Monsieur Ghomi, vous avez évoqué la multiplication des crises au Proche-Orient. Cette zone, comme d'autres régions du monde, forme en effet un arc de crises allant du nucléaire iranien aux tensions du Sahara occidental, sans oublier le chaos libyen, la poursuite du conflit syrien, ni les difficultés à faire revivre le processus de paix au Proche-Orient. Étendu autour de l'Europe, cet arc de crises affecte la sécurité de la France et des Français. Pour résoudre ces crises, nous les traitons une par une et cherchons à y apporter des solutions.
Par exemple, face au chaos où prospèrent les milices et les trafiquants d'êtres humains en Libye, nous agissons avec nos partenaires européens et non européens, pour aboutir à la mise en place d'un exécutif capable, à l'issue d'un processus politique, d'organiser des élections et d'assurer son autorité sur l'ensemble des territoires libyens.
Je me suis entretenue au téléphone avec mon homologue iranien le 3 juillet. Mes propos ont été les mêmes que ceux que je vous ai tenus aujourd'hui. Je l'ai informé qu'il était encore possible de revenir au JPCOA, mais que l'Iran devait prendre rapidement sa décision, sachant qu'il ne se verrait pas offrir de meilleur accord.
Dans un deuxième temps, nous tentons de traiter les causes de ces crises pour mieux assurer la stabilité de ces régions. Ces dernières années, nous avons constaté une évolution positive au Proche-Orient, marquée par une meilleure intégration d'Israël dans son espace régional. Le processus des accords d'Abraham a permis une amélioration des relations entre Israël et nombre de ses partenaires plus ou moins proches, comme le Maroc. Néanmoins, les accords d'Abraham ne pourront se substituer à la solution à deux États qui seule peut résoudre la question palestinienne et ramener la paix dans la région. Nous devons donc redonner une perspective politique à ces accords. Je recevrai demain mon homologue palestinien en préparation de la visite du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à Paris, le 20 juillet.
Enfin, il me paraît essentiel de nous adresser aux populations de ces pays, et plus particulièrement à la jeunesse. Nous voulons leur offrir des chances. Pour cela, nous devons renforcer notre action en matière de culture, d'éducation et d'influence, ce qui suppose de disposer de moyens suffisants.
Vous avez évoqué les Balkans. Il est important de confirmer la perspective européenne de ces pays, qui leur a été offerte après les tragédies qu'ont représenté la guerre dans l'ex-Yougoslavie en 1995 et les exactions commises en 1999 lors de la guerre du Kosovo. Ces deux guerres étant terminées, nous avons voulu accélérer la normalisation de ces pays en leur offrant la perspective européenne, lors de la présidence française, il y a vingt-deux ans. Ces pays ont cheminé de façon inégale, certains plus facilement que d'autres encore prisonniers de leur passé. Certains attendent depuis longtemps, d'autres n'ont pas encore le statut de candidat. Vous savez les difficultés que nous avons rencontrées pour faire reconnaître que la Macédoine du Nord ne se voit pas opposer de nouvelle demande reconventionnelle de la part de la Bulgarie, État membre de l'Union européenne. Dans les dernières heures de la présidence française, une proposition a été émise et a été acceptée par la Bulgarie, mais pas encore la Macédoine du Nord. Il est de notre intérêt d'arrimer ces pays à l'Union européenne et qu'ils rejoignent nos standards en matière économique, mais également en termes de lutte contre la corruption et les trafics de tous ordres.
Madame Autain, vous avez parlé de la grève au Quai d'Orsay, événement d'autant plus remarquable que ces mobilisations ne sont pas fréquentes : la précédente grève remontait à une vingtaine d'années. La réforme vise la haute fonction publique dans son entièreté : il n'y a pas de singularité du Quai d'Orsay à cet égard. Les ordonnances et les décrets pris par le gouvernement ont été publiés, au mois d'avril pour le dernier d'entre eux. Nous tenons aux garanties que vous évoquez. Elles ont été obtenues par Jean-Yves Le Drian et je les ai décrites dans mon propos liminaire. Je souhaite qu'elles soient consolidées.
Vous avez également évoqué l'aide publique au développement. Elle est importante, grâce à notre bras armé qu'est l'AFD. Le président Bourlanges mentionnait la modestie de notre budget. Je crois donc utile de rappeler quelques chiffres. Le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'élève à 6 milliards d'euros en 2022 pour l'ensemble de ses missions. L'AFD s'est vu allouer un budget de 13 milliards. Sur les 6 milliards du budget du Quai d'Orsay, 3 milliards représentent la mission extérieure de l'État, tandis que l'autre moitié alimente l'aide publique au développement de la France.
Nous avons réussi, et nous le devons notamment à la représentation parlementaire, à augmenter sensiblement l'effort de la France en rehaussant cette année à 0,55 % le pourcentage de notre aide publique au développement au regard de notre PIB. Nous n'avions jamais atteint ce seuil. La représentation nationale a souhaité rappeler l'objectif international de 0,7 % du PIB. Cela signifie qu'entre 2017 et 2022, l'aide publique au développement représentait près de 5 milliards d'euros. Pour comparaison, en 2016, ce pourcentage était égal à 0,37 % du PIB. Comme le souhaite la représentation nationale, nous espérons continuer à progresser en ce sens, quel que soit l'état des finances publiques, et malgré la crise de l'énergie et la nécessité de protéger le pouvoir d'achat des Français ou les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.
Madame Autain, je suis heureuse que nous nous rejoignions sur la question de l'Ukraine. Cependant, je ne suis pas d'accord avec votre analyse de l'accord négocié entre la Finlande, la Suède et les trente États membres de l'OTAN en vue de leur adhésion. C'est sans doute la vision turque qui voudrait confondre les terroristes du PKK et les combattants de la liberté qui nous ont aidés en Syrie. Je ne veux pas croire que vous vous exprimiez comme le président Erdoğan. Après l'intervention du président Erdoğan, dont les termes employés à Madrid pouvaient prêter à confusion, le Président de la République a procédé à une mise au point précise et argumentée en séance pour indiquer que le PKK était considéré comme une organisation terroriste mais que ce n'était pas le cas des combattants kurdes, en particulier des combattants de la liberté – pour le citer – qui ont lutté à nos côtés. Il serait incohérent de confondre les deux et, plus encore, il en irait de notre crédibilité vis-à-vis des forces qui veulent parfois se joindre à nous pour mener nos combats.
Je maintiens que l'Union européenne est sortie plus forte, plus souveraine et plus unie de ces six mois de présidence française. Nous aurons l'occasion d'y revenir grâce au débat de l'article 50-1.
Monsieur Dumont, vous m'avez interrogée sur le CETA. Après la ratification de l'accord par l'Assemblée nationale en 2019, les conditions n'ont pas pu être réunies pour que le texte soit examiné par le Sénat. Nous verrons si elles le sont au cours du quinquennat qui commence.
Vous évoquez la conclusion d'un accord dans les derniers jours de notre présidence de l'Union européenne. Je rappelle que dans le cadre de ses compétences au titre du traité, c'est la Commission qui négocie un accord commercial sur la base du mandat qui lui a été donné par les États membres. Nous sommes satisfaits de constater que le traité en question reprend les exigences environnementales que l'Union européenne pose désormais à la conclusion de tout accord commercial. La négociation a été longue, je crois qu'elle a été positive. Je dois rappeler les craintes qui s'étaient exprimées au moment de la négociation de l'accord de libre-échange avec le Canada, dont tout démontre aujourd'hui que nous avons considérablement bénéficié.
Vous avez enfin parlé du trouble ressenti par une partie des agents de mon ministère. Vous évoquez une nomination dont je n'ai pas connaissance. Je rappelle que de telles nominations se font en Conseil des ministres sur proposition du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur Fuchs, je ne peux qu'appuyer votre souhait que l'action diplomatique soit mieux comprise des Français. Ce sera pour partie ma responsabilité. Lorsque j'étais ministre déléguée aux affaires européennes, j'ai eu à cœur de me déplacer en France autant, sinon plus souvent, qu'auprès de mes partenaires européens à Bruxelles ou au Parlement européen. Il est vrai que la réponse négative au référendum de 2005 m'y engageait vivement. Je vous demande de bien vouloir participer à cet effort d'explication. Notre avenir est en Europe, et nos compatriotes doivent le comprendre. C'est ce à quoi je me suis efforcée au mois de juin.
La réponse en Afrique ne peut être uniquement militaire et sécuritaire. Nous souhaitons miser sur l'éducation, l'employabilité, la formation et la santé, qui sont les clés du développement. Depuis une trentaine d'années, les rapports de la Banque mondiale montrent en effet que l'éducation est le meilleur investissement qui soit.
Monsieur David, vous mentionnez l'audiovisuel extérieur pour souligner que la compétition stratégique est aussi affaire de communication. Il faut en particulier lutter contre les falsifications et les manipulations de l'information. Dans ce contexte, je suis très attachée à France Médias Monde, qui accomplit un travail essentiel pour promouvoir une information de qualité, objective, exacte et qui n'est instrumentalisée par aucun gouvernement. Attachée à l'indépendance des médias, je défendrai France 24, RFI et Radio Monte-Carlo Doualiya.
Monsieur Portarrieu, je tiens à corriger la fausse impression selon laquelle j'aurais passé trois jours à Bali, comme l'a involontairement laissé croire le Président de la République. J'ai voyagé pendant quelques dizaines d'heures afin de passer une journée à Bali, où, durant vingt-deux heures, j'ai assisté aux sessions du G20 et eu de nombreux entretiens bilatéraux. Il me paraissait en effet important de convaincre mes collègues européens et non européens de nos positions sur la marche de l'Europe et sur la guerre en Ukraine, pour leur rappeler que cette dernière est responsable des tensions internationales, de la montée des prix, de la crise de l'énergie, et de ce que je ne veux pas devoir appeler un jour la crise alimentaire.
Le G20 nous a permis de chercher collectivement les voies et moyens de répondre à la guerre d'agression dans ses conséquences économiques. Le G20 a fait preuve d'une remarquable unité de vue, considérant qu'il était impossible d'utiliser le commerce comme une arme et pour donner des réponses à la déstabilisation de l'économie face à ce qui ne doit pas devenir une crise alimentaire.
Le G7 avait pris des décisions fortes et intéressantes à Elmau dans le domaine de l'énergie et de l'alimentaire, encourageant le G20 à les suivre. De surcroît, au G20, la Russie s'est trouvée isolée alors même qu'elle aurait pu être tentée de jouer de la composition du groupe pour faire valoir ses vues et poursuivre son discours de propagande et de falsification. C'était la première fois que nous voyions notre homologue russe M. Lavrov. À cet égard, je précise que la présence de Vladimir Poutine au sommet du G20 en novembre n'est pas acquise. La présidence indonésienne n'a pas encore pris de décision et nous nous efforcerons de la convaincre que cette présence n'est pas opportune.
Complètement isolée, la Russie a tenu un discours faux et outrancier mais elle a surtout subi les rappels de la primauté du droit international, du respect de la charte des Nations Unies comme condition première de la vie au sein de la communauté internationale, y compris de la part d'États dont ce n'était pas attendu, comme la Chine ou l'Inde, avec plus ou moins de nuances. Vous avez souligné que je me suis exprimée moins diplomatiquement que d'habitude. Il le fallait. L'ensemble des membres du G20, à l'exception de M. Lavrov, se sont accordés pour reconnaître qu'une guerre d'agression était menée contre l'Ukraine, dont seule la Russie était responsable. Après son intervention en fin de matinée, M. Lavrov a quitté la conférence et le pays.
Monsieur Taché, l'entente cordiale aurait en effet besoin d'être revivifiée. Pour ce faire, il faut être deux. Depuis mi-2019, il avait été difficile de trouver en la personne du Premier ministre britannique un partenaire dont la responsabilité et la fiabilité répondaient à nos attentes. La relation entre nos deux pays s'était dégradée. Nous avons seulement pu coopérer sur les enjeux essentiels globaux que sont l'Ukraine, les questions de sécurité ou encore la COP26 de Glasgow, qui s'est bien déroulée. Cependant, certaines divergences n'ont pu être réglées. Ces dernières ne provenaient pas de la décision du Royaume-Uni de se retirer de l'Union européenne, mais de la querelle que le gouvernement britannique a par la suite entretenue sans raison avec l'Union. Comme je l'ai dit publiquement, notamment à Bali, j'espère que notre relation s'améliorera. Cela dépendra de notre nouveau partenaire britannique.
Il est vrai que nous devons retrouver notre souveraineté énergétique. La France cherche à convaincre ses partenaires européens de la nécessité de revoir leur dépendance envers les hydrocarbures et le gaz russes. Nous ne nous appuyons pas uniquement sur l'Amérique du Nord, mais cherchons également des solutions avec l'Algérie ou le Qatar. Nous avons considérablement augmenté nos approvisionnements en provenance de Norvège, qui est et restera notre premier fournisseur. Par ailleurs, nous devons agir sur la demande. Dans nos pratiques quotidiennes, nous devons chacun agir pour la sobriété énergétique.
Vous évoquez une partie de ce que vous avez lu à mon propos dans la presse, partie qui n'est pas la plus élogieuse à mon égard. Vous savez que, par principe, je refuse de commenter des opinions. Ceux qui me connaissent m'ont bien accueillie au Quai d'Orsay. Vous vous interrogiez sur la nomination d'un diplomate devenu ambassadeur. C'est la vocation de certains diplomates. Celui que vous mentionnez a été nommé ambassadeur dans le cadre d'un train de huit nominations en Conseil des ministres. Je précise qu'il me reste à effectuer une cinquantaine de nominations d'ambassadeurs, comme chaque année.
Monsieur Lecoq, nous suivons attentivement la situation au Sahara occidental, marquée par une résurgence de tensions. Nous répétons régulièrement notre plein soutien à la mission des Nations Unies menée sur place pour relancer le processus politique en vue d'une solution juste et durable. Par ailleurs, je ne crois pas qu'il soit offensant de considérer que le Sud géographique de l'Europe constitue sa frontière Sud, mais je me suis peut-être mal exprimée.
S'agissant du conflit israélo-palestinien, la reprise des tensions sur le terrain est particulièrement préoccupante. J'ai fait part de notre inquiétude face à la reprise de la colonisation israélienne à mon homologue israélien Yaïr Lapid, devenu depuis lors Premier ministre par intérim. Le Président de la République lui a tenu les mêmes propos lorsqu'il l'a rencontré. Il serait par ailleurs injuste d'oublier que M. Lapid est comme nous-mêmes convaincu que seule la solution à deux États peut garantir la paix dans la région.