Monsieur Pouyanné, je suis né Compagnie française de raffinage (CFR) et j'ai vécu Total pendant soixante ans. Je connais bien votre entreprise. Je ne répéterai pas tout ce qui a été dit sur l'Ouganda et le Mozambique, je prendrai l'exemple du port méthanier du Havre, terminal flottant. La ministre Pannier-Runacher s'était engagée à faire réaliser des études de danger, comme s'il s'agissait d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), c'est-à-dire comme si le bateau était posé sur le quai, puisque les conséquences des études de danger ne sont pas les mêmes dans le code maritime. Vos spécialistes pourront vous l'expliquer. Or, soit Total, soit le préfet – enfin quelqu'un – n'a pas respecté la parole de la ministre, puisque l'on a présenté à la population des études de danger d'un bateau-usine et non pas d'une usine présentant les mêmes caractéristiques qui aurait été construite sur le quai. Pourquoi cela ?
Ensuite, il semblerait qu'il soit prévu d'importer des gaz de schiste américains alors que l'Assemblée nationale a voté que nous n'accepterions jamais d'en produire. Puisque le président de notre commission aime bien les citations, j'en connais une moi aussi, même si ce n'est pas ma culture : « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse ». Donc, pourquoi importer des gaz de schiste et permettre la dégradation environnementale dans certains pays pour en faire profiter les populations chez nous ? Nous serons vigilants. Nous avons empêché des bateaux saoudiens de venir charger des canons Caesar au Havre. Pour traverser l'écluse François 1er avec un navire chargé de gaz de schiste, ce ne sera pas si simple avec la population havraise.
Certains prétendent que ce projet méthanier était prévu avant la guerre en Ukraine. Des voix s'élèvent pour dénoncer cela. Des documents datés laisseraient apparaître que c'était avant la guerre en Ukraine. Vous nous direz ce qu'il en est car ce sont de vraies questions pour nous.
Enfin, vous dites également qu'avec les raffineries de TotalEnergies, vous ne seriez plus en mesure de produire les carburants utilisés en France en quantité suffisante et que nous serions obligés d'importer des produits finis. Or, mes camarades de la raffinerie de Gonfreville l'Orcher, qui étaient en lutte encore récemment, se sont battus – et j'étais toujours à leurs côtés – pour expliquer qu'il fallait conserver les outils de production à la raffinerie de Dunkerque et de Grandpuits pour produire en France. C'est vous qui, dans votre présentation préalable, avez dit : qu'est-ce que c'est que ce pays qui laisse partir les productions de panneaux photovoltaïques à l'étranger ? Eh bien, votre groupe a laissé partir la production de l'essence de France vers l'étranger ! Comment expliquez-vous ce deux poids, deux mesures, et ces discours à deux vitesses que vous nous présentez ce matin ?
J'ai toujours été fier de Total, de l'emploi et de la richesse que cela crée dans la ville que j'ai administrée, et des conséquences pour les populations. Mais je ne peux en dire autant aujourd'hui de la politique de la multinationale à travers le monde. Je défends, pour ma part, l'idée du devoir de vigilance qui, conformément à la loi française, vous demande de veiller au bien-être des populations et à l'environnement. Qu'en pensez-vous ?