Intervention de Hadrien Clouet

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 9h00
Retraite de base des non-salariés agricoles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHadrien Clouet :

Profitons de ce moment pour faire œuvre de pédagogie politique et revenir sur les motifs – déjà évoqués auparavant – qui nous conduisent à calculer la retraite agricole sur les vingt-cinq meilleures années plutôt que sur l'ensemble de la carrière. La raison en est que l'activité agricole est par essence variable : il y a les bonnes et les mauvaises années, indépendamment du travail accompli. Avec le dérèglement climatique, cette déconnexion empire : sécheresses, inondations, vents violents, salinisation des sols, grêle sont autant d'événements qui frappent les rendements et amputent le revenu des agriculteurs, limitant ainsi leur capacité contributive et sabrant le niveau des pensions de retraite futures. Dès lors qu'il existe de mauvaises années, de plus en plus nombreuses et récurrentes, il convient de les écarter du calcul de la retraite pour éviter que les agriculteurs et agricultrices soient sacrifiés en raison du dérèglement climatique.

Si la pauvreté des agriculteurs et des agricultrices est une torture sociale pour eux, qui sont les premiers concernés, c'est également une forme d'abattement moral pour l'ensemble du pays. Ce n'est en effet pas à l'heure de la retraite qu'on se demande comment on va vivre, mais lorsque, au vu de l'expérience des anciens, on voit son propre avenir passer à côté de soi. Or que voient les jeunes qui hésitent à entrer dans l'agriculture ? Ils voient, comme dans un miroir très sombre, se dessiner, quelques années en avance, l'image d'agriculteurs retraités survivant avec quelques centaines d'euros par mois, parfois à la charge de leurs proches ou contraints de compter sur leurs enfants, quand ils ne perdent pas pied faute de revenus ! Comment, dans ces conditions, attirer à l'agriculture, pour assurer notre souveraineté alimentaire et organiser la grande bifurcation écologique du pays, les centaines de milliers de jeunes dont nous avons besoin ? C'est impossible ! Ce qui se joue concerne à la fois la protection sociale des sortants de l'agriculture et la garantie sociale des entrants.

Votre texte nous rappelle enfin, peut-être malgré vous, le caractère détestable du système de retraite par points qu'Emmanuel Macron a voulu imposer à la France entière en 2020. Les non-salariés agricoles, auxquels il s'applique, se retrouvent désormais sous le seuil de pauvreté après une carrière complète à s'exténuer pour garantir notre alimentation, donc notre survie.

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