Je réponds avec calme même si ce sujet attise nécessairement la passion. À quand remonte le dernier débat sur la précarité étudiante ? S'il s'en tenait tant que ça, nous aurions déjà trouvé des solutions. On nous oppose depuis des mois l'argument des revalorisations, sans jamais répondre à nos questions. On trouve tous les défauts à ma proposition de loi, sans jamais aborder la question de fond : la nécessité de sortir de la logique familialiste. Comment peut-on dire, dès lors qu'un étudiant a 18 ans... (Exclamations.) Collègues, vous ne pouvez pas à la fois me reprocher de prendre des grands airs et ne pas m'écouter quand j'expose vos contradictions !
Traiter le fond, c'est donc sortir de la logique familialiste, ce qui n'apparaît dans aucune de vos interventions. Peut-on accepter un système qui demande aux étudiants de dépendre de leurs parents alors que certaines familles peuvent aider leurs enfants tandis que d'autres ne le peuvent pas ? C'est une injustice totale, qui crée deux catégories d'étudiants, ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Le jour du partiel, les premiers se rendent compte qu'ils ont eu moitié moins de temps pour travailler que les autres, et pourquoi ? Parce que leurs parents sont moins riches ! C'est un débat de fond que personne ne veut aborder.
Quand on nous dit que travailler n'est pas négatif, je rappelle que c'est pourtant la première cause d'échec en licence. N'essayez pas de présenter une inégalité comme quelque chose de positif. Quand on fait ses études, on ne travaille pas pour le plaisir. On a envie d'étudier. C'est presque un travail à plein temps ! Alors quand il faut en plus aller travailler, sans parler de gérer la vie courante, c'est une situation de stress et d'angoisse qui crée l'échec.
Vous êtes nombreux à dire que vous l'avez vécu. Bravo, sincèrement ! Vous qui êtes ici êtes parvenus à aller jusqu'au bout. Mais quand entend-on la parole de ceux qui n'ont pas réussi à tenir ? C'est la voix de ceux qui ont échoué que j'essaie de porter.
La position du Rassemblement National est aussi incroyable que ses amendements. Vous décrivez l'allocation proposée comme un RSA pour les jeunes. Mais ce n'est pas du tout le cas. Quand on est étudiant, on fait ses études et cela occupe bien assez les journées. Vous dites aussi que l'État fait déjà beaucoup : je suis heureux de voir qu'une fois de plus, le Rassemblement National appuie la politique sociale du Président de la République. Il y a eu 4 % d'augmentation des bourses, 3,5 % des APL. C'est l'arnaque à tous les niveaux et cela vous convient très bien ! Ne nous faites pas le coup des étrangers qui vont se déclarer étudiants à distance : vous savez bien qu'il faut assister aux travaux dirigés. Les étrangers ne peuvent pas profiter d'une bourse à distance, cela n'existe pas.
Quant au complément de revenus pour les étudiants qui travaillent, c'est une réponse complètement à côté de la question de la précarité étudiante. Cela ne répond pas au problème de fond, l'existence de deux catégories d'étudiants, ceux qui doivent travailler et ceux qui ne travaillent pas. Par ailleurs, cette solution ne permet même pas à un étudiant qui travaille de vivre au-dessus du seuil de pauvreté.
Le groupe Les Républicains parle d'assistanat. Mais ceux qui toucheraient ce revenu ne sont pas sans rien faire : ils font des études. Du reste, si l'on demande à des gens de faire cinq ans d'études, heureusement que l'État y contribue ! Celui-ci considère d'ailleurs qu'il le doit puisqu'il a instauré un système de bourses. Sauf que ce système est défaillant parce qu'une majorité des étudiants ne touche pas de bourse et que les autres ne parviennent pas à en vivre.
Une allocation d'autonomie est la seule solution. Dès qu'on entre dans la logique familialiste, on doit faire des catégories : les étudiants qui vivent loin de chez leurs parents, ceux qui vivent chez leurs parents... Une statistique de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) montre que, sous l'angle monétaire, les étudiants les plus pauvres se trouvent en classe préparatoire aux grandes écoles ; pourtant, ce sont les plus aidés ! Les critères à prendre en compte dans la logique familialiste sont si nombreux que le système ne peut pas fonctionner. En voulant s'adapter aux réalités, on organise un chaos généralisé. Le groupe Les Républicains veut peut-être la réussite des étudiants, mais je n'ai pas entendu de propositions.
Le groupe Démocrate se félicite des repas à 1 euro mais 75 % des étudiants qui fréquentent l'aide alimentaire ne sont pas boursiers. Si le repas à 1 euro était aussi efficace, ils ne seraient pas si nombreux à s'y rendre ! Encore faudrait-il, du reste, qu'il y ait des restaurants universitaires le soir. Dans l'académie de Paris, il n'y en a que deux, sachant que de nombreux étudiants vivent en banlieue. Ne me dites pas qu'on peut nourrir tous les étudiants de l'académie de Paris dans les deux restaurants du Crous ouverts la nuit ! Vous vous étonnez de propositions qui fonctionneraient parfaitement alors que, factuellement, le dispositif actuel est grippé. Ne vous vantez pas d'un bilan contredit par la réalité !
Le groupe Horizons et apparentés cite le chiffre de 2,3 milliards d'euros, mais la question est surtout de savoir combien d'étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, soit 1 102 euros. En vérité, il n'y en a quasiment pas qui vivent au-dessus ! Même les étudiants issus de familles aisées vivent avec moins de cette somme ! (« Heureusement ! » et exclamations diverses.) Heureusement ? Vous savez ce que c'est que de vivre avec 800 euros ? Vous comparez l'allocation proposée avec le RSA alors que cela n'a rien à voir. Surtout, si vous vous indignez que le montant du RSA soit de 600 euros, augmentez-le ! En tout cas, ce n'est pas à moi qu'il faut demander des comptes.
Enfin vous déplorez que l'allocation ne prenne pas en compte le revenu des parents. C'est précisément ce que nous souhaitons. On dit que se lancer dans des études, à 18 ans, marque le début de l'autonomie. En fait, c'est précisément le moment où l'on commence à dépendre des parents. D'où l'inégalité entre l'étudiant qui a une famille aisée et celui dont la famille est pauvre. Il faut mettre fin à ce différentiel et c'est l'objet de notre allocation. Lorsqu'il faut prendre en compte le revenu des parents, les critères à intégrer sont si nombreux, comme le montre le rapport, qu'on ne trouve jamais une solution satisfaisante. Si nous avions d'autres options que l'allocation d'autonomie, croyez bien que nous vous les formulerions. Mais il n'est pas possible de mettre fin à la précarité étudiante dans une logique familialiste.