La lutte contre les multiples crises écologiques est incontestablement le défi de notre siècle. Parmi elles, le dérèglement alarmant du climat pourrait se révéler deux fois plus intense que prévu en France, selon le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il n'est plus seulement question de léguer une planète habitable aux futures générations, il s'agit d'assumer le maintien de conditions vivables à court terme pour de nombreuses régions du globe, y compris la nôtre. La guerre en Ukraine, quant à elle, nous rappelle brutalement la subordination de notre société aux énergies fossiles importées. Au dérèglement climatique s'ajoute une crise énergétique sans précédent depuis les années 1970. Aujourd'hui encore, 65 % de notre consommation énergétique sont liés aux fossiles, ce qui constitue une extraordinaire dépendance.
Ce projet de loi vise deux objectifs, que nous partageons tous : récupérer une part de notre souveraineté et lutter contre le dérèglement climatique. Face à l'urgence, plusieurs solutions s'offrent à nous. La première est la sobriété, qui n'est pas l'objet de ce projet de loi mais qui est nécessaire à la conduite de notre action. Une autre solution est le déploiement massif de la production d'énergies décarbonées. À ceux qui seraient tentés de tout ramener au nucléaire, je veux dire trois choses. D'abord, soyons patients, car nous aurons ce débat très prochainement au sein de notre assemblée. Ensuite, tout en étant un grand défenseur de l'atome, j'estime que la bonne réponse réside dans la recherche de l'équilibre, ce qui implique une analyse scientifique et rationnelle de la situation. Enfin, on sait qu'il faudra énormément de temps pour construire ces réacteurs. Or il nous faut augmenter dès aujourd'hui nos capacités de production ; c'est pourquoi le texte vise à produire massivement et immédiatement de nouvelles énergies décarbonées.
Chacun des six scénarios présentés par RTE dans son rapport Futurs énergétiques 2050 comporte une part significative d'énergies renouvelables. Nous n'avons pas le choix : dans toutes les configurations, la marche demeure très haute. Moins de trente ans nous séparent du bilan de cette révolution énergétique et nous peinons déjà à atteindre nos objectifs. En effet, les énergies renouvelables ont représenté 19,3 % de notre consommation finale brute énergétique alors que nous nous étions engagés à atteindre le seuil de 23 %. Actuellement, il faut compter cinq ans de procédure pour construire un parc solaire, et ce délai monte à sept ans pour un parc éolien terrestre et à plus d'une décennie pour un parc éolien en mer. C'est deux fois plus long que chez la plupart de nos voisins européens.
Ce texte doit nous permettre de rattraper notre retard sur les objectifs de déploiement, en suivant quatre axes : planifier le déploiement des énergies renouvelables, à partir des communes, ainsi que la planification de nos façades maritimes ; accélérer et rationaliser les procédures administratives là où les adaptations sont pertinentes, tout en préservant la biodiversité et la participation du public ; libérer le foncier en ciblant en priorité les zones déjà artificialisées – notamment les parkings, les friches ou les bordures d'autoroutes – et en encadrant les nouvelles activités ; développer le partage territorial de la valeur avec les collectivités locales, les entreprises et les citoyens.
Au-delà de l'enjeu de l'accélération et de la rationalisation, le projet de loi doit respecter deux grands principes. Le premier est la protection de la biodiversité. Le changement climatique est l'une des premières causes de l'érosion de la biodiversité, laquelle nourrit à son tour l'emballement climatique. Il faut donc avoir une approche très cohérente des projets qui sortiront de terre. Le second principe prend la double forme de la concertation et de la coconstruction. L'effectivité des mesures que nous adopterons dépendra de leur application et de leur appropriation à l'échelle territoriale. Élu local depuis bientôt dix ans, je sais à quel point il est important de faire confiance à nos élus, qui connaissent mieux que quiconque leur commune et partagent notre ambition de mener à bien cette transition. Sur ce point, comme sur d'autres, le Sénat a enrichi le texte.
La planification sera principalement abordée à l'occasion de l'examen de l'article 3 au sein de la commission des affaires économiques, mais la commission du développement durable en débattra bien sûr ce soir.
Les avis que j'émettrai en commission comme en séance publique seront autant que possible guidés par les enjeux de la rationalisation et, lorsque les propositions seront pertinentes, de l'amélioration du texte, dans un esprit de concertation et de dialogue.