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Intervention de Fadila Khattabi

Réunion du mercredi 23 novembre 2022 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFadila Khattabi, présidente, rapporteure :

Les dérives graves de ces dernières années imposent de renforcer l'encadrement des centres de santé.

Il ne s'agit pas de lancer l'anathème sur l'ensemble de ces centres, car nombre d'entre eux offrent des soins de qualité. Leur installation, notamment dans les zones sous-dotées, avait à l'origine un objectif tout à fait louable, celui de favoriser l'accès aux soins. La suppression de l'agrément préalable, une procédure jugée lourde et formaliste, par la loi de 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (« HPST »), visait à développer encore l'accès aux soins et l'exercice coordonné, mais force est de constater que cet objectif n'a pas été pleinement atteint, voire a été dévoyé.

En effet, la « loi Bachelot » a entraîné l'ouverture d'une pléthore de centres, principalement dans des zones urbaines où l'accès aux soins n'était pas problématique. Le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur l'a confirmé lors de son audition : on trouve sur le littoral méditerranéen pas moins de 158 centres de santé. En région parisienne, leur nombre a augmenté de 127 % en cinq ans : on compte désormais 748 centres !

Par ailleurs, certains centres ont mis en place des pratiques déviantes, douteuses, qui ont causé des dommages parfois irréversibles aux patients. À cela s'ajoutent des surfacturations de soins injustifiés, parfois non effectués. Il s'agit ni plus ni moins d'une fraude à la sécurité sociale, que la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) estime à plusieurs millions d'euros.

L'affaire Dentexia, encore dans tous les esprits, a provoqué un premier électrochoc. L'ordonnance de 2018, prise à la suite de ce scandale sanitaire, comportait plusieurs mesures pour mieux encadrer l'activité des centres. Mais les dispositions se sont révélées inefficaces, compte tenu de l'ampleur des dérives et, il faut le reconnaître, de l'insuffisance des contrôles.

En septembre 2021, j'ai découvert avec stupeur un nouveau scandale, celui des centres Proxidentaire installés à Chevigny-Saint-Sauveur – dans ma circonscription – et à Belfort. Certes, l'ordonnance de 2018 a permis au directeur de l'ARS Bourgogne-Franche-Comté de prononcer la fermeture définitive des centres mais les victimes, que j'ai rencontrées, étaient, et demeurent, dans une détresse indescriptible, tant sur le plan physique, psychologique, que social – bouche mutilée, surtraitements, surendettement.

J'ai alerté immédiatement le ministre de la santé, Olivier Véran, que je remercie pour son écoute et sa réactivité. Sur son instruction, la Cnam s'est mobilisée pour assurer la continuité des soins et a créé un fonds d'indemnisation des victimes. Je remercie aussi Thibault Bazin et Thomas Mesnier, avec qui j'ai mené le combat pour trouver une réponse législative efficace. L'amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, visant à mettre fin au conventionnement d'office et à instaurer une sanction financière, a été adopté à l'unanimité.

Pour la sécurité des patients, pour les victimes qui suivent nos travaux et attendent beaucoup de nous, nous devons aller plus loin. L'article 1er de cette proposition de loi vise à rétablir l'agrément supprimé par la loi de 2009. Seul cet agrément peut garantir que le centre remplit toutes les conditions et son caractère obligatoire éliminera d'emblée les centres qui présentent des risques de dérive lucrative. Par ailleurs, sa délivrance redonnera du pouvoir aux ARS. L'article 2 visait initialement à mettre en place un médecin référent au sein du centre pour garantir la qualité et la sécurité des soins ; les auditions m'ont conduite à proposer un amendement pour remplacer le médecin par un comité, médical ou dentaire, qui sera chargé de veiller au bon fonctionnement. L'article 3 instaure l'obligation, pour le centre, de transmettre les contrats des salariés à l'ARS, laquelle devra à son tour les transmettre aux ordres professionnels, qui vérifieront les diplômes et la conformité des contrats. Enfin, l'article 4 interdit à tout gestionnaire ayant fait l'objet d'une sanction de rouvrir un autre centre tant que les manquements n'ont pas été sanctionnés, éventuellement au pénal.

Plusieurs de mes amendements proposent une réécriture des articles. J'ai craint que les mesures proposées soient difficilement applicables et restent lettre morte. En lien avec les ARS, les ordres, les centres de santé, la direction générale de l'offre de soins (DGOS), les collectifs de victimes, j'ai travaillé pour faire évoluer le texte ; je remarque que ces nouvelles propositions ne sont pas éloignées des vôtres et qu'elles pourront converger.

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