Publié le 14 juillet 2022 par : M. Laqhila.
I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le recours au mix énergétique bas carbone est favorisé lors de la construction de bâtiments neufs classés comme logements sociaux ou situés dans les quartiers prioritaires de la ville.
Cette expérimentation vise à réduire la précarité énergétique et à convertir les réseaux existants de transport de l’énergie pour qu’ils accueillent des énergies bas carbone ainsi qu’à favoriser l’économie circulaire et la valorisation des déchets.
II. – Les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation ainsi que les territoires concernés sont définis par voie réglementaire.
III. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, un comité scientifique réalise bénévolement l’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation.
IV. – Dans un délai de six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement dresse un bilan de l’expérimentation dans un rapport. Il évalue notamment l’opportunité d’adapter ou non la Réglementation environnementale RE2020 en fonction des résultats de l’expérimentation.
V. – Les rapports mentionnés aux III et IV du présent article sont adressés au Parlement et aux ministres chargés respectivement de la transition écologique, du logement et de la ville.
Depuis plusieurs années, certains territoires ont un besoin urgent de libérer de la puissance électrique sur leur réseau afin de faire face aux pics de consommation en hiver. Tel est notamment l’exemple de la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur qui, ayant des unités de production électrique en nombre limité, ainsi qu’une situation géographique en bout de ligne, voit son réseau aujourd’hui saturé. Pour répondre à cette problématique, à solution constante, il est nécessaire soit de réduire la consommation électrique, soit d’éviter a minima qu’elle n’augmente. Or, la croissance démographique, le développement des véhicules électriques et le coût inférieur de construction d’un logement chauffé à l’électricité vis-à-vis d’un autre au gaz rendent caducs ces deux scénarios.
En outre, l’électricité française – bien que beaucoup moins carbonée que le gaz – ne peut être stockée pour répondre aux pics de consommation. Pourtant, tout comme il ne serait pas viable de vouloir régler ce problème par le biais du gaz naturel, il n’est guère plus envisageable d’y répondre par l’apport unique en énergies électriques renouvelables qui – par définition – ne sont pas pilotables. Dès lors, la question de la gestion des pics de consommation saisonniers reste entière, a fortiori dans ce contexte de crise inflationniste et de difficulté en approvisionnement d'énergie.
Afin de répondre à ce défi, deux mesures immédiates peuvent être déployées :
- éviter d’une part de construire de nouveaux logements chauffés à l’électricité dans cette région;
- et d’autre part favoriser le mix énergétique 100 % vert : électricité verte et gaz vert issu de la méthanisation des déchets (notamment des boues de stations d’épuration).
Le gaz vert présentant l’avantage notable de produire 10 fois moins de CO2 que le gaz naturel. Malheureusement, le gaz vert n’a pas été retenu dans le cadre de la Règlementation environnementale 2020, alors qu’il serait possible, selon l’ADEME, d’atteindre 100 % de gaz vert (et ainsi ne plus recourir au gaz naturel) en favorisant les complémentarités avec l’énergie électrique.
Dans cette optique, dans mon département des Bouches-du-Rhône, un collectif : Smart Avenir Energies, s’est constitué en 2017. Il réunit plusieurs énergéticiens, acteurs institutionnels et financiers (CCI Aix-Marseille Provence, Caisse d’épargne Provence-Alpes-Corse et Crédit Agricole Alpes Provence, etc.), maîtres d’ouvrages et bailleurs sociaux. En travaillant main dans la main, ils ont développé une solution locale et durable, sans recourir à des aides publiques, et permettant d’avancer tout de suite vers une transition écologique et énergétique par le biais d’un mix énergétique 100 % vert (gaz vert et électricité verte).
Plus de 35 000 logements sont d’ores et déjà passés à ce système reposant sur des principes simples : utiliser le réseau de distribution énergétique existant (déjà amorti par les collectivités), réserver l’électricité aux usages courants (électroménager, éclairage, Wi-FI, etc.) et le gaz vert aux besoins saisonniers (chauffage).
C’est une solution gagnant-gagnant qui encourage les énergéticiens à passer à un portefeuille plus vert et les maîtres d’ouvrage à construire des logements qui utilisent le mix énergétique.
De son côté, le consommateur s’engage dans la transition énergétique et ne voit pas sa facture augmenter, au contraire (le gaz coûtant moins cher au kilowattheure que l’électricité).
Ainsi, contrairement à ce qui a été avancé lors des discussions en commission spéciale, une simple simulation sur le site https://comparateur-offres.energie-info.fr/ démontre que pour 10 000 kWh en 100% électrique, le prix avoisine les 1700€, alors que pour 11 000 kWh en mix-énergétique (5000 kWh en électrique et 6000 en gaz), le tarif ne dépasse pas les 1454€. Etant précisé que cette simulation a été effectuée pour des logements individuels, le prix du gaz en collectif s’écroule davantage. De fait, le coût de l’énergie est une donnée qui ne doit pas être perdue de vue lorsque l’on sait qu’environ 5,5 millions de ménages souffrent de précarité énergétique dans notre pays. Par conséquent, avec au moins 300 euros/an économisés sur les factures d’énergie, ce sont 10,5 millions d’euros/an que les 80 000 personnes actuellement équipées peuvent consacrer à d’autres postes de dépenses. En définitive, cela permet également de soulager le réseau électrique de 140 millions de kilowattheures/an, soit environ la consommation annuelle de 90 000 véhicules électriques. Une généralisation à toute la région pourrait produire des effets bien supérieurs.
Les premiers résultats semblent très prometteurs. Il est donc proposé par cet amendement d’inscrire l’expérimentation de cette solution dans plusieurs territoires de France et a fortiori, dans la région qui l’a vue naître et qui ambitionne – conformément à son SRADDET – de devenir en 2050 la première région française neutre en carbone. Par ailleurs, des unités de production fonctionnelles – comme l’usine Sormiou de Suez à Marseille – y existent déjà.
Cette expérimentation s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire, puisque la conversion de nouveaux logements stimulera l’offre de gaz vert donnant des débouchés plus importants pour les déchets des collectivités locales et créant de l’emploi non délocalisable.
Demain, si cette solution se montre viable, les réseaux de distributions urbains pourraient transporter du gaz vert plutôt que du gaz traditionnel très émetteur en CO2 ; le tout sans surcoût pour les collectivités locales. Le tout électrique n’est pas la solution, le recours au gaz fossile non plus. Le recours à un mix énergétique semble dès lors une réponse d’équilibre intéressante. Elle a le bénéfice de la complémentarité avec les objectifs environnementaux de la France, à savoir : la rénovation thermique des logements, ainsi que la réduction et la valorisation des déchets.
Cet amendement est le fruit de discussions avec le collectif Smart Avenir Energies.
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