Intervention de Charlotte Parmentier-Lecocq

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 21h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure de la commission des affaires sociales :

« Notre premier défi, et je sais que cela fait consensus parmi nous, c'est de répondre à l'urgence du pouvoir d'achat ». Ainsi s'est exprimée la Première ministre, Élisabeth Borne, la semaine dernière lors de sa déclaration de politique générale.

Rarement contexte économique aura été aussi bouleversé pour nos concitoyens dans les périodes récentes. Certes, la crise était imprévisible, mais cela ne doit en rien nous empêcher d'agir collectivement et résolument pour aider nos concitoyens à surmonter cette épreuve. C'est l'objet du texte qui nous est présenté, lequel, conjointement au PLFR 2022, que la commission des finances examine en parallèle, traduit l'engagement et la détermination du Gouvernement à protéger le niveau de vie des Français.

Si ces mesures sont examinées aussi vite, c'est qu'elles répondent à des attentes fortes des Français et que nous n'avons pas le droit d'exaspérer ces attentes. Il n'en demeure pas moins que les textes seront examinés dans des conditions qui, je l'espère, permettront à l'ensemble des groupes de s'exprimer et de contribuer à l'élaboration de solutions collectives.

En tant que rapporteure de la commission des affaires sociales, il me revient de vous présenter les articles que celle-ci examinera au fond, en particulier les articles 1er à 5.

Une fois n'est pas coutume, je commencerai par l'article 5, qui constitue l'un des éléments centraux de l'effort des finances publiques en faveur du soutien au pouvoir d'achat de nos concitoyens, en particulier les plus fragiles.

Cet article permet de revaloriser par anticipation les montants et éléments intervenant dans le calcul de près de cinquante prestations sociales, afin de prendre en compte la hausse historique de l'inflation.

Les difficultés auxquelles font face une partie de nos concitoyens pour se loger et se nourrir appelaient de notre part une réaction immédiate, qui se traduit par cette revalorisation anticipée dont les effets seront perçus dès cet été. Cet effort de 8 milliards d'euros pour nos finances publiques pour les années 2022 et 2023, aussi massif soit‑il, me paraît justifié par l'urgence sociale. À cet égard, nous suivons la même boussole que celle qui nous avait guidés au cours de la précédente législature lorsque nous avions augmenté de manière exceptionnelle certains minima sociaux, mais aussi quand il avait fallu protéger l'ensemble des salariés face au covid.

Néanmoins, j'appelle l'attention du Gouvernement sur le fait que la mesure n'est pas compensée pour les collectivités : celles‑ci devront la prendre à leur charge. Si l'on peut évidemment considérer que les collectivités locales, à l'instar de l'État et des entreprises, doivent prendre leur part, l'impact pour certaines d'entre elles sera majeur. Je me fais ici l'écho de la situation des départements les plus peuplés, particulièrement le Nord. Ce département compte ainsi 90 000 bénéficiaires du RSA. La mesure représente une charge supplémentaire de 40 millions d'euros pour la collectivité, comme me l'a indiqué son président. Il en est de même pour certaines petites communes rurales disposant de très faibles marges de manœuvre. Quelle est la position du Gouvernement sur ces situations particulières ?

Par ailleurs, dans sa déclaration de politique générale, la Première ministre a annoncé la volonté du Gouvernement d'aller au bout de la déconjugalisation de l'AAH. Dans le prolongement de cette déclaration, nous sommes plusieurs députés de différents groupes à avoir déposé des amendements en ce sens.

Je tiens également à saluer le travail de l'ensemble des députés qui ont permis de faire avancer le débat sur la question depuis plusieurs années. Je pense en particulier à Stéphane Peu et Pierre Dharréville, du groupe Gauche démocrate et républicaine, à Aurélien Pradié et Stéphane Viry, du groupe Les Républicains, à Yannick Favennec-Bécot, du groupe Horizons et, bien entendu, à Marie-George Buffet et Jeanine Dubié, qui ne siègent plus parmi nous mais dont le rôle fut absolument essentiel. Leur engagement a permis de faire avancer la réflexion sur ce sujet particulièrement compliqué.

Nous avons eu de nombreux débats à ce propos lors de la précédente législature, des débats parfois âpres, mais qui procédaient tous de la même préoccupation, à savoir la justice sociale et le souci de l'autonomie pour les personnes en situation de handicap. C'est le sens de nombreux dispositifs adoptés au cours de la précédente législature qui ont permis d'augmenter le montant de l'allocation et le nombre de bénéficiaires.

La déconjugalisation de l'AAH répond à des enjeux majeurs d'autonomie pour les allocataires concernés. Toutefois, elle pourrait avoir des effets de bord délétères pour un certain nombre d'allocataires : la disposition serait positive pour de nombreux ménages, mais une déconjugalisation « sèche » ferait plusieurs dizaines de milliers de perdants. Le Gouvernement a‑t‑il l'intention de mettre en place un dispositif transitoire permettant aux bénéficiaires de ne pas perdre leurs droits au moment de l'entrée en vigueur de la déconjugalisation ?

Répondre à l'urgence n'empêche pas de s'inscrire dans le temps long et de satisfaire l'impératif selon lequel le travail doit être reconnu à sa juste valeur, que ce soit pour les salariés ou pour les indépendants. C'est l'objet des deux premiers articles.

L'article 1er pérennise un dispositif dont ont déjà bénéficié plus de 15 millions de nos concitoyens, pour un montant total de plus de 8 milliards d'euros. Il s'agit de la prime de pouvoir d'achat, désormais appelée « prime de partage de la valeur ». Ce changement de dénomination témoigne bien du fait que cette prime, versée dans des conditions aussi simples que possible, doit permettre aux salariés de profiter de la réussite de l'entreprise.

L'article 2 permet quant à lui de répondre à une forme d'inégalité entre les travailleurs indépendants et les salariés. Alors que ces derniers bénéficient, au voisinage du SMIC, des allégements généraux, qui contribuent très largement à faciliter l'embauche, les quelque 3,8 millions de travailleurs indépendants souffrent, pour un même niveau de rémunération, d'un niveau de contribution plus élevé. C'est pour cette raison que, ainsi que l'avait promis le Président de la République, l'article 2 exonère les travailleurs indépendants de 550 euros de cotisations annuelles à hauteur du SMIC. Ce gain de pouvoir d'achat, qui répond à une demande de longue date des organisations représentatives des travailleurs indépendants, ne se traduira par aucune perte de droits contributifs. Elle concerne toutes les catégories d'indépendants, qu'il s'agisse des micro-entrepreneurs, des artisans, des commerçants ou encore des professions libérales.

Les articles 3 et 4 contiennent eux aussi des mesures destinées à protéger le niveau de vie des Français.

L'article 3 traduit la volonté du Gouvernement de prolonger l'effort consenti depuis 2017 en faveur de la diffusion de l'intéressement, en particulier dans les entreprises de moins de cinquante salariés, où il est peu répandu, par la simplification et l'assouplissement des règles.

L'article 4 a pour objectif d'inciter les branches à négocier plus régulièrement sur le minimum conventionnel, afin de tenir compte des augmentations successives du SMIC. Il ouvre ainsi au Gouvernement la faculté d'engager la restructuration d'une branche professionnelle au regard d'un faisceau d'indices caractérisant son manque de vitalité conventionnelle. Parmi ces indices figurera explicitement la faiblesse du nombre d'accords garantissant un salaire minimum au moins équivalent au SMIC.

Si la fusion administrative de branches demeure réservée aux cas dans lesquels il existe une difficulté structurelle à négocier un accord sur ce thème, les dispositions prévues garantissent qu'une attention particulière sera portée à la juste rémunération des salariés les moins qualifiés.

De manière plus large, nous pouvons déplorer la faible dynamique de revalorisation des parcours de carrière et des rémunérations dans certaines branches, et ce alors même que tous les secteurs rencontrent des difficultés de recrutement. Nous avons engagé d'importantes réformes au cours du précédent quinquennat pour favoriser la création d'emplois et renforcer les leviers de la formation et de l'insertion professionnelle. Il est donc indispensable, pour atteindre l'objectif de plein emploi, que les branches obtiennent des résultats tangibles en matière de progression des rémunérations. À cet égard, j'en appelle aux partenaires sociaux. Nous l'avons dit : l'État doit prendre sa part, mais les entreprises également. Aussi, je souhaite interroger M. le ministre du travail sur la dynamique actuelle des négociations collectives et son sentiment sur les débouchés réels de ces dispositions.

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