La question est importante mais bien mal menée. Sur la forme, la moitié de la PPL se réduit à un réquisitoire contre Vincent Bolloré – son nom revient, de façon obsessionnelle, neuf fois sur trois pages. L'Assemblée nationale n'est pas un tribunal, la loi n'est pas le lieu où des députés et un groupe de médias peuvent régler leurs comptes ! C'est d'autant plus malsain que les députés du groupe LFI n'ont pas été les derniers à émarger sur les plateaux du groupe Bolloré. Pourquoi ne pas avoir refusé l'argent d'un groupe que vous décriez aujourd'hui ?
Sur le fond, le texte a pour ambition de lutter contre la concentration dans les médias, prétendument à l'origine des atteintes au pluralisme de la presse. On a pourtant rarement vu La France insoumise s'émouvoir du manque de pluralisme dans les médias publics ! Œillères et indignation sélective…
Passé les règlements de compte, que reste-t-il ? Les articles 1er, 2 et 3 visent à conférer au CSE un pouvoir d'agrément en cas de changement de contrôle du capital. Nous doutons sérieusement que cette réponse soit appropriée pour lutter contre le rôle politique potentiel des propriétaires de médias : en quoi des salariés seraient-ils plus neutres que des actionnaires ? Voteront-ils contre la concentration ou, plutôt, en fonction de leur opinion politique ? Cette mesure, aux contours flous, dessaisit l'État de sa responsabilité.
Oui, il faut une régulation pour garantir l'indépendance de la presse – inscrite dans la Constitution : c'est bien le rôle de l'Autorité de la concurrence, conseillée par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) pour les télécoms et l'Arcom pour l'audiovisuel. Et cela fonctionne : pour preuve, l'échec de la fusion entre TF1 et M6, qui aurait pu aboutir à une position hégémonique, préjudiciable aux concurrents et aux annonceurs.
L'article 4 vise à plafonner à 20 % les prises de capital dans les sociétés à vocation audiovisuelle et culturelle. En vous attaquant aux entreprises de plus de 11 salariés, vous restez très loin des mastodontes comme le groupe Bolloré ! Cette lecture arithmétique de la problématique des médias et de l'information nous semble bien pauvre et la PPL ne repose sur aucune stratégie sérieuse. Casser, démanteler, ça peut faire plaisir mais ça ne fait pas un programme !
Le rapport de la commission d'enquête du Sénat, paru en mars 2022, cité dans l'exposé des motifs, conclut qu'il faut trouver un équilibre entre la nécessité d'assurer la diversité, le pluralisme et l'indépendance des médias et la nécessité d'investir pour permettre le développement d'entreprises capables d'affronter la concurrence des grandes plateformes étrangères.
Oui, l'information est d'intérêt général ; au XXIe siècle, aucun pays ne peut peser sans un réseau de médias qui lui permette de défendre ses intérêts, de porter sa vision du monde et d'affirmer son rayonnement. C'est une question d'infrastructures, d'aménagement du territoire, de compétences mais aussi d'investissements, que l'État ne saurait réaliser seul. En fragilisant les entreprises nationales, vous ne ferez rien d'autre que dérouler le tapis aux Gafam et aux plateformes étrangères. Le groupe Les Républicains votera contre ce texte.