Publié le 29 septembre 2023 par : M. Latombe, M. Blanchet.
Est institué un moratoire de cinq ans, jusqu’au 1er janvier 2030, durant lequel la délivrance des agréments mentionnés au 1° bis de l'article L. 320-6 du code de la sécurité intérieure tel qu'il résulte de la présente loi ne peut être accordée qu’aux exploitants de casinos tels que définis à l’article L. 321‑1 du code de la sécurité intérieure, titulaires d’une autorisation au moment de la promulgation de la présente loi.
Le projet du gouvernement tel que transmis au Sénat prévoyait une législation par ordonnance que le Sénat a rejeté en commission et en séance. Pour autant il a été fait application de l’article 45 sur les amendements visant, comme celui-ci, à autoriser sous conditions les casinos en ligne.
Or le texte issu du Sénat écarte la législation par ordonnance et prévoit dorénavant une définition des JONUM qui s’apparente à des jeux de hasard et d’argent, ce que sont les casinos en ligne également. Pour éviter la rupture d’égalité devant la loi par le Conseil Constitutionnel saisi avant la promulgation de cette loi si adoptée ou en cas de QPC ultérieure, il est nécessaire que le législateur puisse débattre de l’opportunité de l’autorisation des casinos en ligne ou non, et aligne les définitions pour une bonne intelligibilité et égalité de la loi.
Alors qu’il existe historiquement une forte tradition du jeu en France, le cadre juridique français en matière de jeu de hasard reste très restrictif. Même si des évolutions législatives ont vu le jour, notamment en 2010, avec l’ouverture aux jeux en ligne de paris sportifs, hippiques ou encore du poker, le cadre législatif et réglementaire qui s’applique aux casinos demeure encore très contraignant.
En effet, la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent, interdit strictement l’activité en ligne des casinos dans l’hexagone.
De nouveaux usages de jeux en ligne depuis 2010
Cependant, depuis une douzaine d’années, des changements d’habitudes chez les joueurs français ont pu être observés : l’arrivée des smartphones dans la vie quotidienne a permis aux paris sportifs de se généraliser et de quitter les bars-tabac pour s’inviter dans les salons. En effet, ces avancées technologiques ont permis de rendre accessible, en quelques minutes et quelques clics, la possibilité d’ouvrir un compte sur les sites dédiés et de miser de l’argent en ligne. En outre, avec la crise sanitaire de la Covid-19, les consommateurs se sont davantage tournés vers les services en ligne, et malgré la reprise progressive de l’économie, on observe un changement durable des habitudes de consommation, beaucoup plus tournées vers le numérique.
Un enjeu de cybercriminalité
Cependant, force est de constater que les joueurs français bravent massivement la loi de mai 2010 et se rendent sur des sites de casinos en ligne offshore, qui ne les « protègent » en aucun cas, bien au contraire puisqu’il existerait aujourd’hui, d’après l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ), entre 1,4 et 2,2 millions d’adeptes de casinos en ligne illégaux en France.
Ces sites offshore, souvent peu sécurisés et frauduleux, accessibles depuis le territoire français notamment grâce à des technologies de camouflage, sont en plus d’être des cybers menaces, un réel défi pour notre souveraineté numérique.
La numérisation de plus en plus répandue des usages a ainsi permis l’augmentation exponentielle des risques encourus par les consommateurs, se rendant sur des sites de casinos en ligne illégaux, opérés depuis l’étranger, vulnérables aux actes de cybercriminalité, ne tenant aucune compte des règles qui prévalent en France (prévention des addictions, plafond de paris, contrôle des probabilité des gains, etc.).
En effet, les mesures protectrices mises en place par la réglementation pour les offres légales, c’est-à-dire les limites de jeu, l’interdiction aux mineurs, etc., ne sont pas appliquées par les offres illégales venant de l’étranger. Cela signifie que l’inscription est ouverte à toute personne en possession d’une carte bancaire, et force est de constater que le niveau rudimentaire, voire inexistant, de contrôle notamment par rapport à l’âge des inscrits, n’empêche en aucun cas des mineurs ou des personnes sensibles de s’exposer au danger de l’addiction.
L’interdiction en vigueur à l’encontre des casinos en ligne atteint donc ses limites, même si les autorités tentent de repérer et de bloquer les sites illégaux à l’aide d’ordonnances judiciaires.
Une modernisation du cadre législatif relatif à l’ouverture des casinos en ligne
Face à ces évolutions, il apparaît que le régime de prohibition absolue fixé par le législateur se révèle de facto peu protecteur pour les consommateurs, ce qui justifie de soulever la question de l’évolution du cadre juridique français afin de l’adapter aux nouvelles pratiques mais surtout aux nouveaux risques.
Afin de permettre l’ouverture encadrée et sécurisée des casinos français aux jeux de casino proposés par voie électronique, il semble opportun de s’inspirer du modèle unique qui a fait ses preuves en France, instauré par le législateur, pour réguler les activités des casinos physiques, en s’appuyant sur les sociétés de fourniture et de maintenance (SFM), afin de proposer des jeux en ligne grâce à l’extension par voie électronique de l’accès aux jeux présents dans les casinos « physiques ».
Garants et tiers de confiances institutionnellement reconnues, les sociétés de fourniture et de maintenance (SFM) sont les mieux placées et les plus qualifiées pour mettre leur expertise au service de la sécurisation de l’application de la législation encadrant l’ouverture de casinos en ligne, tout en assurant la création d’un espace numérique sûr, juste et respectueux des données des joueurs français à l’image de la mission qui leur a été confiée par le législateur de 1987. Aux côtés des casinos, les SFM représentent un véritable atout dans l’organisation française des jeux d’argent et de hasard, pour contribuer de manière efficace à la lutte contre la prolifération des casinos en ligne frauduleux. Leur capacité d’intervention aux côtés des casinos, afin de transposer les règles du marché des casinos « physiques », qui ont fait leurs preuves, au marché des casinos « en ligne », est parfaitement avérée. Ils seront donc en situation d’assurer un contrôle global des jeux de casinos physiques et par voie électronique, afin de préserver l’équilibre global des règles du secteur.
Pour permettre à la France de voir se développer l’activité encadrée de jeux de casino en ligne dans des conditions équitables afin de pouvoir faire face à la concurrence d’acteurs étrangers souvent de taille mondiale opérant sur le marché des jeux de casino en ligne, il est prévu une ouverture encadrée et restreinte dans un premier temps, grâce à la mise en place d’un moratoire de cinq ans, permettant aux acteurs nationaux de se développer dans des conditions économiques sereines avant une ouverture totale prévue au 1er janvier 2030. Dans le cas contraire, si l’ouverture devait être totale et immédiate, cela bouleverserait nos cadres réglementaires, fragiliserait l’industrie nationale des casinos, de même que l’équilibre.
Cet amendement représente une recette nette pour les finances publiques estimée de manière quasi-unanime aux alentours de 1 milliard d’euros pour 2024 si l’amendement était adopté. Une autre partie de recettes irait directement aux collectivités territoriales qui ont un casino sur leur territoire et dont des auditions par les auteurs de l’amendement ont montré que le budget de ces communes avait connu des baisses et dont ces recettes permettrait de développer ou moderniser les infrastructures touristiques notamment.
Ainsi, au-delà des considérations de protection du consommateur, de cybersécurité et de lutte contre les réseaux criminels et de blanchiment, accepter cet amendement permet de soulager la pression fiscale de nos concitoyens et entreprises d’un montant considérable en lien avec l’objectif du gouvernement de maitrise des dépenses publiques et de réduction de la dette de notre pays.
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