Monsieur Pouyanné, il est un inconvénient à ne pas être le premier à s'exprimer : des questions ont déjà été posées sur les diverses problématiques, reprenant les questionnements légitimes suscités par vos projets en Tanzanie et en Ouganda, qui sont communément qualifiés de « bombes climatiques », et dont l'aspect humain pose également problème. L'orateur qui m'a précédé s'est chargé de le faire. Vous aviez répondu que ces projets devaient se faire quoi qu'il arrive, parce que vous préféreriez que TotalEnergies s'en charge plutôt qu'une entreprise chinoise qui serait sans doute moins regardante sur le respect des droits de l'Homme ou de la biodiversité. J'aimerais que vous précisiez cette pensée.
En 2022, TotalEnergies a publié un rapport sur son action pour le climat et le développement durable. Vous y ambitionnez d'accompagner des changements décidés au niveau européen pour rendre votre entreprise neutre en carbone d'ici à 2050. L'un des leviers de cette action est la compensation carbone des émissions marginales de vos exploitations d'hydrocarbures, qui ne seront ni recyclées, ni capturées. Des initiatives ont déjà été lancées à cette fin. Vous avez, par exemple, signé un engagement avec la fondation GoodPlanet afin de fabriquer des biodigesteurs en Inde. Or de tels mécanismes de compensation sont parfois considérés comme relevant – excusez-moi pour l'anglicisme – du greenwashing, souvent parce que le contrôle des initiatives de reforestation et de protection des milieux naturels est perçu comme insuffisant.
Si votre activité d'exploitation des hydrocarbures perdure au même rythme, de nombreux projets similaires devront rapidement se concrétiser. Dès lors, comment le groupe TotalEnergies compte-t-il assurer l'efficacité et la durabilité des projets de compensation carbone qu'il financera à travers le monde ?
Ma seconde question est plus locale. Les répercussions des tensions mondiales sur le marché de l'énergie ont, en effet, amplifié les problématiques dans certains territoires français. Je pense naturellement aux outre-mer, mais aussi à la Corse du fait de son insularité. Ces tensions se font vivement ressentir au sein de la filière des grossistes et détaillants en carburants, et ce malgré l'application d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduit. Cette situation s'explique par des caractéristiques propres aux territoires insulaires : capacité de stockage et dépôt pétrolier de l'île insuffisante en été et configuration oligopolistique du secteur de la distribution des carburants. Quelles seraient les mesures complémentaires envisagées par votre entreprise pour assurer une distribution optimale du carburant sur ce type de territoires particulièrement exposés en cas de poursuite, voire d'aggravation, des tensions de la production mondiale de pétrole ? Comment, par ailleurs, mettre en place de telles mesures sans déséquilibrer des marchés en situation d'oligopole ?