Ces questions techniques ne sont pas directement l'objet du traité, qui ne traite pas du détail des coopérations. C'est une enveloppe à remplir, la coopération sera ce que le traité produira.
Je ferai trois observations. En premier lieu, M. Christian Masset, notre ambassadeur en Italie, quittera prochainement son poste. M. Masset est un diplomate d'une extraordinaire qualité. Il a été la cheville ouvrière d'une relation de plus en plus étroite entre notre commission et la commission des affaires étrangères siégeant au Palais Montecitorio, enceinte de la Chambre des députés italiens. Il est de ces diplomates qui attachent de l'importance à la démocratie parlementaire et à l'intensification de la coopération entre les parlementaires comme instrument d'une confiance réciproque, sans cesse renforcée, entre nos deux pays. Je voudrais, au nom de vous tous, lui rendre un très solennel hommage.
En deuxième lieu, l'affaire des « terroristes » non extradés est extrêmement délicate. En effet, la décision de la justice contredit explicitement l'intention du Président de la République et du gouvernement français. Les socialistes m'ont souvent dit qu'on ne pouvait pas vraiment invoquer la doctrine Mitterrand, car François Mitterrand, même s'il n'a pas systématiquement mis en pratique cette réserve, en a toujours exclu les crimes de sang. Dans les faits, toutefois, les personnes en question n'ont pas été extradées. Le Président de la République et le garde des Sceaux ont dit, dans des termes extrêmement nets, leur réserve quant à cette décision de justice, ce qui a suscité des réactions compréhensibles au nom de la séparation des pouvoirs ou, pour le dire plus exactement, de la séparation des autorités.
Je me suis entretenu récemment de cette question avec l'ambassadrice d'Italie à Paris et le maire de Rome. Nos amis italiens ont bien compris que cette décision émanait, non du gouvernement ou du Parlement, mais de l'autorité judiciaire. Les juridictions françaises sont elles-mêmes séparées et divisées à ce sujet. Le parquet de la cour d'appel de Paris s'est en effet pourvu en cassation – proprio motu, me semble-t-il, sans avoir reçu aucune instruction de la Chancellerie.
On peut comprendre, par exemple, que la non-extradition de quelqu'un qui a assassiné un brigadier sous les yeux de son fils soit très choquante pour les Italiens. Cela aurait pu déclencher une crise mais celle-ci a été assez profondément désamorcée.
En troisième lieu, beaucoup d'entre vous ont souligné le lien entre le traité du Quirinal et la construction européenne, pour s'en alarmer ou s'en féliciter. Le franco-italien est, à mes yeux, le parent pauvre du narratif européen. Le couple que nous formons avec ce pays a joué, depuis le début de la construction européenne, un rôle absolument central, de même importance que le couple franco-allemand. L'intensité du conflit entre la France et l'Allemagne a toutefois donné à leur réconciliation un lustre particulier. Les Italiens ont recollé les morceaux de la construction européenne après l'échec de la communauté européenne de défense (CED). Ils ont jeté les bases de l'Acte unique européen et du marché intérieur, qui a débouché sur l'euro. Par ailleurs, c'est la politique de l'actuel président du conseil italien, alors président de la Banque centrale européenne (BCE), qui a assuré le sauvetage de l'euro. Le parallélisme entre le traité du Quirinal et le traité de l'Élysée permet de combler le déficit de narratif entre nos deux pays.