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C'est aberrant, mais la même cérémonie de maltraitance animale interdite à Paris, Nantes ou Strasbourg, est autorisée à Béziers ou à Nîmes. Comment tolérer encore aujourd'hui cette incohérence qui permet à des corridas de se tenir dans certaines villes françaises alors qu'elles sont interdites par la loi commune ?
Les défenseurs de la corrida convoquent généralement Hemingway et Picasso comme arguments d'autorité : « Ah, ils aimaient la corrida, donc la corrida c'est bien. » Pour ma part, je préfère citer Robert Badinter qui disait, il y a quelques semaines : « La corrida est une des expressions de la culture du sang et de la mort. Ce ne sera jamais la mienne. »
Chers collègues, aujourd'hui, nous pouvons choisir d'abolir la corrida.
D'abord, je tiens à vous faire part de mon émotion de prendre la parole devant vous, en ce moment historique, pour défendre l'abolition de la corrida. Samedi dernier, lors d'une manifestation en soutien à cette proposition de loi, j'ai entendu le témoignage d'une petite fille.
Elle disait son incompréhension devant ce spectacle de douleur sans nom qu'est la corrida ; elle formait le vœu que les adultes écoutent parfois davantage le bon sens des enfants. Je ne vous cache pas qu'elle m'a rappelé une autre petite fille, qui ne comprenait pas non plus que son pays permette tant d'inhumanité dans les arènes, tant de violence vis-à-vis d'un animal. Cette petite fille ne se doutait pas qu'elle aurait un jour la chance de monter à la tribune de l'Assemblée nationa...
Ce jour est arrivé. Enfin, l'abolition de la corrida est discutée dans l'hémicycle ; enfin, nous avons l'occasion, ensemble, de réparer ce qui n'est rien d'autre qu'une erreur tragique de notre droit. En 1853, l'empereur Napoléon III, pour les beaux yeux de son épouse Eugénie, a importé la corrida d'Espagne, au mépris de la loi de notre pays. En effet, la première loi visant à protéger les animaux avait été promulguée trois ans plus tôt.
C'était la loi Grammont, du nom de ce général qui s'était ému des mauvais traitements imposés aux chevaux dans les rues de Paris. Elle interdisait tout acte de cruauté envers un animal domestique en public. La corrida a donc toujours été illégale
mais on l'a laissée prospérer pour complaire à la couronne impériale, à tel point qu'au lieu de sévir, de faire appliquer la loi, comme la raison le commandait, on a fini cent ans plus tard par adapter la loi au crime, en accordant une dérogation pour la corrida. Il est donc encore possible de torturer un animal en France dès lors qu'il s'agit d'un taureau, dans les arènes de quelques villes du sud de la France. Or on ne parle pas de petites souffrances.
Pendant la corrida, le taureau est transpercé de part en part, d'abord par la pique du picador, puis par les banderilles, qui portent un joli nom ensoleillé mais sont en fait des harpons qui s'agrippent dans la chair. Puis viennent les épées, enfin le couteau pour le coup de grâce – je devrais plutôt dire les coups de grâce puisque, bien souvent, il faut s'y reprendre à plusieurs fois.
L'animal vacille, tremble, aveuglé par le sang, il tombe, puis se relève dans la douleur, parfois même il vomit du sang. Qui peut dire sans ciller qu'il ne souffre pas ? S'il en était besoin, l'Ordre national des vétérinaires l'a de toute façon affirmé sans hésitation, dans un rapport paru en 2015 : oui, le taureau souffre pendant la corrida. Ni la sélection génétique ni les conditions d'élevage n'y font rien. Cette pratique est tout simplement parfaitement incompatible avec toute préoccupation de bien-être animal.
...Collègues du groupe Renaissance, l'an dernier, presque à la même date, vous votiez fièrement une loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. « Conforter le lien entre les animaux et les hommes » : c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous parlons de notre lien aux animaux, au vivant. Selon l'explorateur et naturaliste Théodore Monod : « La corrida est le symbole cruel de l'asservissement de la nature par l'homme. » Tout est dit. La corrida n'implique nulle notion de subsistance, nulle nécessité d'aucune sorte. Le taureau est traité en objet dont on peut disposer ; il souffre et meurt pour notre bon plaisir, pour notre divertissement. Quelle meilleure allégorie d'une domination totale ?
...les animaux comme des êtres sensibles, capables de ressentir la douleur. C'est même écrit noir sur blanc, dans le code rural – aux articles L. 214-1 et suivants –, et dans le code civil – à l'article 515-14 – : les animaux sont des êtres sensibles et doivent être traités comme tels. Prenons exemple sur la Catalogne qui fut une place forte mondiale de la tauromachie et qui a pourtant mis fin à la corrida il y a dix ans déjà.
Enfin, chers collègues du sud, dont je suis : soyez raisonnables ! Vous le savez, la féria n'est absolument plus synonyme de corrida.
La population est majoritairement opposée à la corrida, même dans les terres dites taurines. On y aime les courses de vachettes bon enfant, oui, beaucoup moins les corridas avec mise à mort.
Selon un sondage Ifop de février dernier, 87 % de nos concitoyens souhaitent la fin de cette dérogation au code pénal qu'est la corrida.
…avec le groupe La France insoumise sur ce projet d'en finir en France avec cet acte de torture qu'est la corrida, j'ai beaucoup entendu parler de courage. Je regrette de n'en pas voir davantage dans cet hémicycle, à ce moment précis.
de tout faire pour refuser le vote qui vous donnerait tort, pour ne pas donner satisfaction aux 87 % de Français qui réclament l'abolition de la corrida en France.