Publié le 18 septembre 2023 par : M. Midy.
I. – À compter du 1er janvier 2027, toute création de nouveau compte par un utilisateur des entreprises de service de réseaux sociaux en ligne au sens de l’article 1er de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, doit avoir fait l’objet d’une procédure de certification.
Cette certification réalisée par un tiers de confiance désigné parmi une liste établie et publiée par le ministère de l’intérieur après avis de la commission nationale de l’informatique et des libertés doit permettre d’associer chaque compte en ligne à une personne physique ou morale dûment identifiée, sans préjudice du pseudonymat et du nombre de comptes associés à une même personne. Au cours de cette opération, l’entreprise de service de réseaux sociaux ne récupère aucunes données personnelles.
II. – Cette disposition s’applique à l’ensemble des comptes, à l’exception des comptes privés ayant une portée limitée, dont les seuils sont fixés par décret pris en Conseil d’État.
III. – L’Autorité de régulation et de la communication audiovisuelle et numérique contrôle l’application du présent article.
IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.
En 2022, la France comptait 53 millions d’utilisateurs de réseaux sociaux, soit 80 % de la population, en hausse de 6 % sur un an. La quasi-généralisation de l’utilisation des réseaux sociaux par la population doit, plus que jamais, nous encourager à y organiser une vie sûre et civilisée et donc d’y imposer les mêmes règles que dans l’espace physique.
Cet espace numérique, c’est un espace d’opportunités immenses. C’est un espace de lien entre les uns et les autres, de partage avec ses amis, avec sa famille, avec l’ensemble des citoyens la communauté nationale, européenne, et mondiale. C’est un espace de création. C’est un espace de libertés individuelles qui sont très importantes, notamment la liberté de s’exprimer bien sûr, mais aussi la liberté de s’informer.
Cet espace numérique c’est aussi un peu aujourd’hui le « Far-West ». Plus de 50 % de nos jeunes disent s’être déjà fait harceler en ligne avec des conséquences trop souvent dramatiques. On peut penser au cas très récent de Manon Lanza, qui après son accident dans GP Explorer, s’est fait littéralement harceler de remarques sexistes par des milliers d’internautes. Nous citerons également le suicide de la jeune Lyndsay, victime de cyberharcèlement scolaire, et dont la mère a appelé l’État à combattre « l’impunité des réseaux sociaux qui ne peuvent pas continuer à gagner de l’argent sur les propos haineux et injurieux ». Il n’est pas possible de vivre dans un monde où parce que tout le monde se sent anonyme, un sentiment d’impunité généralisée règne. Par ailleurs, d’une façon générale pour les utilisateurs quotidiens des réseaux sociaux, c’est misogynie, racisme, antisémitisme, islamophobie et LGBTphobies à tous les étages, et nous donc devons trouver les moyens d’y mettre fin.
Bien sûr, les experts savent qu’il n’y a techniquement pas vraiment d’anonymat réel en ligne. Avec les adresses IP, une moitié des personnes généralement peuvent être retrouvées après enquête. Mais il existe un sentiment d’anonymat bien réel chez la grande majorité des utilisateurs qui génère un sentiment d’impunité contre lequel nous devons lutter.
Il ne s’agit pas de rendre l’espace numérique plus contraint ou plus sécuritaire que l’espace physique. Il s’agit de le rendre au moins aussi civilisé et sûr.
Il s’agit non pas d’inventer des nouvelles règles et de changer l’équilibre de nos lois, notre cadre de libertés et d’ordre public, mais il s’agit de transposer les règles du monde physique dans l’espace numérique.
Il s’agit de faire simplement que ce qui est illégal dans le monde physique, conformément aux lois que nous avons mis des siècles à écrire et à voter dans ce pays, soit illégal dans le monde numérique.
Concrètement, cet amendement vise à porter le principe de permettre bien sûr le pseudonymat mais de limiter l’anonymat dans l’espace numérique, exactement comme dans l’espace physique. Il n’est pas demandé d’inscrire son nom sur soi pour circuler dans l’espace public (pseudonymat possible) mais si la police interpelle quelqu’un, elle doit décliner son identité (anonymat impossible). Personne ne met son nom sa voiture pour circuler sur la voie publique (pseudonymat possible) mais il n’est pas possible de conduire sur la voie publique une voiture sans immatriculation liée à une identité physique ou morale (anonymat impossible), de même qu’il est demandé une pièce d’identité pour ouvrir une ligne téléphonique dont vous pouvez partager le numéro sans donner votre nom (pseudonymat possible).
Ainsi, il est proposé que chaque compte en ligne soit associé à une personne réelle physique (ou morale) dans le monde physique, sans préjudice du pseudonymat et du nombre de comptes associés à une même personne – de même pour les personnes morales. L’entreprise de service de réseau social n’aura évidemment pas accès à la pièce d’identité ou à une quelconque donnée identifiante mais à un code chiffré, indéchiffrable par les plateformes elles-mêmes mais déchiffrable uniquement par les autorités publiques dans un cadre juridique contraint à l’instar de l’utilisation du fichier des immatriculations de voitures ou du fichier des empreintes. Ainsi, les autorités pourront identifier la personne physique (ou morale) détenant un compte uniquement dans le cas où elle contreviendrait aux lois en vigueur, dans le respect des règles de protection des données et des procédures judiciaires et administratives. Techniquement, des solutions existent déjà comme celles par exemple de type France Identité.
Après une première étape sur base du volontariat des usagers, cet amendement propose de ne plus permettre la création de compte non certifiés personne physique à l’exception de comptes à portée limitée définis par décret. Ces comptes à portée limitée, qui ne seraient pas soumis à la certification, pourraient avoir les caractéristiques suivantes : capacité à voir tout le contenu public disponibles sur les réseaux sociaux mais limitation de la capacité à partager des messages au-delà de ses amis.
Cet amendement s’inscrit dans le contexte des travaux européens sur l’identité numérique et du programme interministériel français « France identité numérique » qui doivent respectivement aboutir à une identité numérique européenne et à la généralisation de la carte nationale d’identité électronique en France.
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