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Intervention de Joëlle Mélin

Séance en hémicycle du lundi 21 novembre 2022 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoëlle Mélin :

L'examen en deuxième lecture du PLFSS pour 2023 est l'occasion de souligner deux bonnes surprises.

D'abord, le Sénat et sa majorité ont enfin été frappés par la grâce et ont tenté de stopper, par de nombreux et parfois excellents amendements, le processus d'endettement des comptes sociaux et la balkanisation de la profession médicale – processus auquel ils ont pourtant largement contribué au fil des lois sur la santé, sur le socle du numerus clausus voulu par Raymond Barre. Des réseaux de santé de Philippe Douste-Blazy aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et à la régionalisation enclenchée par Roselyne Bachelot, de l'Ondam d'Alain Juppé à la délégation de tâches envisagée par Nicolas Sarkozy, nombreuses sont les voies dans lesquelles la droite au pouvoir s'est fourvoyée, comme en témoigne également le report permanent de la maîtrise des retraites.

Ensuite, vous apportez votre soutien à une belle filière du secteur des dispositifs médicaux : celle du sparadrap, bien utile pour cacher l'insincérité des comptes de l'exercice 2021 malgré les recommandations de la Cour des comptes, ou encore la réalité concernant la projection des comptes pour 2022, déjà très bousculée par l'inflation, laquelle rendra encore plus imprévisible l'année 2023. Ce dernier constat vaut particulièrement pour votre calcul de l'Ondam, qui repose sur des approximations et un jeu de bonneteau visant à limiter le déficit une nouvelle fois très lourd de la branche maladie, aux dépens des branches famille et accidents du travail.

En revanche, comme le veut le rituel observé à chaque PLFSS, vous profitez de la partie consacrée aux dépenses pour formater un peu plus, selon une démarche de planification, de privatisation et de financiarisation initiée voilà soixante ans, notre système de distribution de soins, conformément aux souhaits des grands groupes privés. Ces derniers sont depuis longtemps appelés à devenir les futurs gestionnaires du système de santé, dont ils feront un marché à l'européenne, plaçant au centre la concurrence libre et, bien entendu, non faussée. Non faussée, la pénurie artificielle des médecins, que vous aggravez en créant la quatrième année d'internat de médecine générale, l'est aussi. Au moment même où vous assouplissez le numerus clausus, vous rajoutez une année d'étude supplémentaire, alors que les déserts médicaux s'étendent sur 83 % du territoire, et vous empêchez des étudiants qui cumulent déjà neuf ans d'études de pratiquer le même travail que celui que vous confiez pourtant à des infirmières et à des kinésithérapeutes après cinq années seulement.

Car soyons clairs : tel qu'il est défini actuellement, le transfert de tâches aux IPA concerne les urgences bénignes et le suivi de pathologies chroniques stabilisées, soit 70 % à 80 % de l'activité d'un généraliste. Bien sûr, toutes les professions doivent évoluer et les assistants médicaux sont attendus depuis longtemps. Nous sommes pour le partage des tâches, mais contre le transfert de toutes les tâches, d'autant que le temps de chacun est déjà compté. Combien d'infirmières se sentent coupables de faire des toilettes ou d'administrer des soins trop rapidement ? Combien de kinésithérapeutes seraient prêts à se rendre au domicile de nos aînés pour leur proposer des séances de rééducation à la marche ? Mais ils se heurtent toujours au même problème de flicage des profils et de cotations trop basses pour assurer un travail serein et collectif. Vous aggravez également cette situation en prévoyant d'appliquer une décote pérenne aux actes de biologie et d'imagerie médicale. Nous refusons une médecine low cost.

Comme veut le rituel du PLFSS, la branche retraite, et surtout les retraités, servent de variable d'adaptation aux déficits. Vous imposez à nos concitoyens, souvent grands-parents, de travailler 1 607 heures pendant une, deux, ou trois années de plus, pour combler l'absence de cotisations de leurs petits-enfants qui, contre leur gré, tardent à travailler. C'est bien votre décision qui les contraint, du fait de la pénibilité du travail, à être placés, pour la moitié d'entre eux, en arrêt maladie puis en invalidité. Mais peu importe, puisqu'ils ne perçoivent alors pas un centime de retraite : les comptes sont saufs. Nous estimons au contraire qu'il est tout à fait possible d'indexer à nouveau les retraites sur l'inflation sans reculer l'âge de départ.

Au passage, vous vous autorisez à faire main basse sur les retraites complémentaires obligatoires en transférant le prélèvement des cotisations Agirc-Arrco aux Urssaf, préparant ainsi le déséquilibre majeur d'un des rares dispositifs qui, malgré l'absence de réévaluation de la valeur du point, fonctionne harmonieusement.

Tout à votre déni du résultat démocratique du vote du 19 juin 2022, et alors que le recours au 49.3 se profile, quelle place – minimale – accorderez-vous à la discussion ? En tout état de cause, le groupe Rassemblement national combattra vigoureusement vos dérives.

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