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Intervention de Louis Boyard

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Boyard, rapporteur :

Je ne nie pas qu'il existe des étudiants qui travaillent par goût du travail et de l'effort, ou par éducation. Mais c'est une micro-catégorie par rapport à la masse des étudiants précaires qui travaillent parce que leurs familles n'ont pas la capacité de les aider. C'est un point intéressant, mais pas majeur.

Je vous laisse le droit de penser que vous êtes des députés responsables. Laissez-moi celui de dire le contraire ! Il n'est pas responsable de revendiquer un bon bilan en matière de précarité étudiante quand on a augmenté le montant des bourses de 4 % alors que l'inflation atteint près de 6 % et quand on a revalorisé de 3,5 % les APL alors que les loyers ont augmenté de bien plus, tout cela pour des personnes qui étaient déjà en grande souffrance. Et c'est précisément parce que nous n'avons pas de chiffres sur la précarité étudiante que je critique le système des bourses : on ne peut pas considérer toutes les situations particulières ; comme l'exige la logique familialiste, tout dépend de l'angle d'approche. Mais si nous manquons de chiffres, il faut tout de même demander combien d'étudiants vivent avec plus de 1 102 euros par mois en France – et, pour les autres, à quoi ressemble leur vie. C'est dur, vivre avec moins de 1 102 euros par mois. C'est même impossible.

En proposant un complément donné aux familles, vous ne vous intéressez qu'au montant, en restant dans la logique familialiste. Mais de nombreuses familles n'ont pas les moyens d'aider leurs enfants. Quand un étudiant touche une bourse de 596 euros, soit l'échelon maximal, il faut sortir 400 euros par mois pour qu'il atteigne le seuil de pauvreté – et ce pour chaque enfant. Ce n'est pas possible pour de nombreuses familles. (Exclamations.) Je me demande combien de temps vous tiendriez en dessous du seuil de pauvreté... Et puisque le complément est donné aux familles, que se passe-t-il lorsque le jeune ne reçoit rien ? Il appelle le Crous qui lui demande de saisir le juge aux affaires familiales : ils sont nombreux à ne pas vouloir engager cette procédure. Je travaille avec des étudiants tous les jours ; j'ai rencontré cette situation des dizaines de fois.

Le but de cette proposition de loi n'est pas de donner 1 102 euros à tout le monde. C'est de sortir de la logique familialiste : vous pourrez prendre les chiffres dans tous les sens, vous n'aurez jamais une solution personnalisée. D'ailleurs, j'attends toujours que quelqu'un en défende le principe : on entend que le montant des bourses n'est pas suffisant ou qu'il ne faut pas donner trop d'argent, ou qu'il ne faut pas d'assistanat, mais personne ne se demande s'il faut rester dans une logique familialiste.

La réforme des bourses que vous annoncez arrivera dans un an et demi. Croyez-vous que les étudiants qui font la queue pour l'aide alimentaire peuvent attendre un an et demi ?

S'agissant de l'ascenseur social, j'ai un désaccord de fond avec M. Bazin. Lorsqu'un étudiant de Vendée veut étudier à Lille, un ensemble de coûts – le logement, l'ordinateur – l'en empêchent. Considérer que l'ascenseur social fonctionne par le travail et non par les allocations est exactement dans la logique actuelle, où une bourse est un complément pour les familles et pour les étudiants qui travaillent. Or, j'acte le fait que ce système ne fonctionne pas. L'allocation que je propose permet au contraire à tous les étudiants, à égalité, d'accéder à l'enseignement supérieur pour ensuite s'élever socialement.

Pour ce qui concerne la lutte des classes dont a parlé Mme Iborra, mettez-vous à la place de cet étudiant qui, lors d'un partiel, se retrouve à côté d'un autre qui n'a pas eu à travailler la moitié de son temps, parce qu'il venait d'une famille aisée. (« Vous l'avez déjà dit ! » chez les députés du groupe RE.) Oui, je vous l'ai déjà dit mais vous n'avez pas l'air d'avoir compris. Il en va d'ailleurs de même pour Parcoursup : il y a des étudiants qui peuvent accéder aux meilleures universités, souvent des étudiants de famille aisée. Là encore, il y a une question de lutte des classes.

Le Rassemblement National a évoqué la situation des étudiants qui tombent dans la prostitution ou dans la vente de drogues. L'allocation d'autonomie éviterait ces situations. Alors pourquoi la réserver aux Français ? Si vous voulez éviter ces situations pour les Français, pourquoi ne pas les empêcher pour les personnes de nationalité étrangère ?

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