Voilà donc le projet en Ouganda, dont je viens de donner des chiffres et qui est un projet important.
Il n'existe pas de gisement géant en Afrique du Sud. C'est une invention. Il y a un peu de gaz, dont on ne sait pas d'ailleurs comment le commercialiser sur le marché. Je me suis rendu en Afrique du Sud la semaine dernière ; avec les autorités nous nous interrogeons parce qu'il n'existe pas de réseau gazier sur place. Il est donc compliqué une fois que l'on a trouvé du gaz de le commercialiser.
Une de vos questions portait sur la trajectoire climatique de TotalEnergies. Je m'en remets à des personnes qui évaluent nos propres trajectoires. Ce n'est pas nous qui avons fixé le seuil de 3 ou 3,5 degrés mais, lors de l'accord de Paris, lorsque l'on faisait la somme des contributions nationales de chaque pays, l'AIE a chiffré ce que donnait la somme des contributions nationales et a indiqué que la trajectoire s'établissait à 3 - 3,5 degrés. C'est la somme des contributions nationales de l'époque. Depuis, d'autres pays se sont engagés sur le Net zero, ou zéro émission nette, et la trajectoire s'établit plutôt à 2 ou 2,3 degrés.
Le Carbon Disclosure Project (CDP), l'organisme qui évalue nos programmes, indiquait dans un rapport récent que nous étions sur une trajectoire de 2,1 à 2,2 degrés. La Transition Pathway Initiative, qui a évalué les programmes de cinquante entreprises pétrolières, nous a classés parmi les trois entreprises dont la trajectoire était compatible avec l'atteinte du Net zero. Ce sont des faits, ce n'est pas nous qui l'affirmons, mais des auditeurs extérieurs qui évaluent l'ensemble des trajectoires des entreprises pétrolières. Vous me direz encore que ce n'est pas suffisant, mais Reuters s'en faisait encore l'écho il y a deux jours : dans le monde pétrolier à l'heure actuelle, nous sommes de loin le groupe qui investit le plus dans les énergies décarbonées. Cela pose d'ailleurs débat avec un certain nombre de mes actionnaires.
On peut toujours faire plus mais je considère que l'entreprise s'est placée sur une trajectoire audacieuse qui nous permettra de devenir un acteur majeur de ces énergies.
Monsieur Seitlinger, Madame Sebaihi, non, la Russie n'est pas importante pour TotalEnergies. Si nous restons en Russie, c'est parce que nous avons signé un contrat de gaz naturel liquéfié. Nous ne nous désengageons pas pour le bien-être des populations européennes, pour assurer la sécurité d'approvisionnement de l'Europe. Cette année, la Russie représente 2 % du cash-flow de TotalEnergies. Pensez-vous vraiment que le PDG de TotalEnergies a envie de se maintenir dans cette situation pour 2 % de son cash-flow ?... Si nous interrompons aujourd'hui ce contrat, que je ne sais d'ailleurs pas arrêter unilatéralement, la situation de l'Europe qui a importé, cette année, 70 % du gaz naturel liquéfié russe, n'ira pas en s'améliorant. Nous ne savons pas par quoi le substituer.
TotalEnergies peut partir de Russie dès demain matin. Depuis le début de l'année, nous nous sommes désengagés progressivement de tous les contrats, tous les projets et tous les champs qui avaient uniquement une vocation domestique. Nous avons été partenaire d'un certain nombre de champs de gaz à usage domestique, nous en sommes sortis. Il ne nous reste qu'une participation dans l'usine de Yamal LNG et ce fameux contrat de gaz naturel liquéfié, qui est un contrat européen et un engagement. Pour nous désengager, deux solutions s'offrent à nous : soit les autorités russes nous exproprient – ce qui n'est pas totalement impossible, ils viennent de le faire pour d'autres groupes occidentaux – ; soit l'Union européenne décide de sanctionner les importations de gaz russe. Or elle ne l'a pas décidé, ni les leaders européens avec lesquels nous sommes en relation. Nous continuons donc à acheminer ce gaz naturel liquéfié.
Il ne faut pas se tromper, ce n'est pas un problème pour TotalEnergies. Nous avons d'ailleurs présenté, fin septembre, à l'ensemble de nos actionnaires le futur de TotalEnergies et toute la stratégie sans la Russie. Nous avons investi 15 milliards et non 20 milliards. La Russie n'était pas un pays majeur ; elle représentait 10 % de nos capitaux. C'est beaucoup mais il se trouve que pour gérer le risque géopolitique, qui existe, nous avons une règle interne : nous ne souhaitons pas qu'un pays pèse plus de 10 % de notre portefeuille. Nous avons déjà inscrit dans nos comptes, au fur et à mesure de l'année, à peu près 10 milliards de pertes sur les 15 milliards. Sans doute, y aura-t-il une suite à cela.
La situation en Russie est motivée uniquement par la responsabilité d'amener ce gaz naturel liquéfié en Europe. Si l'Europe décide de sanctionner la Russie, nous cesserons notre activité immédiatement. Nous pourrons le faire, nous y renoncerons. Sur le plan financier, la majeure partie des 700 millions de dollars de revenus que madame Sebaihi a mentionnés est intervenue avant le premier trimestre, parce que les flux financiers entre la Russie et l'Europe, dès lors que nous respections toutes les sanctions et veillions à ne commettre aucune erreur, étaient assez compliqués. Donc, la question n'est pas financière, la question est d'approvisionner l'Europe en gaz naturel liquéfié.
Pour contrebalancer notre stratégie en Russie, nous nous tournons vers d'autres pays, les États-Unis notamment, dont la stratégie correspond à la nôtre et repose sur deux piliers : gaz naturel liquéfié et énergies renouvelables. Nous sommes le premier exportateur de gaz naturel liquéfié américain. L'Europe en a bénéficié. Nous avons assuré, cette année, l'approvisionnement de l'Union européenne par du gaz naturel liquéfié américain puisque nous sommes également le premier détenteur de la capacité de regazéification en Europe. Nous sommes également devenus le numéro cinq américain des énergies renouvelables en rachetant, cette année, une société aux États-Unis.
Si les États-Unis font partie de notre politique, nous redéployons également nos capitaux dans d'autres pays, comme le Brésil, en développant exactement la même stratégie puisque, il y a huit jours, nous avons annoncé que nous venions d'entrer dans une société avec le plus gros développeur éolien brésilien, Casa dos ventos, dont nous avons repris 35 % des parts avec la capacité de monter à 50 %. Nous développons également des hydrocarbures au Brésil.
Donc, que ce soit au Brésil, aux États-Unis ou en Inde, où nous venons d'investir 5 milliards au cours des dernières années dans un mix gaz et énergies renouvelables avec Adani, nous redéployons nos capitaux sur d'autres zones où nous nous pouvons appliquer notre stratégie reposant sur le gaz et les énergies renouvelables.
Je pense avoir répondu aux différents sujets abordés par monsieur Zgainski. Mais, je le répète, oui, nous avons racheté Saft, grâce à laquelle nous sommes rentrés avec Stellantis et Mercedes dans une société qui s'appelle Automativ Cells Company (ACC), afin de fabriquer des batteries pour véhicules électriques. Nous espérons en faire un acteur majeur au niveau européen, voire mondial. Grâce à ce très fort partenariat, une première gigafactory est en train de se construire dans le Nord de la France. Une deuxième sera installée en Italie, une troisième en Allemagne et d'autres suivront, vu les ambitions de ces deux constructeurs automobiles. Voilà une contribution très concrète à la mobilité électrique. Je pense vous avoir répondu également au travers des chiffres que j'ai donnés sur les niveaux de nos investissements en la matière.
Monsieur Faure, il n'est pas question d'aller en RDC. Je l'ai affirmé à plusieurs reprises. Nous ne sommes pas candidats pour diverses raisons, dont des raisons sécuritaires évidentes. La RDC et nous, c'est non ! J'ai beau le répéter, on ne m'entend pas, mais je vous le redis solennellement : TotalEnergies ne sera pas présent en RDC pour exploiter du pétrole.
Madame Sebaihi, je vous ai également répondu. J'ajouterai toutefois un mot sur la biodiversité en Ouganda. Nous nous sommes engagés sur ce sujet à mener des actions qui nous permettent d'avoir un gain net positif, comme le disent les experts. C'est très concret. Nous travaillons, par exemple, en ce moment en Ouganda avec des experts scientifiques pour voir comment reconstituer les corridors de circulation des chimpanzés. Nous contribuerons également à accroître de 50 % les Rangers dans les parcs nationaux d'Ouganda, car le principal sujet de la biodiversité dans ces pays africains étant le braconnage, mettre en place une police des parcs nationaux revêt une vraie utilité pour la biodiversité. Voilà les actions très concrètes que nous cherchons à mettre en œuvre.
Monsieur Lecoq, non, ce projet de port méthanier flottant n'existait absolument pas avant la guerre en Ukraine. Je ne sais pas qui a pu dire cela, car c'était vraiment à cent mille lieux de nos idées, pour la simple raison que les terminaux de regazéification en Europe étaient à peine remplis à 30 ou 40 %. Ils étaient considérés comme des actifs, si je puis dire, très vulnérables. Engie nous les a vendus peu cher en 2018 parce qu'ils étaient très peu utilisés. En fait, le gaz russe alimentait l'Europe et les terminaux de regazéification européens étaient au mieux à moitié vides. C'est d'ailleurs pour cela qu'il en manque aujourd'hui.
On découvre tout à coup qu'il manque de terminaux de regazéification en Europe. En fait, il n'y avait pas de marché pour eux puisqu'il y avait du gaz russe ou norvégien ou de la mer du Nord. Donc, aucun d'entre nous n'avait imaginé amener ce terminal auparavant, je vous l'assure.
Lorsque le conflit a éclaté, tous les gouvernements européens se sont mobilisés pour nous demander s'il était possible de faire quelque chose. Dans notre flotte héritée d'Engie, nous avions deux terminaux flottants de regazéification. L'un était en Chine, l'autre servait de méthanier. Nous avons proposé à la France et à l'Allemagne, puisque nous sommes en train d'installer le deuxième en Allemagne, de les ramener, mais c'était dans une démarche citoyenne de sécurité d'approvisionnement.
Un terminal de regazéification est une infrastructure. Il ne sera pas d'un grand rapport, mais ce n'est pas le sujet. Je considère vraiment que nous avons fait là un acte pour contribuer à la sécurité d'approvisionnement de l'Europe en substitution à l'abandon du gaz russe. Une fois que nous avons dit au Gouvernement que nous en avions un, nous avons étudié où le localiser au mieux en France. Après avoir comparé les sites de Fos, du Havre et de Dunkerque, nous avons estimé que Le Havre offrait les meilleures conditions pour avancer rapidement car, compte tenu de la crise que nous vivons, cette solution n'avait de sens que si nous étions capables de mettre en place ces infrastructures le plus vite possible. Le Gouvernement a décidé, dans le cadre de la loi votée par le Parlement à la fin juillet, de lancer des procédures accélérées d'autorisation, de sorte que ce terminal puisse entrer en fonctionnement au milieu de l'année 2023.
Quelle sera l'origine du gaz naturel liquéfié de ce terminal ? Peut-être viendra-t-il du Nigeria, éventuellement du Qatar ? Vous savez, nous produisons du gaz naturel liquéfié dans onze pays différents et il viendra du portefeuille que nous gérons. Nous avons du gaz de schiste américain mais nous en avons d'autres aussi.
Comme je l'indiquais au début de mon audition, la réalité actuelle de ce dossier est de savoir comment rendre compatible la nécessaire sécurité d'approvisionnement du continent et du pays avec la durabilité et avec des tarifs abordables. J'observe que la principale priorité de tous les gouvernements est d'assurer la sécurité de l'approvisionnement parce qu'annoncer aux citoyens qu'on leur coupera le chauffage ou l'électricité constituerait un véritable problème.