Monsieur Wulfranc, il convient de distinguer l'empreinte sociale, qui est la valeur ajoutée réalisée par des travailleurs en France, et les clauses sociales, introduites à la demande du Gouvernement dans les cahiers des clauses administratives générales et qui sont prérédigées afin de protéger les acheteurs publics : elles consistent, comme je l'ai indiqué, à retenir des critères d'insertion, ce qui permet d'avoir un impact sur le territoire, dans la mesure où il est difficile à des fournisseurs très éloignés des normes françaises d'y répondre. Elles sont en outre compatibles avec le droit européen, contrairement aux clauses relatives à la part de production française dans la fabrication.
J'abonde dans le sens de Mme Batho : il faut savoir naviguer dans le droit européen pour promouvoir ce type d'approche. De ce point de vue, les clauses environnementales sont intéressantes, car elles permettent de favoriser les productions européennes par rapport aux autres en retenant des critères d'empreinte environnementale. Cela, nous savons le faire. Nous savons aussi écarter des équipementiers ou des entreprises qui ne respecteraient pas, par exemple, les normes internationales du travail. Je rappelle que la direction des affaires juridiques (DAJ) a élaboré un guide afin d'accompagner les acteurs de la commande publique dans l'utilisation des CCAG. Quand j'étais ministre déléguée chargée de l'industrie, j'ai essayé d'utiliser tous les leviers du droit de la commande publique français et européen pour retenir les projets les mieux-disants sur le plan social et environnemental, tout en protégeant l'acheteur public pour qu'il ne soit pas soupçonné de privilégier une offre pour des raisons subjectives.
Les critères ont évolué depuis dix ans, madame Batho, en vue d'une meilleure prise en compte du contenu carbone. Ils ne sont pas encore parfaits, bien entendu, mais cette évolution est de nature à favoriser les projets européens et français. Ensuite, il y a le problème que vous avez soulevé : dès lors que la Chine a subventionné massivement la recherche et développement et l'innovation, ce qui a réduit le coût de production de ses panneaux photovoltaïques, elle n'a pas respecté les règles du commerce international et, du coup, nous serions fondés à adopter des clauses de protection – à l'époque, vous aviez d'ailleurs obtenu des avancées, mais elles n'ont été que temporaires. Il faudrait que nous poussions à l'adoption à l'échelon européen de critères environnementaux extrêmement stricts pour éviter l'entrée sur le marché européen de productions moins-disantes, donc moins chères – suivant l'exemple de la proposition de règlement sur les batteries.
Pour ce qui est de la filière photovoltaïque, nous avons soutenu plusieurs projets, qui n'ont malheureusement pas abouti, en raison d'une capacité industrielle ou d'un volume de production insuffisants : Bélénos, Armor, Lux, REC Solar, Photowatt, par exemple. Nous y avons pourtant passé des heures. Il ne suffit pas d'appuyer sur la tête d'un acheteur potentiel en lui disant d'acheter des panneaux photovoltaïques pour qu'il le fasse.
Je reconnais qu'en la matière, nous ne disposons pas d'une offre nationale qui réponde à nos attentes, en volume comme en qualité. La filière a pourtant bénéficié d'un fort soutien financier. Quand j'étais au Fonds stratégique d'investissement (FSI), en 2009, Photowatt était déjà aidé : c'est une vieille histoire. Le plan France 2030 prévoit une enveloppe de 2 milliards d'euros en faveur des filières d'énergies renouvelables. Mais si l'on veut vraiment aller de l'avant, il faut adopter une approche intégrée à l'échelle européenne. C'est ce que nous avons fait pour l'hydrogène bas carbone, à l'aide de projets importants d'intérêt européen commun (IPCEI) et d'un soutien apporté à la recherche et développement, à l'innovation et à l'industrialisation, qui est souvent le maillon faible du processus. C'est ce que nous faisons pour les batteries, ce qui, selon les experts, nous permettra de devenir autonomes en 2030. Et pour ce qui concerne l'industrie solaire photovoltaïque, Thierry Breton vient de lancer une grande alliance européenne. Cependant, nous sommes au tout début de cette volonté de reconstruction de la filière et la vérité commande de dire que ce n'est pas celle pour laquelle nous disposons le plus d'atouts. Tout est à reconstruire.
Pour en revenir à l'article, nous proposons d'agir sur la clause environnementale, qui nous paraît efficace, adaptable et sur laquelle nous pourrons adosser la politique européenne, notamment l'alliance européenne pour l'industrie solaire photovoltaïque, ainsi que sur la clause sociale ; néanmoins, tous les territoires n'étant pas encore forcément capables de répondre à une clause sociale exigeante – il n'existe pas partout des équipementiers capables de répondre à une offre en employant une certaine proportion de personnes éloignées de l'emploi ou en situation de handicap –, je ne vous propose pas de retenir cet outil à l'échelon national. Elle peut cependant être activée en tant que de besoin dans les appels d'offres.