Intervention de Jérôme Guedj

Séance en hémicycle du lundi 21 novembre 2022 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Guedj :

C'est toujours un plaisir de parler après M. Vigier, parce que cela me permet de lui répondre et de poursuivre avec lui un dialogue toujours fécond. J'ai défendu une motion de rejet préalable dont l'objectif, je le répète, était naturellement non de balayer les mesures qui pouvaient être intéressantes – l'énumération de celles que nous avons soutenues ne justifie pas qu'on nous vilipende –, mais de remettre sur le métier ceux des sujets dont nous considérons qu'ils ne sont pas traités dans ce PLFSS, ou du moins pas suffisamment. Je ne reviens pas en détail sur la question de l'Ondam, monsieur le ministre, même si j'espère que vous pourrez nous éclairer, lors de la discussion des articles, sur un point qui m'intrigue, concernant l'amendement que vous venez de déposer – qui, je le répète, est exactement identique à celui que nous avions déposé en première lecture. Il propose de revaloriser l'Ondam pour l'année 2022 ; c'est fort bien, mais il faut aussi étendre cette revalorisation à l'objectif de 2023 !

En effet, si vous estimez que ces 500 millions d'euros, qui sont liés à des surcoûts probablement occasionnés par la situation exceptionnelle que nous vivons, sont nécessaires, il est étrange de considérer cette nécessité se limite à l'année 2022. Or c'est bien le signal que vous envoyez à l'ensemble des soignants, dont les difficultés sont pourtant structurelles et nécessitent des réponses s'inscrivant dans la durée. L'Ondam de 2023, pour le moment, est inférieur à celui que vous annonciez dans votre dossier de presse, ce qui est tout de même un petit peu fâcheux. Si j'étais taquin – et, encore une fois, je le suis –, je ne manquerais pas de constater à nouveau – en regrettant que Gabriel Attal ne soit pas présent – que pour financer ces 500 millions d'euros, vous n'hésitez pas à baisser de 100 millions la dotation des soins de ville – en tout cas, c'est ce qui apparaît dans le gage de l'amendement, mais peut-être l'ai-je lu trop rapidement. Je me souviens du scandale que notre demande en ce sens avait déclenché, mais c'est la preuve que c'est tout de même possible !

Si nous voulons faire avancer les objectifs de la protection sociale, nous vous le disons avec force : le combat pour la République sociale doit être une réalité. Nous considérons que la République sociale est le contraire du chaos libéral, et qu'un PLFSS est le bon outil pour la faire vivre, c'est-à-dire pour permettre aux travailleurs et aux citoyens de conquérir leur liberté, liberté – et protection – face à la pauvreté, face à la maladie et face aux conséquences du vieillissement. Pour atteindre cet objectif, nos philosophies diffèrent – mais cela participe de la qualité de notre débat démocratique : alors que nous partons des besoins à satisfaire, en voulant toujours augmenter le champ des mesures de protection, vous partez trop souvent des économies à réaliser, en cherchant à contenir la progression de ces mesures, et l'exemple que je viens de vous donner en est une bonne illustration.

Quels sont ces besoins ? Il faut d'abord un plan de reconstruction de l'hôpital. Il y a urgence à augmenter les dépenses de fonctionnement, eu égard aux besoins présents, et à lancer un plan d'investissement, compte tenu des besoins anticipés. Nous proposons aussi d'étendre les revalorisations aux oubliés du Ségur, et d'introduire des ratios ciblés sur certains types de personnel, pour mieux organiser les services – nous n'échapperons pas à ce débat qui se fait jour dans le monde hospitalier mais aussi dans les Ehpad. Nous pensons aussi qu'il faut massivement investir dans la psychiatrie, qui demeure, hélas, le parent pauvre de l'hôpital ; surtout, nous proposons de sortir des effets mortifères de la tarification à l'activité. Rien, dans ce PLFSS, n'engage ce nécessaire mouvement.

Nous proposons ensuite, pour une sécurité sociale qui réponde à ses objectifs d'universalité, de mettre fin au reste à charge. Gouverner par les besoins, c'est garantir la prise en charge à 100 % de la sécurité sociale et des frais de santé ; c'est le « 100 % sécu » que nous appelons de nos vœux, associé à un meilleur encadrement des dépassements d'honoraires, mais que nous ne voyons pas s'installer.

Nous voulons aussi lutter contre la pénurie de médicaments, en créant un pôle public du médicament. On le voit, une pénurie d'antibiotiques essentiels arrive dans notre pays. Le problème, c'est que les sites de production de leur matière première sont concentrés en Chine et que ces sites ferment ; certains n'ont pas rouvert après la crise du covid. Un tel pôle permettrait de faire barrage à une forme de marchandisation de la santé, en créant une transparence sur les prix.

Nous proposons d'investir massivement dans une politique de prévention en santé environnementale, sujet sur lequel nous éprouvons là aussi une certaine frustration.

Enfin – je l'ai déjà évoqué –, la lutte contre les déserts médicaux et la nécessité de changer le modèle de l'Ehpad ainsi que notre politique en matière de grand âge et d'autonomie ne figurent pas suffisamment dans ce PLFSS, qui n'entraîne pas le changement de braquet dont nous avons besoin. Je le répète, nous étions prêts à coproduire certaines mesures, notamment en ce qui concerne le financement ; j'en ai mentionné une tout à l'heure, et nous étions prêts, aussi, à instaurer une taxe sur les superprofits des grandes entreprises ou une redevance en faveur des établissements médico-sociaux. Tout cela n'y figure pas, et je crains que le débat avorté qui s'annonce ne permette pas d'aller plus loin sur ces questions.

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