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Intervention de Eléonore Caroit

Réunion du mercredi 20 juillet 2022 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEléonore Caroit, rapporteure :

Le traité du Quirinal, signé à Rome le 26 novembre 2021, occupe une place à part parmi les multiples traités d'amitié que la France a conclus au cours de son histoire. Par son nom même – celui du siège de la présidence italienne –, il fait écho au traité de l'Élysée, qui a posé, en 1963, les fondations du couple franco-allemand en promouvant une coopération bilatérale renforcée et un dialogue systématique. Si le contexte est aujourd'hui très différent, le traité du Quirinal vise lui aussi à sceller officiellement, dans un texte à portée générale, l'amitié profonde existant entre nos deux pays afin de renforcer leurs liens institutionnels et d'œuvrer au rapprochement de leurs sociétés civiles.

Le périmètre en sera très large. En matière économique, la France et l'Italie sont des partenaires commerciaux majeurs : avec un volume global d'échanges s'élevant, en 2019, à 82 milliards d'euros, la France est le deuxième client et le deuxième fournisseur de l'Italie, tandis que l'Italie est deuxième client et le troisième fournisseur de la France. S'agissant des relations culturelles, les échanges sont très riches entre nos deux pays. Ils s'appuient sur des institutions prestigieuses telles que la Villa Médicis ou encore un réseau culturel très dense. Enfin, l'Italie compte 100 000 résidents français sur son territoire et la France 400 000 résidents italiens. Les deux pays se révèlent ainsi être des partenaires importants au regard de l'intrication de leur histoire et de leur culture, ainsi que des valeurs qu'elles partagent.

La relation entre la France et l'Italie n'a toutefois pas été suffisamment structurée, ni même valorisée. Elle est, en outre, sujette à des fluctuations importantes au gré des événements politiques ou de l'intensité de l'alchimie entre les différents chefs d'État et de gouvernement. L'objet du traité est de créer un cadre global permettant de dépasser ces circonstances conjoncturelles.

Il ressort des auditions que j'ai menées que les relations entre la France et l'Italie sont éprouvées par un double paradoxe. D'un côté, nous avons des points de convergence très nombreux mais nous ne parvenons pas à les exploiter à leur juste valeur. Or lorsque la France et l'Italie agissent ensemble, elles obtiennent des résultats extraordinaires, tel le plan de relance européen défendu par les deux pays en 2020. D'un autre côté, du fait de notre proximité linguistique et culturelle, nous pensons intuitivement nous connaître, alors que nos deux pays sont, en réalité, assez différents, ce qui conduit parfois à des malentendus. Le traité du Quirinal vise à mieux structurer la relation bilatérale franco-italienne, à améliorer la connaissance mutuelle de ces deux pays et à offrir une matrice permettant de développer des projets concrets dans tous les domaines de coopération – affaires étrangères, sécurité, défense, politique migratoire, économie, enseignement, culture, coopération transfrontalière.

La structuration des relations institutionnelles a pour objectif de faire émerger une culture administrative commune et des habitudes de consultation systématique de sorte que se développe un « réflexe franco-italien », comme il existe un réflexe franco-allemand, tant aux niveaux politique et administratif qu'au niveau de la société civile. Un tel rapprochement est rendu possible par des mécanismes de consultation réguliers inscrits dans le traité pour chacun des secteurs concernés. Sont notamment prévues, au niveau gouvernemental, la relance du conseil franco-italien de défense et de sécurité, la création d'un forum de concertation économique, l'instauration d'un dialogue stratégique sur les transports ou encore la tenue de réunions bilatérales annuelles entre différents ministres. Au niveau administratif, ces formats comprennent des instances de concertation thématiques mais aussi des échanges entre fonctionnaires, des formations communes, etc.

Le traité du Quirinal, signé entre deux États fondateurs de l'Union européenne, s'inscrit résolument dans une approche européenne. Il apparaît clairement que leur coopération bilatérale favorisera l'approfondissement du projet européen par l'intégration plus forte des territoires et des sociétés civiles des deux pays. Les résultats engrangés pour l'Europe par le couple franco-allemand démontrent la pertinence d'une telle démarche. Renforcer les liens et la confiance entre les peuples de l'Union européenne ne peut que bénéficier à l'Europe tout entière : les États membres sont d'autant plus confiants dans le jeu communautaire que les relations bilatérales leur apparaissent fortes et fiables.

Le traité s'appuie sur quatre piliers : le rappel des valeurs partagées et d'une vision commune pour l'Europe ; la volonté de développer un réflexe franco-italien grâce à des mécanismes de consultation régulière au niveau politique et administratif ; la promotion des échanges dans tous les domaines au moyen de formations conjointes entre les fonctionnaires, de programmes d'échanges pour les jeunes ou encore du développement de résidences d'artistes ; l'ambition de faire de ce cadre pérenne une matrice à projets afin de permettre l'éclosion de programmes bilatéraux concrets.

La portée de ce traité dépendra naturellement de la volonté politique des acteurs et de son appropriation par l'ensemble des administrations concernées. Or il ressort des auditions que les relations entre les administrations française et italienne ont commencé à changer dès le début des discussions sur le traité : le réflexe franco-italien, appelé de leurs vœux par les différentes parties, semble d'ores et déjà engagé.

Enfin, j'appelle votre attention sur le rôle que nous, parlementaires, pourrions jouer pour permettre à ce traité de remplir ses objectifs. Dans son préambule, le texte reconnaît l'importance et la vitalité de la coopération entre les Parlements français et italien et souligne à juste titre l'intérêt de la diplomatie parlementaire. Échanger plus régulièrement avec nos homologues italiens pourrait se révéler bénéfique pour le renforcement de nos liens, pour l'amélioration de notre connaissance mutuelle, ainsi que pour la formation de positions convergentes. En ce sens, il serait opportun que notre commission se mobilise en faveur d'un affermissement de la coopération parlementaire instaurée en novembre 2021 entre l'Assemblée nationale française et la Chambre des députés italienne.

Pour conclure, l'avenir du traité dépendra de la régularité avec laquelle les parties s'investiront dans les mécanismes de consultation politique, les rencontres périodiques favorisant le règlement en amont d'éventuels malentendus. Il dépendra également de la qualité des échanges entre les sociétés civiles de nos deux pays, qui permettra de valoriser des parcours communs et de faire émerger des ambassadeurs de la relation franco-italienne, notamment au sein de la jeunesse. Il dépendra enfin d'une juste évaluation des priorités et des besoins, afin d'assurer une coopération efficace dans tous les domaines.

En Italie, le traité du Quirinal a été définitivement ratifié par le Parlement italien à la suite de votes très largement favorables tant à la Chambre des députés, le 25 mai 2022, qu'au Sénat, le 5 juillet. J'insiste sur l'intérêt que la coopération bilatérale renforcée présente pour nos deux pays mais aussi pour l'Europe dans son ensemble. Pour cette raison, je vous invite à voter sans réserve en faveur de l'approbation de ce traité.

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