Publié le 24 novembre 2022 par : Mme Blin.
Compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante :
« Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse. »
Au cours de la précédente législature, une proposition de loi prévoyait de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG.
Pour les auteurs de la proposition de loi, il y aurait une « double clause de conscience », une spécifique à l’IVG et l’autre de nature générale.
Les deux clauses auraient la même portée et concerneraient tout le personnel soignant. Et donc il y aurait une clause de trop (celle de l’article L2212‑8 du code la santé publique), qu’il faudrait supprimer pour ne pas « stigmatiser » l’IVG par rapport aux autres actes médicaux.
Cet argument est fallacieux pour au moins quatre raisons :
1° La clause générale existait avant la loi de 1975 sur l’avortement. Si donc le législateur a cru bon d’en introduire une spécifique à l’occasion du vote de cette loi, c’est bien qu’il fallait une protection supplémentaire pour le médecin, compte tenu de la portée de l’acte en cause.
2° La clause générale du médecin est de portée plus restreinte. Celle-ci commence par le principe suivant : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. » Ce principe limite le pouvoir d’appréciation du médecin dans au moins deux circonstances citées dans le texte, « le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité ».
Ce cadre juridique est de fait plus restrictif et plus contraignant pour le médecin que l’affirmation solennelle selon laquelle « un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse ».
3° La clause générale n’est pas de nature législative, mais réglementaire. La différence est fondamentale. Une loi apporte une garantie de liberté bien meilleure qu’un décret ministériel. Une loi ne peut être modifiée que par une autre loi discutée au Parlement, avec des débats, des amendements, des votes, une censure possible du Conseil constitutionnel, etc. Un décret peut être modifié du jour au lendemain par le Gouvernement, sans contrainte particulière auprès de l’opinion publique ou des élus.
Si on supprime la clause de conscience de l’article L2212‑8 du code de la santé publique, de nature législative, il ne restera plus que celle de l’article R. 4127‑47, de nature réglementaire, donc beaucoup moins protectrice.
4° La clause générale n’existe pas pour tous les autres personnels soignants. Certes, une clause générale similaire à celle du médecin existe pour des sages-femmes (article R. 4127‑328 du code de la santé publique), et pour la profession d’infirmier (article R. 4312‑12 du même code).
Mais ces clauses générales, de nature réglementaire, comportent les mêmes limites et conditions que celle du médecin (voir analyses dans le 2° et le 3° ).
Par ailleurs, il existe d’autres professions qui pourraient être amenées à participer, de près ou de loin, à la réalisation d’une IVG, comme par exemple celle d’aide-soignant.
Or la clause spécifique IVG dispose clairement que « Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse. »
Il s’agit d’un droit fondamental des soignants qui sont tenus d’agir en responsabilité et de manière éclairée. Supprimer cette clause reviendrait à transformer les professionnels de santé en prestataires de service ce qui remettrait en cause la spécificité de ces professions, à l’encontre de la déontologie médicale.
Une telle initiative contre la clause de conscience des médecins peut se reproduire. Il convient donc, compte tenu de la portée de l'acte, de préserver cette clause en l'inscrivant dans cette proposition de loi constitutionnelle.
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