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Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, président :

L'examen du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, premier texte de la législature soumis à notre commission, s'effectue selon des modalités de calendrier et des procédures sur lesquelles il importe que je revienne un instant, car elles sont un peu complexes.

Tout d'abord, comme vous tous ici, je regrette la grande brièveté des délais qui nous ont été accordés entre le dépôt du projet de loi, jeudi dans la soirée, et l'examen du texte en commission, ce lundi. Sachez qu'à chaque fois que j'en ai l'occasion, j'indique aux responsables du pouvoir exécutif que nous attendons des délais un peu plus généreux.

Toutefois, le texte fait l'objet de grandes attentes de la part des Français et des Françaises et un report de son examen, même de quelques jours, pourrait conduire, du fait de la navette parlementaire, à reporter son adoption définitive à la mi-août, période à laquelle il n'est pas certain que tous les protestataires viendront siéger en commission…

Je constate que nos rapporteures pour avis, Mme Sandra Marsaud et Mme Maud Bregeon, ont pu organiser dans des délais record des auditions qui ont occupé toute la journée de vendredi, et je rappelle que le bureau avait décidé de repousser le délai de dépôt des amendements de quarante-huit heures par rapport au délai réglementaire.

Mais encore une fois, j'en conviens, les conditions d'examen de ce texte ne sont pas celles que nous sommes en droit d'attendre.

Venons-en à l'aspect procédural, qui n'est pas le plus simple à appréhender.

Premier point : le projet de loi a été renvoyé à la commission des affaires sociales. C'est donc elle qui aura à se prononcer, au bout du compte, sur tous les articles du texte et, à la fin de l'examen, sur l'ensemble du texte. C'est elle également qui établira le texte adopté par la commission, lequel servira de base pour le dépôt des amendements en séance publique.

Deuxième point : la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Fadila Khattabi, a estimé que plusieurs articles du projet de loi relevaient directement de la compétence de notre commission. Par un courrier du 8 juillet, elle a donc, selon les termes employés par l'article 87, alinéa 2, de notre Règlement, sollicité l'avis de la commission des affaires économiques sur les articles 6 à 19.

En clair, cela signifie que ces quatorze articles nous sont délégués au fond, procédure prévue explicitement depuis la réforme du Règlement de 2019 et qui emporte plusieurs conséquences.

Premièrement, la discussion des amendements portant directement sur ces articles délégués ou des amendements portant article additionnel à ces articles ne peut se faire que devant notre commission. Les amendements qui ont été déposés sur ces articles auprès de la commission des affaires sociales ont donc été déclarés irrecevables. De même, les amendements déposés auprès de notre commission sur des articles non délégués ont été frappés d'irrecevabilité. Toutes ces règles avaient été rappelées par moi-même lors de notre réunion de jeudi matin et figuraient dans un courrier adressé à chaque responsable de groupe, ainsi que sur la convocation à la réunion.

Deuxièmement, même si nous parlons d'une délégation au fond, juridiquement, cette saisine demeure une saisine pour avis. La particularité de la « sollicitation d'un avis », et ce qui constitue tout l'intérêt de cette procédure, réside toutefois en ce que la commission des affaires sociales s'engage à reprendre les amendements adoptés par la commission des affaires économiques. Mais nos rapporteures pour avis devront se rendre devant la commission des affaires sociales pour lui soumettre les amendements que nous aurons adoptés – et ceux-là seulement. Cela implique donc que nos travaux précèdent ceux de la commission des affaires sociales.

Troisième point : pour simplifier encore les choses, la commission des finances s'est saisie pour avis des articles 1er à 6 et 15 à 19. Il s'agit, cette fois, d'un avis simple, sans délégation au fond, mais vous aurez noté que plusieurs de ces articles – les articles 6 et 15 à 19 – relèvent de notre propre délégation au fond. Le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Louis Margueritte, est donc tenu de venir nous soumettre les amendements qui seront adoptés par la commission des finances sur ces articles, afin que, si notre commission les adopte à son tour, ils puissent être soumis à la commission des affaires sociales.

En résumé et pour le dire simplement, le calendrier est très contraint.

Mme Aurélie Trouvé et M. Sébastien Jumel m'ont fait savoir, vendredi, qu'ils préféreraient que la commission ne se réunisse pas pendant que la motion de censure sera discutée en séance publique. Il est ressorti de la consultation organisée à ce sujet par mes soins que la plupart des membres du bureau appartenant à la majorité, ainsi que les membres des groupes Les Républicains et Rassemblement national, préféraient débuter l'examen du texte cet après-midi.

Rien dans le Règlement ne s'oppose à ce que la commission siège pendant la défense d'une motion de censure. Bien évidemment, je suspendrai nos travaux lorsque le scrutin sur cette motion sera engagé, étant entendu que seuls les députés favorables à la censure vont voter dans le cadre de cette procédure.

Autre particularité de ce projet de loi, le Gouvernement a choisi de ne pas être présent en commission durant l'examen des articles, que ce soit en commission des affaires économiques, en commission des finances ou en commission des affaires sociales. C'est son droit, en vertu de l'article 45 du Règlement. Les orateurs des groupes pourront s'exprimer et interroger le Gouvernement lors de la réunion de ce soir, consacrée à l'audition, conjointe avec la commission des affaires sociales, de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, et de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.

La commission des affaires économiques poursuivra l'examen des articles demain, mardi, après les questions au Gouvernement et le soir, et continuera, si nécessaire, mercredi.

Mais je n'en ai pas encore tout à fait fini avec la procédure.

Plusieurs amendements ont été déclarés irrecevables, pour différentes raisons. Quatorze d'entre eux se rattachaient à des articles ne relevant pas, à l'évidence, du champ de notre saisine, mais soumis à la commission des affaires sociales. Nous avions pourtant attiré votre attention sur ce risque. Sept ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, comme constituant une charge ou une baisse de recettes non gagée – je dois préciser que le président de la commission des finances, saisi pour donner son avis, ne m'a pas transmis sa réponse ; nous avons donc appliqué souverainement l'article 40. Cent six amendements, enfin, constituaient des « cavaliers législatifs » en vertu de l'article 45 de la Constitution.

Il me faut rappeler que l'article 45 dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». L'article 98, alinéa 6, de notre Règlement reprend cette même formulation, qui a en outre été explicitée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel depuis sa première décision en la matière, le 13 décembre 1985.

Pour procéder à son contrôle, le Conseil constitutionnel se réfère au contenu du texte déposé. L'amendement doit pouvoir se rattacher à un article précis de celui-ci, pas à son titre ni à l'exposé des motifs ou à l'intitulé des chapitres : ces éléments ne viennent que conforter le contenu sans être décisifs pour son appréciation.

Depuis sa décision du 20 décembre 2019 sur la loi d'orientation des mobilités, le Conseil constitutionnel a formalisé son raisonnement traditionnel en précisant, pour chacun des articles censurés comme cavaliers législatifs, en quoi ils ne se rattachaient pas à une disposition identifiée du projet de loi initial.

En clair, même si l'intitulé du texte mentionne « la protection du pouvoir d'achat », ce n'était pas une justification pour déclarer recevable tout amendement présenté par ses auteurs comme visant cet objectif : encore fallait-il que les amendements aient un lien avec un article du texte et que cet article figure bien dans le champ de notre saisine.

Certains amendements déclarés irrecevables par la commission des affaires économiques seront donc discutés, mais devant la commission des affaires sociales, s'ils ont effectivement été déposés auprès de cette commission. Je pense, par exemple, aux amendements sur la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés.

D'autres amendements, en particulier fiscaux, n'avaient manifestement aucun lien avec un article du projet de loi. Mais la discussion de tels amendements trouvera sa place dans l'examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022 par la commission des finances, cette semaine même. C'est aussi dans ce cadre que vous pourrez évoquer les tarifs réglementés du gaz, qui font l'objet de l'article 12 de ce projet de loi de finances rectificative.

S'agissant des amendements sur la protection du consommateur, j'ai retenu ceux visant à lutter contre des pratiques déjà illégales, mais j'ai écarté ceux tendant à encadrer des pratiques licites, notamment en matière de frais bancaires ou de démarchage téléphonique. Les députés Les Républicains en ont déposé un certain nombre à ce sujet.

Enfin, en matière d'énergie, les articles dont nous sommes saisis portent sur la sécurité d'approvisionnement en gaz et en électricité, ainsi que sur l'accès régulé à l'électricité nucléaire. Les autres problématiques, comme la rénovation énergétique, par exemple, ne pouvaient pas être retenues.

Je termine en vous indiquant que le Conseil constitutionnel censure d'office les cavaliers législatifs, sans même que les auteurs d'une saisine les contestent. Dès lors, si le président d'une commission permanente, en commission, ou le Président de l'Assemblée, en séance publique, n'exerce pas un contrôle étroit de la règle constitutionnelle, le risque est élevé que de nombreuses dispositions soient censurées par le Conseil. Ainsi, vingt-trois articles de la loi EGALIM 1 sur un total de quatre-vingt-dix-huit, soit un quart du texte définitif, avaient été déclarés contraires à la Constitution. J'aurais pu citer aussi l'exemple de la loi ASAP, dont j'étais rapporteur.

Au bout du compte, il nous reste 123 amendements à examiner.

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