Publié le 17 novembre 2022 par : Mme Besse.
Supprimer cet article.
Premièrement, en France, donner une valeur constitutionnelle à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), au regard de l’actualité politique des Etats-Unis, ne peut être un argument pertinent.
Rappelons que l’on ne peut pas faire de parallèle entre la Constitution américaine et la Constitution française, ni entre les systèmes juridiques et législatifs français et américains. La Constitution américaine est séculaire et affirme des grands principes, notamment des droits et libertés individuels fondateurs de l’indépendance américaine, qui lient tous les Etats américains. Au contraire, la Constitution française consiste à organiser les différents pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), sans consacrer des droits et libertés individuelles : ce n’est pas l’objet de la Constitution. Enfin, les Etats-Unis n’ont pas de loi fédérale sur l’avortement, contrairement à la France qui libéralise depuis 1975 sa législation nationale sur l’avortement. On ne peut donc comparer nos 2 constitutions, qui n’ont pas le même rôle.
Deuxièmement, en France, alors qu’aucune constitution ne fait référence, à ce jour, au droit à l’IVG ; en France, cette loi mettrait à mal l’ordonnance juridique. En effet, la « constitutionnalisation » d’un « droit à l’avortement » pourrait conduire à s’opposer à d’autres droits constitutionnels tels que la liberté de conscience, reconnue comme une liberté constitutionnelle par le Conseil constitutionnel en 1977 (déc. n° 77-87 DC, 23 novembre 1977) mais aussi la liberté personnelle ou encore la protection de la santé publique.
Troisièmement, l’interruption volontaire de grossesse n’est pas menacée en France.
En 2021, ce sont plus de 223 000 avortements en France. Ce nombre est d’ailleurs assez stable depuis le milieu des années 2000 selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).
La loi du 3 mars 2022 a même renforcé le recours à l’avortement. Les mesures suivantes ont été adoptées :
Allongement du délai à 14 semaines de grossesse et à 7 semaines pour les avortements médicamenteux. Création d’un répertoire de professionnels pratiquant l’IVG, pratique des avortements chirurgicaux autorisée pour les sage-femmes et suppression du délai de réflexion de 48 heures.
Quatrièmement, dans le contexte actuel où les entreprises, les collectivités et les ménages français font face à des difficultés majeures : énergétique, économique, sociale, culturelle, d’accès aux soins, quel est l’intérêt immédiat de cette proposition de loi constitutionnelle ? N’y a-t-il pas d’autres priorités ? La politique, ce sont des idées appliquées au réel.
Cinquièmement, en termes de méthode, pour notre démocratie, une modification des dispositions liées à l’avortement, doit relever d’une consultation nationale qui devrait passer par des états généraux de la bioéthique. Un dialogue éclairé est nécessaire avec les Français, les professionnels, le Comité consultatif national d’éthique mais aussi avec toute autre instance dont l’éclairage serait judicieux.
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