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Intervention de Émilie Bonnivard

Réunion du mercredi 26 octobre 2022 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Bonnivard, rapporteure spéciale (Tourisme) :

Après deux années particulièrement difficiles pour le secteur, au premier semestre 2022, la reprise touristique est au rendez-vous : fin juillet, le total des recettes dépassait 31 milliards. Toutefois, il est délicat d'anticiper la fin de l'année, tant la filière voit son horizon s'assombrir en raison de l'inflation, et donc d'une demande qui risque de se contracter, mais aussi d'une offre fragilisée par l'explosion des coûts de l'énergie et des matières premières, notamment pour les stations de sport d'hiver. Le risque est majeur pour ces destinations et il nous faut y apporter une attention toute particulière. Je ne sais pas si les réponses du Gouvernement sont adaptées.

Après avoir demandé chaque année depuis cinq ans la nomination d'un ministre du tourisme de plein exercice, ainsi que la considération du tourisme comme véritable filière économique, je suis heureuse du rattachement du tourisme à Bercy en 2023. Si cette décision ne doit en rien atténuer l'ambition de promotion internationale de la destination France, elle me paraît beaucoup plus cohérente avec les besoins du secteur. Le budget du programme 134 de la mission Économie dédié au tourisme est stable avec 35 millions d'euros pour l'opérateur Atout France. Reste à connaître la part des recettes liées à l'attribution d'une partie des droits de visas qui sera allouée à la promotion. On ne m'a pas communiqué l'information.

Toutefois, le programme 134 n'épuise ni la politique touristique ni le budget de l'État dédié au tourisme. Les crédits du tourisme sont éclatés dans divers missions et programmes, ce qui constitue une difficulté pour suivre leur consommation et évaluer la qualité de cette politique. Je ne me satisfais absolument pas du document de politique transversale Tourisme car on y valorise de trop nombreux budgets qui n'ont rien à y faire, comme la totalité de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) – la construction d'une école n'a rien à voir avec le tourisme.

Il me semble plus honnête d'évaluer les crédits de 1,9 milliard du plan Destination France visant à relancer la filière après la crise du covid et à faire de la France la première destination de tourisme durable d'ici à 2030. Il a été lancé en novembre 2021 et doit s'étendre jusqu'en 2024. Au sein de ce budget, 1,2 milliard d'euros, soit quasiment les deux tiers, sont constitués de prêts et outils financiers gérés par BPIFrance et la Banque des territoires. Autrement dit, l'effort financier de l'État sur ses fonds propres est de 650 millions, dont 110 millions déjà engagés.

Au sein du plan, il m'a semblé intéressant d'analyser les actions relatives à l'emploi et à la transition écologique des entreprises touristiques.

Selon le GNI, si la saison estivale a été bonne, elle aurait pu être bien meilleure si les tensions en personnel n'avaient pas été si fortes. Le Gouvernement a lancé une campagne de communication sur l'emploi dans le tourisme, à hauteur de 9 millions d'euros, ainsi que d'autres actions relatives à la formation. Je salue ces initiatives et les suivrai attentivement.

Toutefois, l'un des obstacles majeurs au recrutement dans les zones touristiques relève de l'accès au logement. J'ai déposé un amendement en première partie du PLF pour y répondre, afin que les employeurs puissent récupérer la TVA sur les investissements qu'ils réalisent dans des logements mis à disposition de leurs salariés. Ce dispositif existe déjà pour les salariés du secteur de la sécurité. J'espère que l'on pourra y travailler.

Le deuxième point que je souhaitais aborder concerne la transition écologique du tourisme. Je me battrai toujours contre une vision caricaturale qui estime que le tourisme n'est pas essentiel et qu'il devrait être sacrifié, plus que d'autres activités économiques, sur l'autel de l'écologie radicale. Ce secteur représente 2 millions d'emplois non délocalisables, 8 % de notre PIB et la valorisation des atouts de territoires de montagne, ruraux et littoraux, pour permettre à des familles d'y vivre et d'y avoir un avenir. Pour autant, il doit effectuer sa transition écologique, comme tous les autres secteurs, et l'État doit l'accompagner.

Selon l'Ademe, le secteur représente 11 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau national. Or, près de 77 % de ces émissions sont dues aux transports, et 40 % au transport aérien. S'attaquer à la transition écologique, c'est donc s'attaquer aux transports. C'est une des lacunes du plan Destination France. L'État doit agir en faveur de l'amélioration de l'offre de transport ferroviaire et de sa compétitivité. Je proposerai un amendement visant à mieux évaluer ce point, ainsi qu'un amendement de crédit pour encourager les territoires touristiques à investir dans les transports propres.

Les 20 % restants d'émissions sont dues à l'hébergement, aux achats de biens et à la restauration. Sur ce point, il faut saluer les actions de Destination France. L'Ademe pilote pour l'État le Fonds tourisme durable dédié à la réalisation d'investissements de rénovation thermique, d'économie d'énergie, d'eau et de lutte contre le gaspillage dans l'hôtellerie et la restauration. Le bilan à mi-parcours est très bon, avec 40 millions engagés. Il est essentiel de faire perdurer ce fonds : 35 millions doivent encore être engagés sur les 85 millions prévus. Ils ne figurent pas dans le budget pour 2023, mais seraient inscrits dans le collectif budgétaire de fin d'année sur le budget du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Je n'ai pas eu confirmation de cette information.

Enfin, je souhaiterais insister sur l'importance de réabonder le Fonds avenir montagne, en le ciblant sur la transition écologique des domaines skiables.

Je salue l'effort budgétaire, tout en déplorant l'absence de réponses à certaines de mes questions. Je vous propose de vous abstenir.

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