Publié le 20 octobre 2023 par : M. Bazin, M. Neuder.
La section 3 du chapitre II du titre premier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifiée :
1° L’article L. 612‑9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont soumises, à tout moment, à une obligation de garantie financière, les exploitants individuels ou la personne morale exerçant les activités relevant des alinéas 1° , 1° bis, 3° et 4° de l’article L. 611‑1 ».
2° À la fin, sont ajoutés quatre article L. 612‑19‑1, L. – 612-19-2, L. 612-19-3, L. 612-19-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 612‑19‑1. – La garantie financière, mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 612‑9, a pour objet de permettre, en cas de défaillance de l’exploitant individuel ou la personne morale concernée par cette obligation d’assurer :
« - Le paiement des cotisations obligatoires dues à des organismes de sécurité sociale ou à des institutions sociales ;
« - Le paiement des versements conventionnels obligatoires prévus par accord de branche dans le cadre de la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ;
« - Les remboursements qui peuvent, le cas échéant, incomber aux employeurs à l’égard des organismes de sécurité sociale et institutions sociales dans les conditions prévues à l’article L. 244‑8 du code de la sécurité sociale. »
« Art. L. 612‑19‑2. – La garantie financière doit résulter de l’engagement d’un organisme de garantie collective, d’un établissement de crédit ou d’une entreprise d’assurance établis sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou d’une société de financement et habilité à donner caution.
« Le montant de la garantie correspond à un pourcentage du chiffre d’affaires annuel hors taxes, avec un montant minimum, déterminés par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 612‑19‑3. – L’organisme de garantie collective, l’établissement de crédit ou l’entreprise d’assurance mentionnés à l’article L. 612‑21 sont tenus d’informer sans délai le titulaire de la garantie financière et le Conseil national des activités privées de sécurité de la dénonciation de la garantie financière ou de sa mise en œuvre.
« L’autorisation mentionnée à l’article L. 612‑9 alinéa 3 est retirée par le Conseil national des activités privées de sécurité, si l’entreprise ne justifie pas de la garantie financière.
« Sauf urgence ou nécessité tenant à l’ordre public, ce retrait intervient à l’issue d’une procédure contradictoire ».
« Art. L. 612‑19‑4. – Les conditions d’application de la présente section sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
La professionnalisation et la fiabilité des entreprises de sécurité privée ne sont pas encore suffisamment assurées. Un renforcement du secteur, notamment à l’aube des futurs grands événements, est encore nécessaire.
Plusieurs rapports ont souligné les fragilités économiques et sociales du secteur de la sécurité privée dues à sa forte atomisation (12 323 entreprises en 2020, dont 8 559 entreprises à 0 salarié, et en constante augmentation pour ces dernières) et à sa faible rentabilité (1 % de marge en moyenne)[1]. L’objectif initialement recherché avec le CNAPS n’a pas donné les résultats escomptés du point de vue de la régulation économique. En 2018, le rapport public de la Cour des Comptes indiquait d’ailleurs un taux de recouvrement des pénalités financières imposées par le CNAPS inférieur à 30 % : la liquidation des entreprises sanctionnées, leur réouverture par d’autres biais, explique largement cette absence de recouvrement. Les pratiques abusives consistent pour certaines entreprises à se soustraire de manière systématique à leurs obligations, en organisant leur insolvabilité, privant ainsi d’efficacité les éventuelles poursuites engagées par les créanciers et les sanctions prononcées par la CNAPS.
Or, pour assurer la sécurité de tous, l’Etat fait de plus en plus appel aux entreprises du secteur privé. Ces entreprises doivent être à même de remplir leur mission d’intérêt général et d’être suffisamment fiables pour faire face à leurs obligations, notamment financières et sociales, vis-à-vis des URSSAF et donc des contribuables. La garantie financière permet ainsi le reversement à l’Etat des sommes perçues par l’entreprise de sécurité pour le compte de celui-ci.
La garantie financière est un outil déjà utilisé dans 49 autres secteurs qui a permis d’assurer un développement économique, social et opérationnel sain des dits secteurs : agences immobilières ou administrateurs des biens[2], agences de voyage[3], avocats[4], agences de mannequinat[5], travail temporaire[6]. Le caractère répandu de cette mesure, jusque dans le cadre d’activités moins réglementées et concourant de manière moins immédiate à la garantie d’une liberté fondamentale (installateurs d’éolienne, courtiers d’assurance, constructeurs de maisons individuelles, exploitants de carrières, etc.), ne permet donc pas de douter de sa légalité.
De plus, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de juger, s’agissant de l’obligation de garantie financière dans l’intermédiation en transaction sur immeubles qu’une « telle disposition, qui tend à assurer une garantie financière suffisante pour les usagers, le gouvernement n’a ni méconnu le principe de la liberté d’exercice des professions, ni porté atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi (…) »[7]. A fortiori en irait-il ainsi d’une garantie financière exigée pour des sociétés de sécurité privée participant à l’exercice de la sécurité publique.
Or, en l’espèce, en sus des motifs ayant motivé la mise en place d’une telle disposition dans d’autres secteurs, tenant à l’assurance du versement des salaires et le paiement des cotisations[8], cette obligation apparait d’autant plus justifiée qu’elle concourt directement à l’exercice de la sécurité dans la mesure où l’objectif est de garantir le paiement des cotisations sociales dues.
Enfin, le secteur de la sécurité privée est déjà reconnu comme devant avoir des principes spécifiques d’exercice et une régulation adaptée par rapport à d’autres secteurs. La loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité précise que les activités de la sécurité privée « concourent à la sécurité générale ». La loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dispose que les entreprises de sécurité privée sont « devenues un acteur à part entière de la sécurité intérieure » et « qu'elles interviennent dans les domaines où certaines compétences peuvent être partagées voire déléguées par l'Etat ». En 2015, le Conseil constitutionnel a jugé, à l’occasion d’une QPC, a jugé que les entreprises de sécurité privée « du fait de leur autorisation d’exercice, sont associées aux missions de l’État en matière de sécurité publique » (QPC n° 2015-463 du 9 avril 2015). Enfin, la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés a cherché encore à renforcer la structuration du secteur : limitation de la sous-traitance, titre de séjour d’au-moins 5 ans, connaissance des principes de la République, etc.
Ainsi, à l’aube des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, il serait inconcevable que l’Etat ne s’assure pas de la solidité et de la fiabilité du secteur de la sécurité privée, et même de son renforcement.
A la disposition législative, un décret en Conseil d’Etat précisera :
- Le pourcentage du CA devant être garantie ;
- Le montant minimal de la garantie ;
- Les modalités à prendre en compte en cas de scission, de fusion ou d’apport de capital dans l’entreprise ;
- Les modalités d’information des clients, salariés et autorités publiques concernées en cas de mise en œuvre de la garantie ou de sa résiliation ;
- Les modalités de délivrance et de retrait de l’autorisation du CNAPS au regard de la garantie :
o Pour les entreprises actuellement autorisés – délai pour fournir l’attestation de garantie ;
o Pour les nouveaux entrants : fournir l’attestation avant la demande d’autorisation ou dans un délai de 3 mois ;
o Pour toutes les entreprises, retrait de l’autorisation après un délai de 3 mois sans attestation.
- Les modalités temporelles de mise en œuvre du dispositif.
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