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Contrôler l'immigration améliorer l'intégration — Texte n° 1943

Amendement N° 2688 (Sort indéfini)

(1 amendement identique : 2358 )

Publié le 8 décembre 2023 par : M. Julien-Laferrière.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Texte de loi N° 1943

Article 4 bis A

Rédiger ainsi cet article :

« L’article L. 554‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 554‑1. – L’accès au marché du travail est autorisé au demandeur d’asile disposant d’une attestation de demande d’asile, à partir du quatrième mois suivant l’enregistrement de sa demande et jusqu’à la décision définitive ou jusqu’au transfert vers un autre État.
« Le même accès au travail est autorisé pour les personnes arrivant en France par le biais de programme de réinstallation, dès l’enregistrement de leur demande d’asile. »

Exposé sommaire :

Le cadre juridique actuel permet au demandeur d’asile de demander une autorisation de travail si l’OFPRA n’a pas statué dans un délai de six mois, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur. Avant d’accorder l’autorisation de travail, le préfet effectue de nombreuses vérifications notamment relatives au marché du travail sur le territoire et à la situation de l’employeur.
Le droit européen, normalement transposé en France depuis 2015, impose quant à lui que les États membres « veillent à ce que les demandeurs aient accès au marché du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale lorsque aucune décision en première instance n’a été rendue par l’autorité compétente et que le retard ne peut être imputé au demandeur » (les États peuvent prévoir un délai inférieur à 9 mois comme l’a fait la France), tout en précisant que les États doivent garantir « un accès effectif au marché du travail » et ne peuvent refuser cet accès « durant les procédures de recours, lorsqu’un recours formé contre une décision négative prise lors d’une procédure normale a un effet suspensif, jusqu’au moment de la notification d’une décision négative sur le recours » (directive Accueil, article 15).
Le Conseil d’État (15 juillet 2020) a limité la portée de ces dispositions en indiquant notamment que le droit au travail ne pouvait être sollicité qu’entre la date au-delà de laquelle l’OFPRA a dépassé le délai de 6 mois et la décision de l’OFPRA, sans s’étendre ensuite à la phase de recours – ainsi si l’OFPRA statue par exemple au 7ème mois, le demandeur d’asile n’aura eu qu’1 mois pour demander à travailler même si sa demande d’asile est encore instruite plusieurs mois en phase de recours. Il a en revanche précisé que les demandeurs d’asile sous procédure étaient concernés par le délai imposé par le droit européen et, à défaut de précisions dans la loi française dans ce domaine, devaient pouvoir accéder au marché du travail au-delà de 9 mois après la première introduction de leur demande en France. La Haute juridiction administrative a ainsi admis la non-conformité du droit français au droit européen sur ce sujet précis.
Ce cadre juridique actuel ne permet donc qu’un accès très limité au travail pour les demandeurs d’asile. Le dernier rapport sur le sujet, publié en 2020 par les députés S. Dupont et J.N. Barrot, soulignait un « accès restreint et peu incitatif au marché du travail » pour les demandeurs d’asile et ne disposait que de chiffres pour l’année 2017 (997 autorisations de travail délivrées cette année-là). L’étude d’impact confirme, à travers des chiffres plus récents, que très peu de demandeurs d’asile sollicitent une autorisation et qu’une minorité d’entre eux se voient autoriser à travailler : entre avril 2021 et avril 2022, sur 4 745 demandes d’autorisation de travail présentées par des demandeurs d’asile, 1 814 ont fait l’objet d’un accord, soit 38,2 % des personnes en ayant fait la demande (soit 1,7% des premières demandes enregistrées en GUDA en 2021).
Il semble donc nécessaire d’élargir et de faciliter l’accès au travail des demandeurs d’asile, à la fois pour favoriser leur intégration et leur autonomie financière mais aussi pour répondre aux besoins de notre économie.
La mesure proposée initialement par le projet de loi pourrait être jugée intéressante au regard de cet objectif, mais elle présente plusieurs difficultés. D’abord, elle introduit une distinction par nationalité qui omet la dimension individuelle de la demande d’asile consacrée par le droit international et européen des réfugiés qui repose sur un examen des situations personnelles. Ensuite, elle ne permet pas de lever les obstacles administratifs qui expliquent en partie la faible sollicitation des autorisations et le nombre limité d’autorisations délivrées par les autorités. Enfin, sa mise en œuvre pourrait amener d’importantes difficultés dans l’accompagnement de ces publics au sein des dispositifs dédiés puisque des demandeurs d’asile dans une situation presque similaire ne disposeraient pas des mêmes droits : par exemple un demandeur d’asile afghan placé en procédure accélérée pour demande tardive n’aurait pas droit au travail tandis qu’un compatriote afghan en procédure normale aurait ce droit au travail immédiat.
Il convient également de souligner les importantes zones d’ombres qui demeurent quant aux modalités de mise en œuvre qui devront être définies par voie réglementaire. L’étude d’impact évoque un taux d’accord de 50% en se limitant aux données de l’OFPRA alors que cette même étude précise que « le taux de protection internationale accordée en France » mentionné dans l’article en question du projet de loi s’apprécie au regard du « pourcentage, par nationalité, de demandeurs ayant obtenu au cours d’une année donnée la reconnaissance du statut de réfugié (…) ou la protection subsidiaire » (incluant donc normalement la phase de recours). À titre d’exemple, le taux d’accord à l’OFPRA était de 44,5% pour les Soudanais à l’OFPRA en 2021, mais le taux global incluant la CNDA dépassait les 60% pour cette nationalité.
Enfin, la mesure proposée dans le projet de loi qui vise selon l’étude d’impact à une « accélération de l’accès au marché du travail (…) pour les demandeurs dont il est le plus probable qu’ils obtiendront ce statut, afin d’accélérer leur parcours d’intégration et de lutter contre le travail dissimulé », ne répond pas au vide juridique constaté aujourd’hui pour les réinstallés. Lorsqu’ils arrivent en France par le biais de l’accord-cadre conclu en 2008 entre la France et le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ils n’ont pas droit au travail alors qu’ils obtiendront tous une protection suite à la demande d’asile qu’ils doivent formellement déposer. Ceux, plus nombreux, qui arrivent en France dans le cadre des engagements européens et suite à un pré-examen de leur dossier par l’OFPRA dans le cadre des missions foraines, disposent du droit au travail dès leur arrivée mais cette spécificité ne repose que sur des instructions non consacrées par la loi.
Aussi, tout en conservant l’objectif louable visant à favoriser l’accès au travail des demandeurs d’asile, le présent amendement propose plusieurs mesures plus simples à mettre en œuvre et plus pertinentes que celles proposées dans le projet de loi initial.
L’option la plus simple consiste à conserver le délai actuel de 6 mois tout en supprimant la procédure de demande d’autorisation de travail (le dépassement du délai pouvant à lui seul ouvrir le droit au travail) et en incluant les demandeurs d’asile sous procédure Dublin dans ce dispositif conformément à la jurisprudence du Conseil d’État évoquée précédemment. Le délai de 6 mois pourrait cependant être revu à la baisse, en prenant notamment compte de l’accélération des procédures constatée depuis le passage de 9 à 6 mois dans la loi de 2015. Nous proposons ici un délai de quatre mois qui démarre dès l’enregistrement de la demande d’asile, ce qui permet d’inclure l’ensemble des demandeurs d’asile y compris ceux sous procédure Dublin. Les demandeurs pourraient se voir délivrer une attestation de demande d’asile valant droit au travail au-delà de ce délai, afin d’être en mesure de présenter aux employeurs un document attestant de leur droit au travail.
L’amendement permet par ailleurs d’inclure dans la loi une disposition permettant de consacrer un droit au travail dès l’arrivée sur le territoire pour l’ensemble des réfugiés réinstallés.
Les dispositions prévues dans le projet de loi initial, permettant d’accompagner cet accès au travail de formations linguistiques ou professionnelles sont maintenues.

Cet amendement a été rédigé avec Forum Réfugiés.

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