Intervention de Jean-Marc Jancovici

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 15h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Jean-Marc Jancovici, Professeur à Mines Paris :

Cela dépend du paramètre. Vous pouvez regarder le CO2, l'espace au sol ou les particules fines. En matière d'émissions de CO2, la plus nocive est, de très loin, le charbon, suivi du pétrole et du gaz. Toutefois, l'impact du bois associé à de la déforestation est encore pire que le charbon. Par exemple, les projets visant à remplacer, pour un certain nombre de pays où le bois de feu est obtenu par déforestation, les foyers par des petits réchauds à gaz sont intelligents.

Parmi les modes dits « non carbonés », c'est-à-dire les modes dont le fonctionnement même n'émet pas de CO2, le solaire arrive en tête, suivi par l'hydroélectricité, l'éolien et le nucléaire, avec de petites variations en fonction des spécificités locales. L'hydroélectricité, l'éolien et le nucléaire représentent entre 5 et 10 grammes de CO2 par kilowattheure électrique tandis que le solaire représente entre 20 et 50 grammes, en fonction des conditions d'insolation notamment. Ces données ne prennent pas en compte le stockage avec des modes classiques (comme les STEP ou les batteries), qui fait perdre 20 à 40 %. Rappelons que la fabrication d'une batterie émet du CO2. Par exemple, pour une voiture électrique, la fabrication de la batterie représente la moitié des émissions de fabrication de la voiture. Ainsi, en ajoutant les émissions du stockage, il est possible, pour le solaire, de dépasser les 100 grammes de CO2 par kilowattheure. En mode purement électrique, le gaz est à 400 grammes de CO2 par kilowattheure électrique tandis que le pétrole à 800 grammes et le charbon à 1 000 grammes.

Vous pouvez oublier les puits de carbone. Réaliser la capture et la séquestration du CO2 peut technologiquement fonctionner. Néanmoins, récupérer le CO2 une fois qu'il est dans l'air avec des modes technologiques me semble être digne de la série Les Shadoks. Une fois qu'une molécule chimiquement inerte, comme le CO2, est diluée à 0,04 % dans un milieu aussi peu dense que l'air, récupérer le CO2 représente une dépense énergétique tellement considérable que vous ne pourrez jamais le déployer à l'échelle.

J'ai fait un petit calcul d'ordre de grandeur à partir de l'aspirateur à CO2 islandais qui a été très médiatisé. Si nous voulions capter, avec ce genre de dispositif de direct air capture (DAC), la totalité de nos émissions annuelles, il faudrait y consacrer la totalité de l'électricité annuelle et la totalité du pétrole consommé dans le monde tous les ans. L'énergie ne servirait donc qu'à récupérer le CO2 émis dans l'air à cause de l'énergie. Je ne suis pas complètement persuadé qu'il faille nous précipiter vers ce type de dispositif. Aujourd'hui, comme l'argent coule à flots partout en raison de la création monétaire, quelques fonds investissent dans ce genre de projets, qui ne serviront à peu près à rien pour changer le destin du monde.

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