Publié le 8 septembre 2023 par : M. Delaporte, M. Aviragnet, M. Califer, M. Guedj.
Rédiger ainsi cet article :
« La Nation se fixe pour objectif, à horizon 2024, la reconnaissance d’un droit opposable à l’accompagnement de l’allocation du revenu de solidarité active mentionné à l’article L. 262‑1 du code de l’action sociale et des familles et la transformation dudit revenu en un revenu minimum inconditionnel, automatiquement versé, accessible dès 18 ans, et d’un montant permettant de vivre dignement. »
Cet amendement des députés socialistes et apparentés vise à réécrire globalement cet article 2 en proposant la reconnaissance d’un droit opposable à l’accompagnement pour les bénéficiaires du RSA, ainsi que la transformation du RSA en un revenu minimum totalement repensé autour des principes d’inconditionnalité, d’automaticité, d’ouverture aux jeunes dès 18 ans, et d’un montant permettant de vivre dignement.
Les députés signataires du présent amendement s’opposent fermement à la conditionnalisation du RSA, qui est le dernier filet de sécurité pour nos concitoyens.
Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler les mots de François Mitterrand en 1988 dans sa Lettre aux Français, dans laquelle il annonçait la création du Revenu minimum d’insertion (RMI) : « L’important est qu’un moyen de vivre ou plutôt de survivre soit garanti à ceux qui n’ont rien »
Après les deux réformes de l’assurance chômage (2019 et 2022) puis la réforme des retraites, cette réforme repose sur le même postulat historique du libéralisme : l’individu est lui-même seul responsable de ses turpitudes, et le rôle de l’État, par la coercition (donc la sanction financière), est de forcer le « profiteur » à se réinsérer.
Traduisant ce postulat philosophique, nul intérêt à renforcer les politiques publiques d’accompagnement social et d’insertion professionnelle : il suffirait de conditionner le versement du RSA à la réalisation de 15 à 20 heures « d’activité » pour que les allocataires du RSA trouve un emploi.
A l’opposé de ce postulat, nous pensons qu’être allocataire d’un minimum social n’est jamais un choix, jamais un « bénéfice » indu ; pas plus que la responsabilité de l’exclusion sociale et professionnelle ne repose exclusivement sur la personne.
Cet article 2 prévoit également un renforcement des sanctions, pourtant considérées comme inefficaces par de nombreuses études économiques, au premier rang desquelles la littérature d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie.
Outre ce postulat philosophique et cette inefficacité à sanctionner, nous souhaitons dénoncer les effets pervers que va générer cet article 2.
C’est ce qui s’est passé au Royaume-Uni avec l’aggravation des sanctions sur le Universel Credit au Royaume-Uni – qui ont accru l’incertitude sur l’avenir et le stress des allocataires – sans un quelconque effet positif sur l’emploi, voire avec un effet contre-productif avec une multiplication des candidatures inappropriées mais nécessaires pour conserver son allocation.
A l’inverse de l’ensemble de ce projet de loi, et notamment de son article 2, les députés du groupe Socialistes et apparentés proposent de consacrer un droit opposable à l’accompagnement du bénéficiaire conjugué à un minimum social inconditionnel, revalorisé, et ouvert aux jeunes actifs.
Alors que l’allocataire vit une situation sociale et/ou professionnelle difficile qui le conduit à demander le RSA, un tel droit opposable inverse la charge de la responsabilité : les difficultés de l’allocataire ne relèvent plus de sa faute, mais de la société qui n’a pas su organiser son insertion (école, transports, garde d’enfants, emplois adaptés, etc.).
Il reviendrait dès lors à la collectivité - via les politiques publiques - de garantir à l’allocataire un accompagnement adapté, et mettre en place des services publics (école, transports, garde d’enfants, emplois adaptés, etc.) pour faciliter sa réinsertion sociale et professionnelle.
Ce droit ne serait qu’une réalisation de la promesse du Préambule de 1946 et notamment de son alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »
A cet égard, la Défenseure des droits rappelle dans son avis sur le présent projet de loi que cet alinéa « reconnaît un droit à l’aide sociale, impliquant une obligation pour l’État de garantir des moyens convenables
d’existence à ceux qui sont dans l’incapacité d’en bénéficier grâce à leur travail. ».
Elle indique plus largement que « ce droit n’est pas en soi incompatible avec la soumission des bénéficiaires à des obligations visant à favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Cependant, celles-ci ne doivent pas constituer des restrictions disproportionnées ou discriminatoires des droits fondamentaux. »
Un tel droit est également une réponse au non-recours au RSA (estimé à environ 30 % des allocataires potentiels).
Une telle inversion de la responsabilité renouerait avec l’histoire glorieuse de la construction de la protection sociale française, qui est celle d’une construction d’une assurance contre des risques collectifs qui pèsent sur les individus.
Dans le même avis, la Défenseure des droits promeut également un tel droit à l’accompagnement opposable : « Plus encore, un droit à l’accompagnement opposable devrait être également mis en œuvre afin que les bénéficiaires du RSA puissent contraindre les pouvoirs publics à respecter leurs engagements et engager leur responsabilité s’ils n’ont pas été en mesure de lui proposer 15 heures hebdomadaires d’accompagnement. »
Outre ce droit à l’accompagnement opposable, il revient également de revoir le modèle-même du RSA.
Plusieurs principes nous guident ici : l’inconditionnalité, l’automaticité, la revalorisation du montant, et son ouverture aux jeunes actifs.
Pour toutes ces raisons, et dans une opposition ferme à cet article 2, cet amendement propose sa réécriture globale.
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