Merci pour votre présentation, monsieur le Premier président.
Vos propos ne sont pas tout à fait neufs, ce qui est normal car l'objectif des instances que vous présidez est de maîtriser les finances publiques, voire de diminuer les dépenses publiques – objectif que j'ai contesté à plusieurs reprises. Cela dit, et en dépit de certains désaccords, que je formulerai par la suite, avec quelques-unes de vos affirmations, il me semble que votre rapport pointe les contradictions du Gouvernement. En effet, celui-ci estime qu'il doit à la fois relancer la croissance et revenir à 3 % de déficit en 2027. Or, dans votre avis, vous expliquez, en termes très diplomatiques et modérés, que ce projet est quelque peu optimiste, qu'il s'agisse des prévisions concernant la croissance ou de celles relatives au déficit en pourcentage du PIB. La période économique est telle que, comme vous l'avez dit, il est difficile de penser que nous soyons « à l'aube de nouvelles Trente Glorieuses spontanées ». La question est de savoir comment faire succéder une démarche construite à ce « spontané » pour créer des mécanismes permettant de sortir de la situation économique dans laquelle nous nous trouvons, tout en répondant aux besoins de la population.
J'observe une première chose : à partir du moment où l'on pense que la croissance ne sera pas spontanée, il faut trouver un moyen de nourrir celle-ci – vous le dites vous-même quand vous parlez d'investissements. Je pourrais vous rejoindre sur ce point, à ceci près que l'investissement nécessite des dépenses publiques. Le premier investissement nécessaire doit consister à éviter de laisser aux générations futures une dette écologique. À mes yeux, cette dette prime sur toutes les autres. Or on peut se demander si les investissements prévus dans les années à venir permettent ne serait-ce que d'essayer de respecter l'accord de Paris, c'est-à-dire de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius, comme le préconisent la plupart des scientifiques. Vous l'aurez compris : selon moi, la réponse est non, mais vous avez le droit d'avoir un avis différent. Quoi qu'il en soit, si l'on considère que les dépenses engagées ne sont pas suffisantes, il faudra les augmenter d'une manière ou d'une autre.
Deuxièmement, la question est de savoir comment avoir davantage de recettes dès lors que l'on n'augmente pas les impôts. Cela conduit à s'interroger sur la manière de partager les richesses et de relancer la consommation populaire.
Vous avez abordé deux questions importantes : la réforme des retraites et la stabilité des dépenses de santé. Je ne suis pas d'accord avec ce que vous avez dit. En ce qui concerne la première de ces questions, je ne vois pas très bien en quoi ce que vous suggérez permettrait de relancer la croissance. Quant à la santé, je note que vous n'appelez pas à diminuer les moyens qui lui sont alloués, mais les termes que vous employez sont ceux qui ont été souvent utilisés pour baisser les dépenses publiques, avec les résultats que l'on connaît. Je n'ai pas vraiment vu de nouveautés à cet égard dans vos propositions.
Les questions que je souhaite vous poser sont simples, et elles rejoignent en partie vos préoccupations.
Si la croissance sur laquelle table le Gouvernement à la fois pour résoudre le problème des déficits publics et relancer l'économie n'est pas au rendez-vous, ou en tout cas pas autant qu'il le souhaite, et si, dans le même temps, l'objectif des 3 % de déficit est maintenu, la question se pose : est-il raisonnable de continuer à baisser les ressources fiscales ? Vous le savez, je ne suis pas d'accord avec le cadre des 3 %. Je pense, notamment, que l'on aurait pu s'interroger sur le statut de la dette liée au covid possédée par la Banque centrale européenne et par la Banque de France, et même envisager sa transformation en dette perpétuelle. Quoi qu'il en soit, la question est de savoir, disais-je, si l'on doit continuer à appauvrir l'État en diminuant la recette fiscale. Vous notez, à propos des cinq années qui viennent de s'écouler, que la baisse des prélèvements obligatoires de 50 milliards d'euros concourt à « dégrader de manière pérenne le niveau des prélèvements obligatoires », car elle n'est pas totalement compensée « par la dynamique spontanée des recettes ». Or le Gouvernement envisage des baisses d'impôts supplémentaires. Pensez-vous que ce soit une urgence dans la situation actuelle ? J'ai cru comprendre que ce n'était pas votre avis, puisque vous préconisez même de revoir certaines dépenses fiscales, notamment les niches fiscales et sociales, qui représentent respectivement 93 milliards d'euros et 83 milliards d'euros. Le Gouvernement, pour sa part, n'entend pas, pour l'instant, revenir sur ces dépenses.