Publié le 8 mars 2024 par : M. Bourlanges, M. Berta, M. Bolo, Mme Morel, Mme Clapot.
I. – À la première phrase de l’alinéa 8, après le mot :
« Autorité »
insérer le mot :
« indépendante ».
II. – En conséquence, à la même phrase du même alinéa, substituer aux mots :
« entre, d’une part, la personne responsable de l’expertise et, d’autre part, la personne responsable »
les mots :
« et assure l’indépendance entre, d’une part, les personnes responsables de l’expertise et de sa validation et, d’autre part, la personne ou les personnes responsables de l’élaboration ».
La séparation de l’expertise et de la décision est un des fondements de l’intégrité et de la crédibilité du système de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection depuis 1973, date de création du Service central de la sûreté des installations nucléaires (SCSIN). Cette intégrité et cette crédibilité sont primordiales pour supporter les décisions et développer la confiance du public. Elle repose actuellement sur deux acteurs (IRSN et ASN) aux missions bien différentiées.
Si la distinction des personnes en charge de l’expertise et de la décision est nécessaire, il convient également de garantir l’indépendance des personnes responsables de l’expertise, ce que propose cet amendement. Le positionnement de personnes différentes en charge de l’expertise et de la décision au sein d’une même unité n’apporte pas une garantie suffisante d’indépendance de l’expertise. Surtout, si ces personnes entretiennent des liens hiérarchiques. Il est proposé d’étendre les exigences de distinction et d’indépendance aux personnes en charge de la validation de l’expertise.
Cette distinction et cette indépendance entre expertise et décision doivent être précisées en lien avec l’article L. 592-13-3 (nouveau) concernant les groupes permanents d’experts (GPE). Aujourd’hui, de nombreux experts de l’IRSN siègent dans ces GPE. A contrario, aucun membre de l’ASN n’y siège. En effet, comme ces groupes sont en appui de l’Autorité dans sa mission de prise de décision, aucune personne participant à la prise de décision n’y siège. En l’absence de distinction et d’indépendance claires entre les personnes en charge de l’expertise et celles en charge de la décision, c’est l’ensemble des experts de l’AISNR qui devront quitter les GPE. Ceci réduira significativement la compétence globale de ces instances et conduira à donner une place majeure aux exploitants nucléaires qui y siègent.
Les règles de prévention des conflits d’intérêt imposent aux agents de l’ASN en charge de la décision ou de l’inspection de respecter un délai de 3 ans suivant la cessation de leurs fonctions à l’ASN avant de pouvoir aller travailler chez un exploitant nucléaire qui a été dans le périmètre de leurs missions. Actuellement, l’application de ces règles aux chercheurs et experts de l’IRSN ne conduit que très rarement à cette contrainte des 3 ans, car leurs liens d’intérêts avec les décisions sont inexistants ou négligeables. En l’absence de distinction et d’indépendance entre expertise et décision, la règle des 3 ans s’appliquera à l’ensemble des personnels techniques de l’AISNR. Cette disposition a un effet limité pour les fonctionnaires qui ont des parcours professionnels dans les différents services de l’état. Elle aura un effet majeur sur les parcours professionnels des salariés de droit privé et conduira à des départs préventifs de salariés de l’IRSN. Elle réduira également fortement l’attractivité de la future autorité, les futurs candidats n’accepteront pas d’être bloqués dans l’AISNR ou d’être obligés de sortir du secteur nucléaire pendant 3 ans, au risque de perdre leurs compétences.
Le courrier de la cnDAspe « CNDA/MR/2024-02 » indique :
« Les prescriptions fortes de l’Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), en particulier dans ses documents TECDOC 1835 (2018) sur les « Organismes d’appui technique et scientifique aux fonctions réglementaires », qui soulignent l'importance d'assurer l'indépendance de ces instances chargées de fournir l'expertise scientifique et technique en appui aux autorités responsables de la gestion et de la réglementation2. Ce document précise le principe exposé dans le texte fondamental de l'AIEA (et spécifiquement appelé dans la Directive 2014/87/Euratom du 8 Juillet 2014) intitulé « Prescriptions générales de sûreté. Partie 1 : Cadre gouvernemental, législatif et réglementaire de la sûreté », dont la Prescription 20 (Liaison avec des organes consultatifs et des organismes d’appui) dispose en son point 4.18 que « L’organisme de réglementation peut décider de donner un caractère officiel aux processus par lesquels il obtient des opinions et des avis spécialisés. S’il est jugé nécessaire de créer des organes consultatifs, à titre temporaire ou permanent, il est essentiel que ceux-ci donnent des avis indépendants, qu’ils soient à caractère technique ou non ».
Cette indépendance peut connaître des degrés, et différents schémas existent au plan international. Aussi, l'avis de la cnDAspe n'est pas tranché entre un format interne ou externe de ces fonctions d'expertise et de recherche mais recommandait que soit établie au sein de l’organisation intégrée fusionnant l'ASN et l'IRSN (option conservée par le nouveau projet de loi), une direction fonctionnelle chargée de l’expertise et de la recherche, distincte des autres directions de l’établissement, et que cette distinction s’appuie sur un statut juridique solide. »
Cet amendement a été travaillé avec les membres de l'intersyndicale de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
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