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Intervention de Alexis Corbière

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière, rapporteur :

Peu habitué à cette commission, je suis tenté de dire : « Affaires sociales, tu perds ton sang-froid. » J'ai adopté un style modéré, mais des collègues me sautent à la gorge en me reprochant d'être populiste. Je l'assume : je préfère être populiste que populophobe.

J'ai bien compris que l'argument sur la méthode de travail était destiné à me flétrir, cher Nicolas Turquois. Si nous disposions du ministère du travail et du ministère des finances, nous pourrions procéder à des évaluations plus précises.

Notre démarche part en effet du présupposé qu'il y a un problème dans notre pays : cinq personnes possèdent autant que les 40 % les plus pauvres, et l'écart s'est creusé davantage depuis dix-neuf mois que durant les dix années qui ont précédé.

Il y a cinq ans, vous avez supprimé l'ISF. Le Président de la République avait alors déclaré qu'il reviendrait sur cette mesure si l'effet de ruissellement ne se produisait pas. Des études ont prouvé qu'il n'avait pas eu lieu. Au fond, et c'est tout à votre honneur, vous étiez aussi parti d'un présupposé idéologique pour déterminer une politique. Permettez que je le fasse également, en m'appuyant sur l'idée qu'il est temps de poser la question salariale. Je ne suis pas favorable à une économie totalement administrée, mais l'augmentation du Smic par la puissance publique va permettre de discuter de l'ensemble des grilles salariales. Vous dites qu'il faut faire confiance au dialogue social, mais quel bilan peut-on en tirer après ces cinq années durant lesquelles vous avez été au pouvoir ? Je n'ai pas le sentiment que le patronat ait ouvert des discussions sur les salaires à votre invitation.

Comment faire pour donner une impulsion à ces discussions ? Pour notre part, nous pensons qu'il faut une intervention politique, en se dotant d'outils de solidarité et de péréquation. Pourquoi les petits salaires sont-ils particulièrement concentrés dans les TPE et les PME ? Les grands groupes leurs délèguent nombre d'activités précisément parce qu'ils ne veulent pas augmenter les salaires. On ne doit pas être indifférent à ce phénomène. D'où l'idée de solidarité.

Nous pourrions aussi discuter de l'opportunité du maintien des exonérations Fillon. Les exonérations de charges salariales n'ont-elles pas créé des trappes à Smic dans beaucoup d'entreprises ?

Marc Ferracci met en avant les primes salariales. Dont acte. L'honneur d'un salarié, c'est que son travail lui assure une vie digne. Avec une prime, vous reconnaissez que le Smic ne permet pas d'avoir une telle vie et qu'il faut que la puissance publique intervienne. Vous dites : « primes ». Nous répondons : « salaires ». Nous avons eu ce débat en juillet dernier ; c'est un désaccord politique.

Mme Valentin a estimé qu'une telle augmentation du Smic ne s'était jamais produite. Ce n'est pas vrai : en 1968, le Smic a été augmenté de 35 % et l'économie française ne s'est pas effondrée. C'est plutôt un moment heureux, qui demeure dans la conscience sociale.

Mme Lavalette, au nom du Rassemblement National, juge qu'il faut baisser les cotisations patronales. Mais à quoi servent-elles? Elles alimentent les organismes de sécurité sociale, dont les caisses de retraite. Avec ces exonérations de cotisations, vous vous en prenez à des acquis sociaux du monde du travail. Le salarié récupèrera peut-être 150 euros à la fin du mois, mais vous affaiblissez tous les organismes qui assurent sa protection sociale. C'est une entourloupe, qui vise à ne pas modifier la rémunération du capital et du travail alors que les inégalités n'ont jamais été aussi fortes. À moins que dans votre esprit ce soit encore une fois à la puissance publique d'intervenir. Vous seriez au fond partisans d'une économie étatisée, comme en Union soviétique. Dès qu'on discute des salaires, vous vous retrouvez avec nombre de collègues de Renaissance et des Républicains – de la même façon que vous nous reprochez de vouloir rétablir l'ISF.

M. Paul Christophe m'a interrogé au sujet de l'inflation. Personne ne sait comment les prix vont évoluer. Pourtant, cela n'a pas empêché le Gouvernement d'agir cet été. On vote souvent des mesures sans savoir parfaitement quels en seront les effets. Vous l'avez fait en supprimant l'ISF ou en mettant en place la prime d'activité. La mesure que nous proposons aura sans doute un effet inflationniste dans certains secteurs. Mais, d'une part, l'augmentation du pouvoir d'achat permettra à certains Français de mieux y faire face et, d'autre part, nous proposons un mécanisme de solidarité pour aider les TPE et PME.

Il est sain d'avoir cette discussion au sein de la commission des affaires sociales, à condition d'éviter les mots blessants lorsque nous avons des désaccords politiques.

Je remercie les collègues de La France insoumise, du Parti communiste français, d'Europe Écologie-Les Verts et du Parti socialiste qui soutiennent cette proposition de loi et qui ont déposé des amendements pour l'enrichir.

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