Autre modification – et non des moindres : le transfert de l'activité de recouvrement des cotisations de retraite complémentaire des salariés du privé de l'Agirc-Arrco vers l'Urssaf a été retiré du texte par les sénateurs. L'Agirc-Arrco s'était inquiétée de cette mesure qui concerne plus de 20 millions de salariés du privé, dénonçant un très fort risque de captation de ses ressources, soit environ 87 milliards d'euros de cotisations.
S'agissant des déserts médicaux, les sénateurs ont adopté, en le modifiant à la marge, le principe d'une année supplémentaire dans le cadre du diplôme d'études spécialisées de médecine générale, durant laquelle les internes suivront un stage de pratique ambulatoire, c'est-à-dire en médecine non hospitalière, sous un régime d'autonomie supervisée. Ces stages devront s'effectuer en priorité dans les territoires en situation de désert médical.
Pourtant, et vous le savez bien, cette réforme heurte de nombreux internes, lesquels se mobilisent depuis plusieurs semaines contre votre projet. Ils déplorent notamment le manque de maîtres de stage universitaire pour les superviser et les encadrer. L'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) juge cette mesure « préoccupante, déroutante, inquiétante et aberrante » tandis que l'intersyndicale estime qu'il s'agit « ni plus ni moins d'un déguisement pour une année d'exploitation supplémentaire des internes », tant au niveau pédagogique que financier. Avouez que pour faire accepter votre réforme, c'est plutôt mal parti.
En revanche, je souscris à la proposition du Sénat d'exonérer les médecins retraités éligibles au cumul emploi-retraite de cotisations de retraite, en cas de reprise d'une activité de médecine libérale – proposition qui a même été étendue à d'autres professions médicales. Quand 47 % des médecins ont plus de 55 ans et que les départs en retraite s'accélèrent, il faut absolument que nos médecins trouvent un avantage à rester en activité. J'ajoute qu'il est impératif de réformer le numerus apertus instauré pour remplacer le numerus clausus. Si vous n'augmentez pas le nombre de places disponibles dans les universités de médecine, cette mesure n'aura qu'une efficacité très relative.
Autre point positif que l'on doit au Sénat : la décision de renforcer les modalités de contrôle et de sanction des autorités publiques sur les Ehpad. Reste maintenant à donner de réels moyens à ces autorités pour qu'elles puissent effectivement et concrètement exercer leurs nouvelles missions.
Il y aurait encore beaucoup à dire, mais je ne veux pas conclure mon propos sans aborder le volet anti-fraude sociale de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si je salue évidemment l'avancement de la date d'entrée en vigueur de la mesure d'interdiction du versement des allocations et des prestations sociales sur des comptes qui ne seraient pas domiciliés en France ou dans la zone Sepa, l'espace unique de paiement en euros, je regrette que certains amendements proposés par le Sénat et destinés à muscler la lutte contre la fraude aient été retirés, notamment celui qui exigeait que les droits d'une personne faisant l'objet d'une OQTF, une obligation de quitter le territoire français, soient immédiatement suspendus, sauf en cas d'urgence médicale.
Par ailleurs, votre gouvernement s'est engagé à mettre en place un comité indépendant d'évaluation de la fraude aux prestations sociales. Enfin ! Comme pour le numerus clausus, cela faisait des années que nous vous le demandions.
Deux questions finalement assez simples restent en suspens : quand allez-vous de nouveau recourir à l'article 49.3 ? Et quelles dispositions retiendrez-vous de nos propositions ? Car si tout est écrit d'avance, expliquez-moi pourquoi faire semblant de débattre ici.