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...eur fragile par essence, dont la conservation et l'amélioration nécessitent à la fois de l'attention et des investissements – c'est précisément le rôle de la puissance publique. Or la centralisation de notre pays renforce la concentration des richesses et des investissements à Paris et dans sa région. La culture en est un exemple assez caricatural. Prenons les monuments nationaux : le Louvre, le musée d'Orsay, les opéras et grands théâtres sont très majoritairement concentrés dans une toute petite superficie du territoire national.
...e propos, je suis favorable à un réel transfert des compétences et des moyens afférents vers les régions, ce qui permettrait d'assurer davantage d'équité. Laissez-moi évoquer un chiffre qui parlera à tous : le Louvre-Lens, inauguré en grande pompe en 2012, a été financé à hauteur de seulement 1 % par l'État, le reste ayant été pris en charge par les collectivités locales et l'Union européenne. Le musée du même nom à Paris, lui, est pourtant financé à 100 % par l'État. Peut-on réellement parler de justice ? Qu'est-ce qui justifie cette différence de traitement ? Autre exemple : l'opéra de Bordeaux n'est financé par l'État qu'à hauteur de 21 %, soit bien moins que les deux opéras de Paris. Tout laisse à croire qu'aujourd'hui, dans notre pays, si l'on souhaite accéder à la culture et à la création...
...jets de grands travaux patrimoniaux programmés pour la période 2020-2027 et représentant en tout 1 670 millions d'euros, seuls deux, totalisant 242 millions, se situent hors de l'Île-de-France. Je pourrais poursuivre en ce sens : les exemples abondent. Cependant, il ne s'agit pas tant d'une fatalité que d'une réalité intangible : aucune décentralisation ne parviendra à transplanter le Louvre, le musée d'Orsay, le Grand Palais, Versailles ou, s'agissant de spectacle vivant, la Comédie-Française ou l'opéra de Paris. La plupart des grandes institutions culturelles, celles qui consomment logiquement le plus de crédits, sont franciliennes et le resteront ; il s'agit d'ailleurs là d'un atout touristique et d'une source de rayonnement majeurs. De même, l'Île-de-France est et demeurera la première rég...
...ux vaut être implanté dans la capitale que partout ailleurs en France. Prenons un exemple classique, l'opéra : sur les 220 millions reçus par celui de Paris, 43 % proviennent de l'État, pas un centime de la ville ; sur les 26 millions alloués à l'opéra national de Bordeaux – sans surprise, son budget est moindre –, 65 % le sont par la ville, 19 % par le ministère. Tournons-nous à présent vers les musées : rien d'étonnant à ce que celui du Louvre, le plus grand du monde, visité chaque année par plus de 7 millions de personnes, bénéficie de l'un des budgets les plus importants dans le cadre du financement national des établissements publics culturels. En revanche, comment expliquer que l'État ne verse au Louvre-Lens, cette antenne censée concourir à la démocratisation culturelle, que 300 000 euro...
...e la répartition des crédits continue de s'opérer au profit des monuments franciliens : en 2021, la région a ainsi bénéficié de 67 % des crédits exécutés dans le cadre du programme 175, Patrimoines. C'est dans le domaine patrimonial, du reste, que la concentration en région parisienne des crédits du ministère de la culture est la plus importante : 90 % des fonds consacrés au patrimoine des musées de France et 85 % de ceux prévus en faveur des acquisitions et de l'enrichissement des collections publiques y sont condensés – on a affaire à une hyperconcentration, pour reprendre l'intitulé du débat. Treize opérateurs franciliens de l'État doivent recevoir en 2023 36 % des crédits de paiement de ce programme, alors même qu'ils disposent de ressources importantes : en 2019, quand le taux de re...
...eu de politique publique, les équilibres territoriaux ayant été redessinés à la faveur de l'acte III de la décentralisation au cours de la dernière décennie. Le glissement de focale du territoire national aux territoires est le signe d'une volonté de saisir les dynamiques spatiales afin de mieux articuler les enjeux locaux aux politiques publiques nationales. Je me réjouis ainsi de l'ouverture de musées nationaux en régions, avec le Louvre-Lens et le centre Pompidou-Metz, des projets cofinancés par l'État et les collectivités. Il faut continuer d'encourager, à l'avenir, cette logique consistant à faire sortir la culture de Paris et à favoriser une politique du « aller vers ». La répartition par zone d'emploi confirme que les professions culturelles se concentrent d'abord dans les grandes métro...
« À Paris, les théâtres impériaux, chargés de l'âme de la jeunesse […] ! Le théâtre, pour Stendhal […], ce n'était pas Grenoble, c'était Paris. […] Et que dire de la musique, de la peinture ! Napoléon avait créé le plus grand musée du monde, il l'avait créé au Louvre. » C'est ainsi que Malraux décrivait le fossé culturel entre Paris et le reste de la France lors de l'inauguration de la maison de la culture de Grenoble, le 4 février 1968. Ce fossé est notre héritage historique. Les politiques culturelles ont permis pendant plus d'un demi-siècle de développer les institutions nationales à travers le territoire et de renforce...
... elle n'est pas une fatalité, car nous avons clairement des leviers pour la combattre. Si près de 60 % des crédits du ministère de la culture ont été dépensés en Île-de-France en 2022, c'est majoritairement parce que cette région concentre historiquement, et encore actuellement, des infrastructures culturelles majeures. Ainsi, la région francilienne dispose de près des deux tiers des soixante-six musées nationaux. En miroir, plusieurs d'entre vous l'ont souligné, reconnaissons que l'Île-de-France est une source d'attractivité culturelle internationale majeure, et que les ressources de ce tourisme bénéficient aussi indirectement à l'ensemble des régions de France. Depuis 2017, nous avons eu à cœur de concrétiser une meilleure répartition des moyens, afin d'aller vers ceux qui sont dits éloignés...
Du fait de son histoire et du nombre d'habitants qu'elle abrite, la région Île-de-France concentre une grande part des lieux de spectacle vivant, des monuments, des musées et des crédits d'action culturelle. Les budgets culturels des autres régions s'en trouvent amoindris : selon la Drac, le soutien du ministère de la culture représentait 22 euros par habitant en 2019 dans ma région, l'Auvergne-Rhône-Alpes, contre 168 euros par habitant en Île-de-France. Les régions et les grandes villes pallient le manque de crédits alloués par l'État à la culture, mais qu'en es...
...es années futures ? S'il n'est pas question de réduire les moyens des grandes institutions parisiennes, surtout lorsqu'elles se déploient ailleurs dans le territoire, quand verrons-nous de réelles incitations financières supplémentaires, ouvrant à une décentralisation des artistes, des compagnies et des ensembles musicaux, notamment dans les territoires ruraux ? Quels soutiens seront accordés aux musées régionaux qui ont été mis en difficulté par la période du covid-19, comme celui de Lodève ? À quelques heures de la présélection des villes françaises candidates au statut de capitale européenne de la culture en 2028, l'importance des investissements en dehors de Paris se fait plus que jamais ressentir. Quels engagements prend votre ministère pour soutenir la ville qui sera retenue ?
Pour ma part, je ne poserai qu'une question : je la garde pour la fin. Nous partageons largement le constat de l'hyperconcentration francilienne de la culture. Pour y remédier, je considère qu'il convient de renforcer deux tendances : la décentralisation de la culture et son mouvement vers la ruralité. En effet, le tiers des théâtres et les deux tiers des musées nationaux sont situés en Île-de-France. Les collectivités territoriales travaillent en ce sens : elles constituent le premier acteur culturel et représentent 72 % de la dépense culturelle publique. Toutefois, le ministère de la culture se doit d'être tête de proue grâce à son expertise, son réseau et ses ressources. Étant élu dans une circonscription rurale dont la plus grande ville ne compte q...
... plusieurs mois, faute d'accord de l'État pour leur restauration. De nombreuses villes emploient pourtant du personnel à même de traiter directement avec des restaurateurs pour une intervention plus rapide. Par ailleurs, les critères d'attribution des subventions sont définis par le ministère de la culture sans qu'il ait toujours une connaissance précise des réalités locales. Si, dans les grands musées parisiens les collections se suffisent souvent à elles-mêmes, c'est loin d'être le cas dans tous les musées de province, d'où la nécessité d'une approche culturelle plus populaire, c'est-à-dire plus accessible. Dans le but de rendre la culture plus accessible, ne faudrait-il pas, d'une part, revoir le fonctionnement des commissions scientifiques régionales de conservation et restauration et, d'...