Publié le 9 janvier 2023 par : Mme Rousseau, les membres du groupe Écologiste - NUPES.
Rédiger ainsi cet article :
« Après le chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« Chapitre IV bis
« Aide d’urgence et d’accompagnement aux victimes de violences conjugales
« Art. L. 214‑8. – I. – Il est créé une aide d’urgence en faveur des victimes de violences conjugales. Cette aide est à la charge de la caisse nationale des allocations familiales.
« Dans les conditions prévues au présent article, l’aide mentionnée au premier alinéa du présent I est accordée à la victime de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité et attestée par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du code civil, un dépôt de plainte ou un signalement adressé au procureur de la République, notamment en application du 3° de l’article 226‑14 du code pénal.
« Ces violences peuvent également être attestées par le médecin généraliste de premier recours mentionné à l’article L. 4130‑1 du code de la santé publique, le médecin spécialiste de premier ou de deuxième recours mentionné à l’article L. 4130‑2 du même code, le psychologue clinicien diplômé d’État, l’assistant de service social mentionné à l’article L. 411‑1 du présent code, par un document dont les conditions de validité de fond et de forme sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« II. – L’aide octroyée fait naître auprès du conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité auteur des violences constatées dans les conditions prévues au I une créance à due concurrence du montant de l’aide dont il est le débiteur.
« III. – La caisse d’allocations familiales peut procéder au recouvrement de la créance auprès du débiteur par tous moyens, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« IV. – La demande d’aide est formulée auprès de la caisse d’allocations familiales dont la circonscription comprend le domicile du demandeur ou à l’occasion d’un dépôt de plainte, dans les conditions prévues à l’article 15‑3‑2‑1 du code de procédure pénale. En application de l’article L. 264‑1 du présent code, la victime de violences conjugales bénéficiaire de l’aide d’urgence mentionnée au I du présent article peut élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet.
« V. – Le montant de l’aide est versé en trois mensualités par la caisse d’allocations familiales dont la circonscription comprend le domicile du demandeur.
« Le versement de la première mensualité de l’aide intervient dans un délai de deux jours ouvrés après la réception de la demande selon des modalités qui permettent un accès effectif du bénéficiaire aux sommes versées. Les modalités de calculs de cette aide sont prises par décret en Conseil d’État.
« VI. – Le refus d’octroi est motivé. Il ne peut être fondé que sur la méconnaissance des conditions prévues au second alinéa du I et au II.
« VII. – Le bénéficiaire de l’aide d’urgence prévue au présent article peut se prévaloir, pendant six mois à compter du versement de la première mensualité, de la qualité de bénéficiaire du revenu de solidarité active afin que lui soient reconnus les droits et aides accessoires à cette allocation, y compris l’accompagnement social et professionnel mentionné à l’article L. 262‑27.
« VIII. – L’aide d’urgence ne peut être considérée comme une ressource au sens du présent code.
« IX. – Le bénéficiaire de l’aide d’urgence prévue par le présent article est dispensé de la consignation prévue à l’article 88 du code de procédure pénale.
« X. – Toute personne déposant plainte pour des violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité dans les conditions prévues par l’article 15‑3 du code de procédure pénale est informée de l’existence de l’aide d’urgence désormais prévue à l’article L. 214‑8 du code de l’action sociale et des familles »
Cet amendement du groupe Écologiste est un amendement visant à rendre la cohérence entre l’objet de la proposition de la loi visant à « créer une aide universelle d’urgence » et le cœur de son dispositif en le réécrivant.
Il est ainsi proposé que l’aide d’urgence prenne la forme d’une créance de la victime sur son bourreau débiteur, pour laquelle la caisse d’allocation familiale puisse se subroger au droit du créancier afin d’en procéder au recouvrement. L’ensemble des modalités de calculs et de recouvrement sont prises par décret en Conseil d’État.
Dans cette perspective, cette aide ne crée aucune charge pour les organismes et services des prestations familiales concernées. Aussi, le dispositif proposé s'inspire du mécanisme déjà existant en cas de pensions alimentaires impayées et pour lesquelles les CAF peuvent également se subroger.
Bien que le groupe reste sceptique sur l’efficacité d’un seul dispositif d’aide financière qui ne serait pas accompagné d’une réforme structurelle, il n’était pas acceptable qu’une aide pour une femme victime de violences prenne la forme d’un prêt. Au même titre que la pauvreté est phénomène structurel, les violences faites aux femmes sont un phénomène structurel dont les plus vulnérables ne sont pas responsables.
S’il était prévu que la CAF puisse se constituer partie civile afin de récupérer les montants « prêtés » sur les dommages intérêts que devrait payer le conjoint violent, toute mention de prêt restait problématique d’une part, et tout remboursement sur les dommages et intérêts dus à la victime les lui en aurait privé, au titre de la réparation du préjudice subi. Il appartient au conjoint violent d’être seul débiteur des sommes dues au titre de cette aide d’urgence, étant le seul responsable des violences qu’il a commises.
C’est la société patriarcale et sa culture de la domination qui sont à l’origine des violences faites aux femmes, mais également aux enfants. Aucun dispositif d’aide et de soutien ne peut in fine reposer sur les épaules de la victime. Cela revient à inverser à nouveau la logique du soutien et de l’accompagnement que la société doit aux victimes : elles ne sont pas responsables.
Aussi, et pour des raisons de recevabilité, si ce dispositif n’inclut aucune indication quant au montant de l’aide qui sera allouée, les auteurs du présent amendement tiennent toutefois à rappeler que ce dernier ne sera efficace que si l’aide permet une mise à l’abri réelle et effective dans une approche pluridisciplinaire.
Tel est l’objet du présent amendement.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.