Ce n'est pas un problème d'éthique. Ce n'est pas nous qui l'extrayons et, en l'occurrence, nous ne le produisons pas. Là n'est pas la question. Pourquoi, madame, les entreprises devraient faire ce qui relève de votre responsabilité ? Pourquoi nous demandez-vous cela alors que, de l'autre côté, on nous demande d'alimenter l'Europe en énergie en nous disant que nous devons contribuer directement à la sécurité de l'approvisionnement ? Moi, je ne peux pas inventer le gaz naturel liquéfié. Il se trouve que l'Amérique produit un quart ou 20 % du gaz naturel liquéfié mondial et qu'il y a des capacités disponibles. En même temps, nous venons de signer de nouveaux contrats au Qatar. Vous allez me dire que c'est au Qatar, mais ce n'est pas du gaz de schiste. Nous cherchons à diversifier notre portefeuille mais, aujourd'hui, si nous voulons alimenter l'Europe en gaz naturel liquéfié, il a 25 % de chance de venir des États-Unis. C'est la vérité, la réalité du marché.
L'alternative est de ne pas procéder à des approvisionnements, mais ce n'est pas moi qui expliquerai à nos concitoyens français qu'on ne leur fournit pas du gaz que nous pouvons parfaitement avoir.
Pourquoi importer du diesel ? Il est connu que l'on n'importe pas d'essence en Europe et, monsieur Lecoq, vous le savez puisque vous connaissez très bien le raffinage. Nous importons du diesel parce que notre outil de raffinage date et que l'Europe, la France notamment, a choisi de privilégier le diesel au tournant des années 1990-2000. Nous nous sommes donc retrouvés avec un déficit de diesel et nous importons d'ailleurs du diesel russe, ce qui n'est pas si simple.
Ce n'est pas l'arrêt des raffineries qui nous pose un problème. La raffinerie de Normandie n'est pas arrêtée et nous produisons ce que nous pouvons. Le raffinage est l'un des sujets les plus complexes de la transition. Quand l'Europe décide qu'à partir de 2035, les véhicules thermiques ne seront plus vendus, il faut bien que nous anticipions l'adaptation de notre portefeuille industriel. Or une raffinerie emploie beaucoup de monde, non seulement sur le site même, mais aussi dans les écosystèmes autour. Nous cherchons à assurer la transition en les transformant, peu à peu, en bioraffinerie puisque nous aurons besoin de carburants aériens durables, comme nous l'avons fait à la Mède et à Grandpuits. Dans le même temps, nous devons conserver certaines raffineries, les plus importantes, comme celles de Normandie et de Donges, celles situées sur la façade maritime, qui sont les mieux positionnées pour assurer la sécurité d'approvisionnement du pays, tout au moins en partie. Ce n'est pas le sujet le plus simple en termes de transition, compte tenu des évolutions et des décisions prises par les pouvoirs publics.
Madame Ménard, s'agissant de la décarbonation, TotalEnergies a un programme d'investissement de 1 milliard sur deux ans au niveau mondial pour accélérer la décarbonation, dont 200 millions en France. Il se trouve que nous menons des projets conjointement avec d'autres entreprises, comme Air Liquide ou Engie, notamment ceux concernant l'hydrogène ; l'État nous accompagnera. Mais, pour le reste, je considère que la décarbonation de TotalEnergies doit être financée par TotalEnergies.
Nous ne serons donc pas le principal bénéficiaire des 10 milliards de l'État. Il me paraît assez normal, compte tenu des conditions financières et de nos bénéfices, de ne pas faire appel à l'argent public. Cela ne signifie pas que nous ne mettrons pas en œuvre nos programmes par ailleurs ; nous tiendrons nos engagements et nos objectifs. Sachez que nous consacrons à ces économies d'énergie quelque 100 dollars par tonne carbonne pour développer des projets d'efficacité énergétique. C'est un niveau qui permet d'en faire beaucoup, partout dans le monde.