinos et par un monopole d'État sur les paris.
De tout cela, qu'avons-nous retenu ? Rien !
La loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne a tout fait voler en éclats. Certes, les mêmes textes de libéralisation étaient adoptés ailleurs dans le monde, les uns servant de prétexte aux autres. Mais le bilan est accablant. De véritables mafias se sont engouffrés dans la brèche et pourrissent tout, avec des conséquences particulièrement aiguës dans les quartiers populaires. C'est ce que met en lumière une campagne de prévention lancée le 14 novembre dernier en Seine-Saint-Denis. C'est ce qu'indiquent certains de nos plus grands sportifs, quand ils refusent, comme Kylian Mbappé, de voir leur nom associé à ces organismes mafieux qui prospèrent sur la misère.
Tant que nous ne mènerons pas la guerre à ces sociétés mafieuses, tant que nous transigerons avec elles par faiblesse ou par intérêt, tant que l'État s'accommodera des ressources financières qu'elles nous versent en obole, tant que nous accepterons que ces marchands du temple fassent du sport un nouvel opium du peuple aux juteux bénéfices, tout ne sera qu'hypocrisie !