Intervention de Xavier Jaravel

Réunion du mercredi 9 novembre 2022 à 14h05
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Xavier Jaravel :

Il existe en Europe des marchés de capacité rémunérant certaines capacités de stockage et certains moyens de production de pointe même lorsqu'ils ne sont pas utilisés. Ouverts il y a quelques années, ils mériteraient d'être développés. La rémunération de la capacité, même en l'absence de production de pointe, a donc bien fait l'objet d'une réflexion.

Il faut analyser le marché européen de l'électricité à deux niveaux.

S'agissant des prix de gros, les interconnexions jouent leur rôle, dans une logique de marché. Il s'agit, à équipements électriques donnés, d'optimiser la production sur le marché de gros. En appelant la centrale la moins coûteuse, le marché européen permet d'optimiser le parc existant.

S'agissant des investissements en revanche, chacun s'accorde à dire qu'ils ne sont pas guidés par les prix de marché. Toutes les capacités électriques installées en Europe au cours des quinze dernières années ont bénéficié d'une forme de soutien public. Le marché hybride est donc déjà une réalité, dans un cadre plus développé s'agissant des énergies renouvelables. La question de la définition de la taxonomie européenne devient dès lors essentielle : il s'agit de déterminer quelles énergies sont considérées comme décarbonées.

Pour orienter les investissements à l'échelle européenne, il faudrait disposer de l'équivalent européen du rapport de RTE. La Commission européenne n'a rien d'aussi précis. Il faudra aussi résoudre le problème de la rémunération de la capacité de stockage dans les batteries, quand celles-ci le permettront à un moindre coût qu'actuellement.

S'agissant des diagnostics de vulnérabilité, j'ignore s'ils étaient plus détaillés par le passé. D'après les travaux que j'ai menés, ils doivent être bâtis en deux temps.

Il faut d'abord disposer des meilleures données possibles pour savoir à quels chocs nous sommes exposés, ce qui suppose de tenir compte des vulnérabilités de nos partenaires européens, surtout ceux qui sont d'importants partenaires commerciaux.

Cet exercice est difficile faute d'accès satisfaisant aux données, hormis celles relatives aux entreprises françaises et à leurs partenaires directs. Par exemple, nous ne savons rien des vulnérabilités d'une entreprise polonaise travaillant avec une entreprise allemande qui elle-même travaille avec nous. Nous ne pouvons donc pas cartographier toute la chaîne de valeur, alors même que les données pour ce faire existent. Les règles statistiques d'Eurostat ne permettent pas de faire ces appariements. Or le partage des données est nécessaire pour affiner le diagnostic.

Ensuite, il faut déterminer quels chocs anticiper pour savoir quelles capacités construire. Certains chocs sont de toute façon trop gros pour être absorbés, comme lorsque la demande de masques a crû de 3 000 % pendant la crise de la covid-19. Mais certaines situations peuvent être anticipées, en particulier des chocs géopolitiques. Il faut y travailler dans le cadre d'un groupe transdisciplinaire rassemblant le Centre d'analyse, de prévision et de stratégie du Quai d'Orsay, qui a de ces enjeux une vision fine, des économistes de l'énergie, des économistes des chaînes de valeur et des spécialistes de la géopolitique.

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