Publié le 29 mars 2024 par : M. Caron.
Après l’alinéa 2, insérer l’alinéa suivant :
« Ce fonds comporte un volet entièrement consacré au financement de la conversion des élevages vers des productions végétales, en ce qui concerne l’accompagnement et la formation de la reconversion professionnelle, la transformation des infrastructures et l’accompagnement social. »
Cet amendement prévoit explicitement un volet de financement, au sein du fonds prévu par l’article 2, en faveur de la reconversion des éleveurs et des structures d’élevage. En effet, si la nécessité d’un fonds en faveur de la transition agroécologique est indispensable, il est également nécessaire d’y prévoir un volet dédié à la transformation des élevages vers des productions végétales.
La consommation de viande est à l’origine de nombreux problèmes : environnementaux, sanitaires, éthiques, financiers. A l’occasion des 40 ans de la première conférence mondiale sur le climat, 11 000 scientifiques venant de 153 nations ont lancé un nouveau cri d’alerte sur le changement climatique, préconisant notamment de réduire notre consommation de viande. En effet, en plus des souffrances animales indicibles qu’elle occasionne, la production de viande est extrêmement polluante.
La consommation de viande est d’une part responsable d’une grande partie de nos émissions de gaz à effet de serre. L’agriculture est en effet le deuxième poste d’émissions de GES de la France (19 % du total national et 85 MtCO2 eq. émis en 2019). L’élevage (fermentation entérique et gestion des déjections) contribue à 68 % des émissions nationales de méthane. Le rapport de janvier 2024 du Haut conseil pour le climat (HCC) indique que « les produits d’origine animale sont responsables de la majorité de l’empreinte carbone alimentaire (61 %), suivis des boissons (15 %). »
L’étude de l’ADEME intitulée « Transition(s) 2050 », publiée en novembre 2021, se base sur 4 scénarios permettant, chacun à une proportion différente, d’atteindre la neutralité carbone en 2050 en s’efforçant de baisser nos émissions de GES. Le scénario n° 1, le plus ambitieux en la matière, présente les meilleurs résultats en termes de réduction d’émissions de GES (passage de 401 mtCO2eq en 2015 à -42 en 2050), de baisse de recours à l’irrigation, entre autres. Ce scénario est également celui qui préconise une diminution de la consommation de viande d’au moins 70 %.
Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), rappelait que la chaîne alimentaire pesait pour environ un tiers des émissions de GES. La consommation de viande en est un des principaux contributeurs, en grande partie due à la déforestation des terres destinées à l’élevage ou à l’alimentation du bétail et des rejets de méthane. En France, l’agriculture est le deuxième poste d’émissions de GES, avec 19 % du total national et 85 MtCO2 eq. émis en 2019. L’élevage (fermentation entérique et gestion des déjections) est la source de 68 % des émissions nationales de méthane.
Le rapport du GIEC l’avait confirmé avec force : la réduction de consommation de viande, rouge mais pas seulement, est une mesure d’adaptation afin de baisser nos émissions de GES, réduire la pression sur les terres et les eaux, et donc notre vulnérabilité au changement climatique. Le rapport explique que « l’intensité des émissions dues à la viande rouge signifie que sa production à un impact disproportionné sur le total des émissions de gaz à effet de serre ».
Mais la consommation de viande et de charcuterie est également nocive pour la santé. C’est un aliment non nécessaire pour la santé humaine, et qui est beaucoup trop consommé en France.
Dans un rapport publié en novembre 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait qu’en 2020, 2,4 millions de décès dans le monde et environ 240 millions d’euros de coûts de soins de santé étaient imputables à la consommation excessive de viande rouge et transformée. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) publiait qu’une forte consommation de viande rouge et de viandes transformées (charcuterie, salaison, conserves, produits à base de viande) était associée à un risque accru de cancer colorectal. Cette même organisation a classé la charcuterie comme cancérogène avéré pour l’homme en 2018.
La consommation de viande en France est par ailleurs, selon l’INRAE, bien supérieure aux besoins nutritionnels : « aujourd’hui, en France, 65 % de notre apport en protéines est d’origine animale », et que « l’excès de consommation de produits animaux entraîne un déséquilibre nutritionnel du régime alimentaire qui, s’il est chronique, peut contribuer à favoriser la survenue de surpoids et de maladies telles qu’hypertension, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, etc. »
La consommation de viande est ainsi un enjeu de santé publique majeur, et à ce titre, doit être découragée, selon de nombreux organismes publics internationaux et français, tels que l’OMS, l’INRAE, le CIRC, le GIEC et le Haut conseil pour le climat (HCC).
Dans son rapport de janvier 2024, le HCC indique qu’« en suivant une approche d’ensemble, une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole à l'horizon 2050 est réalisable, à condition d’être accompagnée d’une baisse d’au moins 30 % de consommation de produits d'origine animale et d’un report vers d’autres sources de protéines, de soutien et accompagnement des acteurs, et d’actions renforçant larésilience du système alimentaire, qui est un prérequis à l’atteinte des objectifs climatiques de la France. » Plus loin, le HCC insiste « Réduire l’empreinte carbone de l’alimentation, au-delà de la réduction des émissions de l’agriculture, nécessite de décarboner l’ensemble du système alimentaire, d’adopter une alimentation saine et moins riche en produits d'origine animale ».
Pourtant, il est possible de réduire notre consommation de viande, par le biais notamment de politiques publiques efficaces de réduction des cheptels, de l’interdiction l’élevage intensif, afin de limiter nos émissions de gaz à effet de serre (GES), et de la transition vers une alimentation végétale, meilleure pour la santé et bien moins polluante. Le HCC dans son rapport de janvier 2024 recommande d’ailleurs notamment de :
- Augmenter les budgets alloués aux aides couplées et aux interventions sectorielles pour les légumineuses et les fruits et légumes, pour faciliter l’évolution de l’offre de protéines végétales.
- Encourager le développement de nouvelles filières (ex. légumineuses, cultures intermédiaires) permettant des réductions d’émissions et alignées avec la nécessité d’augmenter la consomma- tion de protéines végétales.
L’instauration d’un fonds de financement à la reconversion des éleveurs et des infrastructures vers des productions végétales permettrait de donner corps à ces recommandations et aurait de nombreuses vertus : éthique, évidemment, car une agriculture végétale est bien plus respectueuse de la biodiversité, des écosystèmes et du bien-être animal.
Sociale également, les éleveurs étant le plus touchés par le suicide, et étant également les agriculteurs les plus touchés par la pauvreté, le taux de pauvreté dépassant les 20 % dans les filières bovins viandes (21,5 %), ovins-caprins (23,6 %). Les revenus mensuels des exploitants agricoles sont par ailleurs, en filière d’élevage, les plus bas (680 euros la production d’ovins, caprins ; 1480 euros pour la production de bovins). Sanitaire ensuite, le Programme national nutrition santé (PNNS) recommandant d’ailleurs d’augmenter la consommation de légumineuses (au moins 2 fois par semaine), en raison de leur richesse en fibres.
Écologique enfin car la production de viande est très polluante, et un tel fonds d’aide à la reconversion permettrait d’amorcer une réelle transition vers un système alimentaire végétal, plus durable comme le préconise l’ADEME dans son scénario n° 1 lequel prévoit une réduction de 70 % de notre consommation de viande, et comme le préconise le HCC dans son rapport de janvier 2024.
Une politique publique ambitieuse de transition vers l’agriculture végétale est en effet nécessaire pour limiter les maladies cardio-vasculaires et pour limiter les externalités écologiques négatives de l’élevage intensif. Cela irait dans le sens d’une recommandation faite par la Cour des comptes dans un rapport sur le soutien public aux élevages de bovins de novembre 2022, qui préconise de définir une stratégie de réduction du cheptel bovin cohérente avec les objectifs climatiques du « Global Methane Pledge » signé par la France, en tenant compte notamment des objectifs de santé publique et de souveraineté alimentaire.
Nous proposons, pour toutes ces raisons, de dédier un volet du fonds prévu à l’article 2 de la présente proposition de loi à la transition vers un modèle agricultural végétal, par essence plus durable et éthique. Les subventions publiques doivent s’orienter vers un type d’agriculture plus respectueux de l’environnement et du bien-être animal.
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