Je vous remercie pour vos réactions, commentaires, positions et questions. À l'écoute des prises de position des uns et des autres, je note que les propos les plus virulents ne sont pas tenus par ceux à qui nous attribuons parfois cette caricature et je m'en étonne.
Je souhaite pour commencer répondre aux accusations d'insincérité de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Je travaille depuis six ans sur les enjeux agricoles, comme pourra vous le confirmer votre collègue Nicolas Turquois avec qui j'ai travaillé sur ces sujets. En mars 2017, alors que vous n'étiez pas députée, j'ai voté pour la « loi Chassaigne » et contribué à son adoption. C'est après sa présentation au Sénat que la loi a été bloquée. En avril 2018, je défendais une proposition de loi sur les heures supplémentaires défiscalisées, que vous avez rejetée dans un premier temps pour l'adopter et la mettre en place quelques mois plus tard. Par conséquent, je ne pense pas que vous puissiez légitimement me taxer d'insincérité. Ce point est peut-être hors sujet mais il montre qu'il est possible d'accuser n'importe qui d'insincérité. Je ne suis pas sûr que cette pratique fasse progresser le débat.
Comme indiqué, la proposition de loi que nous vous soumettons permet d'ancrer un enjeu et de fixer un cap pour les retraites des agriculteurs, qui à ce jour ne sont pas calculées sur les vingt-cinq meilleures années mais sur l'ensemble de la carrière. Au travers de cette mesure, l'enjeu consiste à rétablir l'équité, à atténuer les variations des revenus, à renforcer l'attractivité de la profession et à améliorer la contribution. En effet, un revenu compris entre 8 500 euros et 15 600 euros donne droit au même nombre de points malgré une contribution différente. Ce problème véritable n'est pas directement visé par cette réforme mais fait partie des sujets connexes que nous souhaitons aborder à travers elle.
Lors des auditions, nous avons abordé les aspects techniques que vous soulevez et auxquels nous devrons nous attaquer, ce que nous pourrions faire notamment dans le cadre de la réforme des retraites à venir. À ce jour néanmoins, le projet de réforme des retraites n'évoque nullement le système des agriculteurs. Par conséquent, fixer un cap aujourd'hui ne pourra être que de bon augure pour la suite.
Parmi les autres points soulevés, il est faux de dire que la MSA n'est pas en mesure de reconstituer la carrière des agriculteurs. La MSA nous a en effet informés qu'elle possède un historique de huit ans pour les revenus utilisés pour le calcul du nombre de points. En revanche, elle possède l'historique des points sur l'intégralité de la carrière. Comme j'ai tenu à le préciser dans mon rapport et dans mon propos liminaire, il n'est pas envisageable, d'autant plus que cela semble impossible techniquement, de toucher à l'esprit dual du système de retraite des agriculteurs, qui comporte une partie forfaitaire et une partie proportionnelle. Cette structure me paraît pertinente.
L'argument de la non-constitutionnalité de notre proposition de loi est fallacieux puisqu'elle fixe un cap et une date d'entrée en vigueur et que les mesures techniques renvoient au domaine réglementaire. L'application de la règle des vingt-cinq meilleures années relève en effet de l'article R. 351-29 du code de la sécurité sociale. La partie concernant les différents paramètres relève également de l'échelon réglementaire et notamment de ses dispositions sur les régimes à points. L'argument de la non-constitutionnalité est donc totalement inapproprié.
Une entrée en vigueur en 2023 laisserait trop peu de temps à la MSA pour modifier ses systèmes d'information et reprendre les calculs de la retraite. Lors des auditions, la MSA n'a jamais affirmé son opposition à cette mesure, bien au contraire, comme pourraient en témoigner les députés présents. La MSA a clairement approuvé l'alignement du système de retraite des non-salariés agricoles sur la règle des vingt-cinq meilleures années. En revanche, un objectif d'entrée en vigueur en 2023, voire au 1er janvier 2024, lui paraît difficile à respecter. Elle estime plus réaliste de viser une mise en œuvre au 1er janvier 2025 pour les monopensionnés et au 1er janvier 2026 pour les polypensionnés.
Nous avons auditionné les syndicats la semaine dernière et les commissaires de la commission des affaires sociales étaient invités à ces auditions. La Coordination rurale et la FNSEA se sont présentées et ont toutes deux exprimé un avis favorable à la mise en application de cette mesure. La Confédération paysanne n'a pas donné suite à l'invitation.
Plusieurs d'entre vous craignent que la modification proposée favorise les agriculteurs aisés. Cette notion d'agriculteur aisé me paraît très imprécise. Le rapport Amghar, auquel vous faites référence, montrait que 64 % des agriculteurs tiraient avantage du passage au calcul sur les vingt-cinq meilleures années. Selon les données recueillies auprès de la MSA, 30 % des agriculteurs ont un revenu supérieur à 20 000 euros par an, soit 1 800 Smic horaires, soit 1 660 euros par mois et 24 % d'entre eux enregistrent un revenu compris entre 8 800 euros et 20 000 euros. Nous ne pouvons en conclure qu'ils sont tous aisés.
Par ailleurs, si cette réforme s'accompagne, comme je le propose, d'une modification du barème d'acquisition des points, comme le demandent la FNSEA et les agriculteurs qui dégagent un certain niveau de revenus et qui hésitent très justement à contribuer davantage, elle sera susceptible de les y inciter. L'objectif consiste à supprimer le palier qui s'étend des revenus compris entre 8 500 et 15 600 euros et qui amène aujourd'hui les exploitants à recourir à la défiscalisation et à l'optimisation fiscale plutôt qu'à contribuer au système redistributif de leur régime de retraite. La mise en œuvre de la règle des vingt-cinq meilleures années doit donc s'accompagner d'une refonte du calcul des retraites.