« Les parents doivent être capables de consoler leurs enfants en disant : "Tout ira bien", "Ce n'est pas la fin du monde, nous faisons de notre mieux." Mais je crois que vous ne pouvez plus nous le dire. » Voilà un extrait du discours prononcé en 1992 par la jeune Severn Suzuki, alors âgée de 13 ans, à l'occasion de la Conférence de Rio, dont nous réévaluons aujourd'hui les objectifs et la mise en œuvre.
Tous les insectes pourraient avoir disparu de la surface de notre planète dans cent ans, ce qui équivaut à la fin de la pollinisation et de notre sécurité alimentaire. Il y a un an, le Président de la République déclarait, en clôture du congrès de l'IUCN : « Je suis pour ma part extraordinairement confiant. La situation est dramatique, mais notre volonté est immense. La capacité d'innover de l'espèce humaine est massive. » Tant de superlatifs, me direz-vous.
Actuellement, le rythme de disparition des espèces est cent à mille fois supérieur au taux naturel d'extinction. C'est ce que les scientifiques appellent la sixième extinction de masse des espèces. Ils ne sont pas particulièrement, et encore moins « extraordinairement », confiants.
Nous, les députés du groupe Écologiste, soutenons les objectifs généraux de la proposition de résolution qui nous est soumise, et voterons en sa faveur. Je remercie Jean-Marc Zulesi, le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire pour cette initiative transpartisane.
Cependant, les forces destructrices qui menacent l'ensemble de la biodiversité exigent que nous sortions de la logique de financiarisation du vivant, de son accaparement, de sa destruction. « Les services rendus gratuitement par la planète représenteraient 1,5 fois le PIB mondial, qui s'établissait à environ 80 000 milliards d'euros en 2020 » nous indiquent les auteurs de la proposition de résolution. Ces mots traduisent exactement le contraire de ce que nous devons faire. Arrêtons de poser des concepts capitalistes sur la nature ; reconnaissons et protégeons les droits de la nature ; reconnaissons les crimes commis contre les écosystèmes ; garantissons que la protection de la nature ne serve plus jamais de prétexte à l'expulsion des populations autochtones de leurs territoires et à la violation de leurs droits fondamentaux. Fixer un objectif de conservation de 30 % du vivant en fonction de la zone géographique trace artificiellement une frontière entre l'humain et la nature.
Nous le disons, nous sommes partie prenante du vivant : la multiplication des zoonoses du fait de la destruction des habitats sauvages, dont l'une d'entre elles a fait décaler quatre fois la COP15, en est une preuve éclatante. L'enjeu de notre siècle doit être non pas de trouver des moyens de capitaliser sur le vivant ou de le conserver sous cloche, mais bien de cohabiter avec la terre dans le respect des limites qu'elle fixe aux êtres humains.
Dans ce contexte, nous devons protéger ceux qui nous protègent en veillant sur le vivant. Car oui, ils sont en grand danger. Ces dix dernières années, plus de 1 733 défenseurs de la terre et de l'environnement ont été tués dans le monde, assassinés par des tueurs à gages envoyés par des groupes criminels organisés ou leurs propres gouvernements ; tués par balles, tabassés, torturés, menacés chez eux, devant leurs familles, ou alors qu'ils étaient endormis dans leur lit ; retrouvés abandonnés au bord d'une route, ou en morceaux dans une poubelle. Or l'impunité règne : 94 % des crimes ne sont pas signalés, moins de 1 % est résolu.
Nous le disons : là-bas comme ici, les défenseurs du vivant ne peuvent et ne pourront être accusés d'écoterrorisme ,