Intervention de Julie Laernoes

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 15h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulie Laernoes :

Tout d'abord, le Shift Project et les travaux que vous avez menés ont éclairé un certain nombre de points importants, notamment sur la sobriété et l'importance de prendre les problématiques de manière globale. Vos propos introductifs, notamment sur le fait de placer l'économie comme donnée sortante plutôt qu'entrante en fonction des ressources à notre disposition, favorisent la réflexion un peu plus approfondie et globale, plutôt que la pensée qu'une solution technologique va nous préserver du réchauffement climatique à venir.

À l'évocation de votre nom, l'accent n'est souvent pas assez mis sur vos travaux sur la sobriété et la rénovation ainsi que sur vos propos, notamment concernant le transport aérien. Il y a dans vos écrits, de manière scientifique, technique et étayée, le fait qu'il faut envisager une autre manière de vivre et de partager les ressources, qui me semble importante.

Vous avez évoqué la question du consensus. Votre nom évoque pas mal de dissensus, y compris par rapport aux écologistes, en raison de vos travaux et des propos que vous avez tenus, notamment sur le fait qu'un accord électoraliste entre le parti socialiste et ma formation politique Europe Écologie Les Verts marquerait le début des maux et de la perte de souveraineté en matière de nucléaire.

Dans la lutte qui nous rassemble toutes et tous — en tout cas dans les solutions que nous essayons d'apporter —, nous savons très bien que les quinze prochaines années sont cruciales puisque les émissions de gaz à effet de serre s'accumulent et provoquent un réchauffement climatique qui s'amplifiera. Or la solution qui semble trouver grâce à vos yeux, à savoir le nucléaire, ne pourra pas se déployer de manière massive, comme vous l'appelez de vos vœux d'ici les quinze prochaines années. D'ailleurs, nous ne savons pas exactement sur quelle technologie nous pourrions-nous appuyer pour lancer massivement un tel déploiement. Vous dites vous-même qu'une telle réalisation semble utopique.

Nous voyons bien que la fermeture de Fessenheim aurait pu largement être compensée si l'État français avait réellement investi dans les énergies renouvelables et avait tenu ces objectifs, y compris en matière de sobriété. La production pourrait être dix fois supérieure à ce qu'était la production de Fessenheim. D'ailleurs, dans le contexte de la catastrophe de Fukushima, les investissements nécessaires pour la sécurisation de la centrale de Fessenheim étaient trop élevés pour pouvoir la maintenir ouverte.

Pour vous, tout semble conjugué vers le nucléaire. Or, il me semble qu'au vu du contexte que nous connaissons et des émissions de gaz à effet de serre qui doivent être évitées, le recours au nucléaire ne semble pas le plus logique, y compris en termes d'ingénierie, d'utilisation de métaux et d'importation, puisqu'il faut aussi importer l'uranium.

Toutes les centrales nucléaires sont construites à proximité de cours d'eau. Cet été, des dérogations au droit ont été octroyées concernant le rejet d'eaux plus chaudes dans nos fleuves. Nous allons manquer de plus en plus d'eau. Alors que vos propos sont très étayés et factuels, je ne trouve pas très sérieux de dire que nous allons utiliser l'eau des égouts, pouvant être relativement plus chaude, pour refroidir les réacteurs nucléaires.

Dans le projet de loi d'accélération sur le nucléaire, des dérogations au droit littoral sont évoquées, notamment pour construire de nouveaux réacteurs le long des côtes. Or nous voyons là aussi que le réchauffement climatique va engendrer une hausse des niveaux de la mer.

Si une grande partie de vos travaux contribuent à l'évolution des consciences et des actes — y compris dans le secteur privé —, la solution monomaniaque sur le nucléaire me semble créer du dissensus alors que nous aurions besoin d'un consensus et d'une vraie arme de guerre pour lutter contre le réchauffement climatique qui penche plus du côté de la sobriété, de la rénovation et des énergies renouvelables. Des scénarios comprennent ces éléments et disent que c'est tout à fait faisable.

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