Intervention de Mansour Kamardine

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 9h00
Expulsion des étrangers en cas de menace grave pour l'ordre public — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMansour Kamardine, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Déposée par notre collègue Olivier Marleix et plus de soixante cosignataires, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à élargir les catégories d'étrangers pouvant faire l'objet d'une expulsion pour menace grave à l'ordre public.

Commençons par quelques mots au sujet du lien statistique qui existe aujourd'hui entre la présence d'étrangers sur notre sol et l'insécurité : j'en sais le caractère éruptif, mais je suis convaincu qu'il nous appartient de prendre la juste mesure du phénomène pour légiférer efficacement sur ce thème. Ainsi, dans le cadre de mon rapport, j'ai tenu à présenter quelques chiffres. Pour rappel, si la population étrangère représente 7,7 % de la population totale vivant en France, 27 % des mis en cause en matière d'atteinte à la personne humaine et aux biens, et 56 % de ceux impliqués dans des vols ou violences dans les transports en commun en 2021 – chiffre qui atteint 70 % en Île-de-France – sont des étrangers. C'est également le cas de 16 % des personnes condamnées et de 25 % des personnes détenues sur l'ensemble du territoire – ces chiffres s'élèvent à 37 % pour l'Île-de-France et 52 % pour Mayotte.

La proposition de loi dont nous débattons ce matin vise donc à apporter une première réponse à cet état de fait : sans rien céder de la tradition d'accueil qui honore notre pays, elle tend à renforcer le dispositif d'expulsion pour menace grave à l'ordre public, en donnant davantage de marges de manœuvre à l'autorité administrative.

Les mesures d'expulsion sont en effet entourées d'un certain nombre d'obligations procédurales qui reconnaissent à l'étranger des garanties substantielles en matière de transmission d'informations et de respect du principe du contradictoire avec l'autorité administrative. Les articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), que la proposition de loi suggère de faire évoluer, prévoient un système de protection pour certains étrangers : le niveau de menace pouvant déclencher leur expulsion doit être supérieur à celui de la « menace grave à l'ordre public ». Ainsi, pour les catégories d'étrangers mentionnées à l'article L. 631-2, la décision d'expulsion doit constituer une « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique […] », et pour les catégories d'étrangers mentionnées à l'article L. 631-3, la décision d'expulsion ne peut être prise qu'en cas de « comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ».

La proposition de loi dont nous débutons l'examen tend à mettre fin à l'ensemble de ces protections, sauf dans deux cas : en application de l'article L. 631-2, et sous certaines conditions, si l'étranger est père ou mère d'un enfant français mineur, résidant en France ; en application de l'article L. 631-3, si l'état de santé de l'étranger qui réside habituellement en France le justifie, ou s'il réside habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans.

Les régimes de protection prévus par ces deux articles obèrent de façon excessive les marges de manœuvre de l'autorité administrative. Cette analyse m'a été confirmée par les préfets et les directions centrales du ministère de l'intérieur entendus lors des auditions – je tiens d'ailleurs à saluer leur disponibilité. Si j'ai conscience que ce seul dispositif ne permettra pas de régler la totalité des difficultés en la matière, j'ai acquis la conviction, au terme de mes travaux, que ce texte permettrait de faire un pas en avant significatif, en déverrouillant le dispositif de l'expulsion pour menace grave à l'ordre public.

Je sais les tensions et clivages qui nous traversent sur le thème de la proposition de loi et je forme le vœu que nous parvenions à avoir un débat raisonné et constructif.

Mes chers collègues, ce texte propose de revenir à la législation de 2003 – ni plus, ni moins. En 2003, j'avais voté en faveur du renforcement de la protection accordée à des étrangers délinquants, en entravant leur expulsion : avec le recul, je le regrette sincèrement, car les faits et l'évolution de la situation montrent que cela a amplifié l'insécurité dont est victime la population – tous les chiffres le montrent !

Pour ce qui me concerne, la question n'a rien d'idéologique : avec cette proposition de loi, je me borne, comme l'ensemble du groupe LR, à être pragmatique. Nous avons un problème de traitement des menaces graves à l'ordre public commises par des délinquants et des criminels – nous accordons à certains étrangers des protections qui entravent le respect d'un principe essentiel : le droit de vivre en sécurité et dans la sérénité ; nous entendons y remédier.

À mes collègues de la droite, je veux dire que notre texte ne concerne pas l'immigration, mais bien la sécurité de l'ensemble des populations qui vivent dans notre beau pays. La question en débat n'est pas de savoir s'il faut agir pour ou contre l'immigration – nous aurons d'autres occasions de légiférer sur ce sujet –, mais bien de savoir comment améliorer la sécurité au quotidien des habitants, qu'ils soient Français ou ressortissants étrangers vivant régulièrement en France. Chaque chose en son temps ! Je vous propose donc de nous concentrer sur un sujet en particulier : améliorer nos capacités à écarter les étrangers constituant une menace grave.

À mes collègues de la gauche, je veux dire que notre texte ne stigmatise pas les étrangers, non plus qu'il ne sous-estime leur rôle dans notre société et ne porte atteinte à leur dignité et à leur honneur : il concerne uniquement des délinquants et des criminels.

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