Ce texte fait écho à des préoccupations légitimes sur l'indépendance et le pluralisme des médias, de la presse et de l'édition. Nous défendons résolument ces principes et partageons l'ambition de faire évoluer la loi pour garantir le pluralisme, la fiabilité de l'information et la liberté éditoriale.
L'actualité prouve, s'il en était besoin, qu'il est essentiel de réfléchir aux risques que fait peser une trop forte concentration. L'altercation violente entre notre collègue Louis Boyard et le présentateur Cyril Hanouna, qui fait désormais l'objet de procédures judiciaires, dépasse le seul sujet de la concentration mais elle est symptomatique de ses conséquences néfastes : un présentateur tout-puissant, qui ne craint pas les réactions de l'Arcom et impose le tabou sur les sujets touchant aux intérêts de son actionnaire. Quels que soient les justifications et le contexte, nous ne saurions tolérer qu'un élu de la République, représentant de la nation, fasse l'objet d'insultes.
Au-delà des enjeux économiques, la concentration des médias pose question au niveau politique. La vie politique et ses grands moments donnent lieu à des batailles informationnelles. La dernière élection présidentielle en est l'exemple frappant puisqu'une chaîne d'information en continu a pu servir de rampe de lancement à un candidat, ancien éditorialiste.
Si cette proposition de loi a le mérite de nous alerter sur les risques liés à la concentration, elle ne tient pas compte des travaux déjà réalisés. Elle ne reprend pas les conclusions, similaires, du rapport de l'IGF et de l'Igac et de celui de la commission d'enquête du Sénat, dont David Assouline était rapporteur, publiés en mars 2022. Elle ignore les travaux en cours ou à venir, comme ceux des états généraux du droit à l'information, qui donneront lieu à un débat de fond sur la concentration, ou de notre commission. En effet, la mission d'information sur l'audiovisuel public traitera une partie du sujet et une mission flash sur la concentration des médias est en cours de création. Présenter cette proposition de loi aujourd'hui, c'est faire fi de la réflexion collective et du travail en cours.
Enfin, ce texte ne tient pas compte du projet de législation européenne sur la liberté des médias, adoptée par la Commission européenne en septembre. On ne peut, sur un sujet aussi sensible et complexe, se passer d'une concertation avec les différents acteurs et d'une étude d'impact.
Sur le fond, les articles 1er, 2 et 3 ne garantissent pas l'absence de concentration ; ils ont pour seul effet d'attenter au droit de propriété et de dissuader d'investir dans ce secteur, à un moment où les besoins en capitaux sont forts, où les fonds étrangers investissent et où les Gafam renforcent chaque jour leur position dominante.
L'article 4 prévoit qu'un décret définira le champ des entreprises concernées par la mesure, par ailleurs imprécise. Il est inopérant et donne au réglementaire un pouvoir trop grand. Cette proposition de loi ajoute de nouvelles règles à des règles réputées inadaptées et illisibles. Il faut une démarche globale et, comme vous l'avez proposé, madame la rapporteure, une loi-cadre.
En effet, une opération de concentration n'affaiblit pas toujours le pluralisme. Au-delà de l'actionnariat, il faut s'attacher au pluralisme des lignes éditoriales, au pluralisme des types d'information, à la diversité des chaînes, aux garanties d'indépendance des rédactions. Nous devons construire des garde-fous pour éviter l'ingérence éditoriale et l'atteinte au pluralisme de l'information. Le Parlement doit achever le travail engagé et mener une concertation approfondie pour proposer un cadre législatif global. Le dispositif anticoncentration est un des outils, pas le seul. Les députés du groupe Horizons et apparentés ne voteront pas cette proposition de loi.