Publié le 3 octobre 2022 par : M. Guedj, M. Aviragnet, M. Califer, M. Delaporte.
L’article L. 6146‑3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels médicaux peuvent exercer des missions de travail temporaire dans les établissements publics de santé, dans les conditions prévues à l’article L. 334‑3 du code général de la fonction publique, pour une durée maximale de six mois cumulés sur une période glissante de cinq ans. Dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434‑4 du présent code, cette durée maximale, comprenant le cas échéant la durée effectuée hors de ces zones, est portée à vingt-quatre mois. »
Cet amendement de repli des députés « Socialistes et apparentés » vise à réguler l’intérim médical en limitant l’exercice d’activité de médecine intérimaire à 6 mois cumulés par période de 5 ans ; portée à 24 mois dans les zones en sous-densité.
L’intérim médical est en effet un phénomène croissant qui déstabilise les établissements publics de santé sur l’ensemble du territoire.
Le phénomène connait tout d’abord une forte croissance. En 2013, le rapport Véran sur l’emploi médical temporaire à l’hôpital estimait que 6 000 médecins occupaient des postes vacants à l’hôpital via des missions d’intérim, générant un surcoût pour les établissements de santé de plus de 500 millions d’euros. En 2018, la DGOS lors d’une audition devant le Sénat évaluait ce surcoût à 1,42 milliard d’euros, soit un quasi-triplement en 5 années.
Cette croissance exponentielle déstabilise les établissements publics de santé sur l’ensemble du territoire.
Elle compromet tout d’abord la cohésion des équipes soignantes, qui voient cohabiter des personnels engagés dans la durée, et des personnels exerçant parfois une seule journée et en moyenne quelques semaines. Elle rend difficile la conception et la mise en oeuvre de projets de santé répondant à des besoins de santé territoriaux.
Elle compromet ensuite la situation financière des établissements de santé contraints de faire appel à l’intérim médical. En effet, le coût horaire d’un professionnel de santé en intérim est très largement supérieur à celui des professionnels de santé titulaires. A titre d’exemple, des contrats de professionnels de santé prévoient des rémunérations allant de 10 000 à 20 000 € nets par mois. Souvent situés en déserts médicaux, ces derniers sont alors condamnés à une double peine : le manque d’attractivité auprès des professionnels de santé et la dégradation de leur situation financière, souvent prélude à des contrats de reprise de la dette pilotés par l’ARS territorialement compétente.
Enfin, elle n’offre pas un cadre adéquat pour garantir une qualité des soins optimales dans la mesure où l’engagement des professionnels de santé intérimaires n’est pas toujours le même que celui des personnels titulaires
Initialement conçu par la loi comme un palliatif aux problèmes conjoncturels d’attractivité que peuvent rencontrer les établissements publics de santé, le recours à l’intérim médical est devenu structurel, sans que la cause ne soit traitée.
Face à cette croissance forte, le législateur et le pouvoir règlementaire ont pris successivement différentes mesures.
Tout d’abord, la rémunération des professionnels de santé intérimaires est encadrée par le décret n° 2017‑1605 du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé et par l’arrêté du 24 novembre 2017 fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d’une mission de travail temporaire. Ces dispositions s’appliquent uniquement aux intérimaires rémunérés directement par l’entreprise de travail temporaire et non aux contrats de gré à gré, illégaux mais bien existants.
Face à l’absence de contrôle du respect de ces dispositions, le législateur a dans l’article 33 de la loi n° 2021‑502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification donné au directeur régional de l’ARS un pouvoir de déferrement devant le tribunal administratif des situations de contrats illégaux avec des professionnels de santé intérimaires. Il a également confié au comptable public le pouvoir de rejeter le paiement de rémunérations dépassant les plafonds autorisés.
Ces dispositions ne sont pas entrées en vigueur, le ministre de la santé déclarant lors d’une audition le 11 octobre 2021 que « c’était une question de temporalité ». Nous sommes en automne 2022, la loi votée ne s’applique toujours pas.
Les signataires du présent amendement constatent que ce cadre de contrôle ne permettra pas d’enrayer la croissance de l’intérim médical et ses dégâts pour l’hôpital public.
Il est donc proposé par repli de l’amendement précédent de réguler l’intérim médical en limitant l’exercice d’activité de médecine intérimaire à 6 mois cumulés par période de 5 ans ; portée à 24 mois dans les zones en sous-densité.
Aussi, parce que l’existence de l’intérim médical engendre de graves dysfonctionnements dans les hôpitaux, sans que les différentes dispositions prises par le législateur n’aient réussi à freiner son poids croissant, les auteurs de cet amendement souhaite sa régulation.
Tel est l’objet du présent amendement.
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