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Intervention de Yves Bouvier

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 15h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Yves Bouvier, Professeur des universités, Groupe de Recherche Histoire (GRHis), Université de Rouen :

Monsieur Millienne, je dois souligner l'échec de la politique énergétique européenne depuis le traité de Rome. L'Europe s'est construite autour de questions énergétiques – le charbon et l'acier –, sous la forme d'un cartel organisé. Dans les années 1960 et 1970, on trouve de nombreuses esquisses de conception d'une véritable politique énergétique européenne, sur le modèle de la politique agricole commune. Il était même envisagé de construire des centrales nucléaires européennes au sein d'un réseau organisé à l'échelle européenne pour rationaliser la production énergétique. Tous ces projets ont été abandonnés, à l'exception d'une centrale solaire européenne, construite en Italie dans les années 1980. L'une des raisons de cet échec est que les pays européens suivent des stratégies énergétiques différentes, voire divergentes. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont favorisé le gaz naturel, tandis que l'Allemagne a longtemps opté pour le charbon. En période de crise économique, chaque pays s'appuie sur ses fondamentaux, empêchant l'établissement d'une véritable politique européenne. Des concurrences industrielles expliquent également l'échec de l'émergence d'une véritable concertation européenne – souvent présentée sous le slogan « d'Airbus de l'énergie » – au profit d'une logique de marché commun. La question de la souveraineté est minée par ces échecs successifs. En période de crise, les décisions plus tranchées peuvent-elles être prises ou non ? Celle que nous traversons semble montrer le contraire.

M. Laisney a évoqué la dépossession des citoyens sur la question énergétique. Je ne suis pas certain que les citoyens aient déjà été dotés de pouvoir en ce domaine. Je ne pense donc pas que l'on puisse parler de dépossession. Ainsi, Madame Laernoes, le rôle de l'État comme garant de la fourniture d'énergie fait figure d'évidence dans le système français. De même que l'État a apporté aux Français une énergie relativement abondante, il a mené une politique d'économies d'énergie. Dès 1974, le discours à destination des citoyens s'appuie sur le slogan « en France on n'a pas de pétrole, mais on a des idées ». La promotion des économies d'énergie comme politique publique, au même titre que celle de l'abondance énergétique, relève de ce rôle de l'État. La situation a toutefois changé, puisque dans les années 1950-1960, le consommateur était assez infantilisé. Ce n'est plus le cas. La singularité française dans le domaine énergétique reste toutefois le rôle assigné à l'État dans les usages.

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